Au siècle dernier, en 1950, le Hoggar s'est fait connaître avec le roman d'aventures “La piste oubliée” de l'écrivain Frison-Roche. Ce massif saharien dont la beauté relève de ses masses rocheuses de porphyre rouge et vert a fait peu parler de lui ensuite malgré les campagnes d'essais nucléaires conduits par la France sans discontinuités de 1961 à 1966. Soixante-dix ans après, le Hoggar est victime de sa radioactivité oubliée. Le 20 janvier 2021, monsieur Benjamin Stora a remis au chef de l'Etat un rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie omettant volontairement, ou pas, la question des essais nucléaires conduits à Reagan en 1960 puis à partir de 1961 à In Ekker dans le Hoggar. Vétéran des essais nucléaires dans le Sahara et auteur du livre “Les irradiés de Béryl”, j'avais vivement protesté dès le 29 janvier sur mon blog avec cette “Lettre ouverte à l'historien Benjamin Stora” rappelant que sa responsabilité l'engageait à ouvrir tous les dossiers.
Très opportunément Frédéric Bobin nous apprenait dans le Monde de ce 26 janvier la formation d'une commission mixte pour ouvrir un travail mémoriel sur la colonisation et la guerre d'Algérie, engageant l'une et l'autre partie, française et algérienne, à coopérer à partir d'une co-présidence et la désignation de cinq historiens de part et d'autres connus pour leurs contributions dans cette quête de vérité sur la présence française en Algérie. Monsieur Macron, en visite à Alger en août 2022, est à l'origine de cette entreprise de réconciliation mémorielle dont la mise en place côté français aura pris un retard de cinq mois. Monsieur Stora présenté comme l'inspirateur de la politique mémorielle d'Emmanuel Macron co-présidera la commission mixte. Parmi les zones d'ombre en quête d'éclaircissements le journaliste du Monde mentionne les essais nucléaires dans le Sahara. Notons que l'information ainsi publiée dans le Monde n'a pas été relayée semble-t-il par un communiqué officiel.
Comment ne pas s'interroger sur les moyens mis en œuvre pour ouvrir ce débat sur les responsabilités de la France présidée alors par le général de Gaulle pour mettre au point son arsenal nucléaire en exposant les populations autochtones aux retombées radioactives dans les essais conduits à l'air libre dans la zone de Reggane puis à In Ekker dans le Hoggar, ou le confinement des tirs dans les galeries d'une montagne n'a pu éviter l'accident ou plutôt la catastrophe du tir Béryl le 1er mai 1962 ou un nuage de poussières fortement chargées de radioactivité échappé de la montagne a produit des dommages jamais révélés jusqu'ici. Pour toute réponse nous apprenons que les historiens se verront ouvrir les archives côtés français et algérien. Pour la question qui nous concerne celle des essais nucléaires, il faut comprendre que le secret défense sera levé sur tous les rapports concernant le déroulement de chaque essai, c'est-à-dire de chaque tir, mais en sommes-nous aussi sûr. Par ailleurs comment ne pas s'interroger sur l'expertise scientifique mis à la disposition des historiens pour poser un diagnostic sur les atteintes corporelles et environnementales dont a été victime le peuple touareg, sans parler des milliers de militaires français tout aussi exposés.
Quelle que soit la bonne volonté affichée de part et d'autre de la Méditerranée pour dialoguer les enjeux sont si importants que nous pouvons émettre des doutes sur la portée des révélations que nous pouvons attendre de la levée d'un coin du voile sur ce qui jusqu'ici relevait du secret défense sur une radioactivité oubliée