Dans le cortège marseillais du 1er mai 2017
- 3 mai 2017
- Par Louise Fessard
- Blog : Ça se dessine

Militante communiste depuis l’âge de 16 ans, Margaux, un BTS d’audiovisuel en poche, a laissé de côté sa recherche d’emploi pour se consacrer à sa candidature aux législatives dans le 13ème. La réunion de section après le premier tour a révélé beaucoup de désaccords. « Après le premier tour, certains camarades étaient un peu perdus, suite à ce qu’avait dit Mélenchon, ils voulaient s’abstenir. J’ai aussi des amis en dehors du parti qui me disent " Si les gens veulent le FN, qu’ils l’aient ". Je leur réponds qu’Hitler est arrivé au pouvoir via les urnes. Les gens ont oublié ce qu’était le fascisme, on a dédiabolisé le FN, mais cela reste un parti fasciste, raciste qui veut supprimer la sécurité sociale, qui refuse l’homosexualité. L’éducation nationale n’a pas fait son travail. Le PS et LR jouent avec la balle du FN depuis des années et là, ils l’ont perdue. » Pour autant, Margaux n’est pas trop inquiète pour le 7 mai. « Je pense que les gens vont se réveiller et on peu compter sur les médias pro libéralisme, qui manipulent les esprits, pour leur faire peur », dit-elle, en souriant. Ce qui l’inquiète plus, c’est l’« après ». «Il faut que les gens arrêtent de se réveiller deux semaines avant les élections et qu’ils se rendent compte que la politique c’est la vie de la cité. »

« On a échoué, dit-elle. Marine Le Pen a déjà gagné les esprits. La voir au deuxième tour, ça ne choque plus personne. Lors de nos formations, on se rend compte que cette lepénisation est une préoccupation pour les travailleurs sur leurs lieux de travail. Par exemple, quand on a des parents d’élèves qui nous disent qu’on n’est pas capable de tenir nos classes et qu’il y a trop de noirs. Il faut rappeler qu’il existe de solutions simples à ce genre de situations : le racisme est puni par la loi. Dans nos formations, nous essayons de nous servir de gestion FN de mairies : suppression des politiques sociales, plus de financements pour les cantines, etc. On essaie à la fois de montrer que c’est un parti qui n’a jamais été du côté des travailleurs et de rappeler le côté raciste et xénophobe. On fait des ponts entre les deux. »
Aziz, professeur et membre du front uni des immigrations et des quartiers populaires. © LF
Enseignant dans un collège marseillais, il ne sait pas encore s’il retournera voter au second tour. « Marine Le Pen c’est la mort subite, Macron la mort lente, C’est la grande question, je verrai au dernier moment. Notre préoccupation première, c’est notre bataille de tous les jours dans les quartiers, contre les violences policières, contre l’impunité dont jouissent les policiers. C’est une des raisons pour lesquelles les gens pètent les plombs, alors il faut y mettre fin. Bien sûr le gouvernement a une influence sur les conditions de lutte, mais l’essentiel c’est la lutte. Marine Le Pen veut une présomption de légitime défense, le gouvernement Hollande a fait la même chose (en votant une loi élargissant les conditions de tir des policiers, ndlr), c’est la même logique. Ok, nous les Arabes, serons les premiers visés si elle arrive au pouvoir, mais nous sommes déjà les premiers visés depuis longtemps. La déchéance de nationalité, la stigmatisation au quotidien, c’est du racisme d’État. Ce sont des lois qui visent une partie de la population, qui montrent du doigt. Si aujourd’hui dans les quartiers populaires, les gens s’autodétruisent à travers la drogue, la survie comme ils peuvent, c’est parce que tout l’espoir mis dans les politiques a disparu. Les gens sont blasés, ils deviennent nihilistes. Moi je n’y crois plus depuis que le gouvernement Mauroy, un premier ministre socialiste, a désigné des ouvriers maghrébins de Peugeot Talbot comme alliés au Shah d’Iran parce qu’ils étaient en grève. »
À ses côtés, Messaouda, 52 ans, militante depuis un an, ne vote plus depuis le référendum sur le traité européen et l’enjeu du 7 mai n’y changera rien. « Tous les mains, je me réveille avec cette idée (d’une Le Pen présidente, ndlr), je n’arrive même pas à y réfléchir, ça me tétanise, lâche cette formatrice en Fleu (français langue étrangère). Après coup, j’ai regretté d’avoir voté Chirac contre Le Pen en 2002. Ce n’est pas que je n’ai pas peur, au contraire. Ce retour de l’identité nationale, on l’a déjà vécu sous Sarkozy. Et pas que nous les Rebeu, aussi des gens de l’Est, des Français d’ici avec des noms à consonance étrangère. Mais je n’adhère pas au système. »

L'opposition à la loi travail a forgé des politisations et des amitiés chez les lycéens. Margot et Maïa, 16 ans, look de punk soigné, se sont rencontrées lors de la mobilisation contre la loi travail devant le commissariat de Noailles. « Macron ou Le Pen, c’est le choix entre le sida et le cancer », lance Margot, lycéenne à Saint-Charles, le gros lycée du centre-ville, qui se réjouit de ne pas avoir à trancher. Béret, foulard rouge autour du cou, et épingle à nourrice à l’oreille, Maïa aurait voté Macron « parce que c’est quand même le pays des droits de l’homme » et que le « droit de manifester est capital ». Mais elle a toujours en tête les 24 heures de garde à vue réalisées en septembre 2016 à l’issue d’une manifestation et les insultes racistes de policiers. « J’ai été arrêtée devant le comico de Noailles, les flics m’accusaient d’avoir tagué une voiture de police, raconte-t-elle. Ils m’ont plaquée au sol de dos, ma tête s’est ouverte, puis ils m’ont tirée par les cheveux jusqu’à la voiture et m’ont mis de bonnes patates. En garde à vue, ils m’ont traitée de « bouche à sperme de négro » et de « salope qui défend les bougnouls qui la fracassent ». Aucune ado de 15 ans ne devrait avoir à subir des violences policières. C’est quand même la loi El Khomry qui m’a lancée dans les manifs. »

Charlotte, enseignante et syndiquée Sud © LF
Jeanne, enseignante et syndiquée Sud © LF
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