Je suis un familier du journal Le Monde depuis mon service militaire pendant la guerre d'Algérie. Depuis mon retour à la vie civile en novembre 1962, je le lis quotidiennement. Préoccupé par ses difficultés financières et son indépendance, je suis entré à la société des lecteurs du Monde en devant actionnaire avec l'achat de quelques titres donnant accès au capital du groupe.
A l'écoute des matins du samedi de France Culture ce 9 juin, j'ai été interpellé par le témoignage d'Hervé Kempf, journaliste au Monde pendant 15 ans pour la rubrique environnement, déclarant avoir donné sa démission en 2010 pour avoir été censuré par les hommes d'affaires Niel et Pigasse aujourd'hui actionnaires majoritaires du groupe Le Monde à propos d'un article sur l'aéroport de Notre Dame des Landes. Loin de moi l'idée de faire appel à la démission des journalistes qui font mon attachement à mon quotidien dès lors qu'ils sont confrontés à un problème de censure par les détenteurs du capital. Il revient donc à ses lecteurs d'interpeller les propriétaires du journal quand le besoin s'en fait sentir. Il faut comprendre que ces messieurs Niel et Pigasse sont détenteurs d'un réel pouvoir quand il s'agit d'informer le public de leurs lecteurs sur le crédibilité des hommes de pouvoir au sommet de l'Etat.
L'occasion vient de m'être donnée de m'interroger sur la lenteur avec laquelle mon quotidien a réagi à l'enquête publiée le 4 mai par Médiapart sur la collusion des intérêts du Secrétaire Général de l'Elysée Alexis Kohler, le plus puissant haut fonctionnaire de France à l'occasion de ses allers retours entre le service du candidat puis du président Emmanuel Macron et ses activités professionnelles dans le privé.
C'est seulement un mois plus tard dans son numéro du mardi 5 juin que Le Monde présentera l'affaire sous ce titre, "Alexis Kohler dans le viseur d'Anticor". L'article en question traitant de cette affaire est remarquablement bien documenté et argumenté fruit du travail pointilleux de quatre journalistes de la maison. Mais pourquoi avoir attendu la plainte pour prise illégale d'intérêts et trafic d'influence que l'association de lutte contre la corruption Anticor a envoyé vendredi 1er juin au Parquet national financier?
De mon point de vue, les révélations de Médiapart sur cette affaire d'Etat méritaient d'être portées à la connaissance des lecteurs du Monde dès leur publication sur leur site et de m'interroger pourquoi un tel délai et s'il faut y voir l'interférence des propriétaires de mon quotidien.