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Billet de blog 26 mars 2012

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Ecoutes : ce que la police peut obtenir des opérateurs

Un arrêté, paru au Journal officiel du 24 mars 2012, fixe les nouveaux tarifs applicables aux réquisitions des opérateurs téléphoniques par les pouvoirs publics, des tarifs en baisse par rapport à ceux fixés en 2007 et 2006.

Louise Fessard
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Un arrêté, paru au Journal officiel du 24 mars 2012, fixe les nouveaux tarifs applicables aux réquisitions des opérateurs téléphoniques par les pouvoirs publics, des tarifs en baisse par rapport à ceux fixés en 2007 et 2006.
Il en coûtera désormais 4,59 euros aux enquêteurs pour identifier une personne à partir de son numéro de téléphone portable, 15,30 euros puis 1,50 euro par mois pour obtenir sa facture détaillée, et 24 euros pour la mettre sur écoute.

L’Etat a toutefois négocié «un prix de gros» pour les identifications de numéros : à partir d’«au minimum» 20 numéros et si la demande est envoyée sous format électronique, ce sera 0,80 euro pièce. Cela incite à la consommation, non ?

Depuis 2007, les réquisitions aux opérateurs ont augmenté de 40%. En 2010, quelque 600.000 réquisitions ont été envoyées aux opérateurs téléphoniques par des enquêteurs. Dans 32.000 cas, il s'agissait de mettre une personne sous écoute, dans 11.000 cas de la géolocaliser, mais bien plus souvent les enquêteurs voulaient tout simplement identifier des interlocuteurs (entre autres via les fameuses fadettes ou facturations détaillées).
Si les officiers de police judiciaire (OPJ) sont friands de ces écoutes, ils n’en paient pas la note, qui est directement envoyée au ministère de la justice. Lequel négocie depuis plusieurs années avec les opérateurs pour réduire la douloureuse (déjà passée de 70 millions d’euros en 2004 à 35 millions en 2010) et envisage de créer sa propre plateforme d'interception... «Si le nombre actuel de réquisitions reste inchangé, cette nouvelle grille aboutit à une baisse de plus d'un tiers de la dépense», estime-t-on au ministère de la justice, qui précise que «les opérateurs ne font pas de bénéfices sur ces réquisitions».  

Ce qui n’empêche pas certains policiers de la PJ d’être persuadés que les opérateurs gagnent de l’argent sur le dos de l’Etat. «Dans le cadre d’un service public, cela reste horriblement cher de la part de sociétés à qui l’Etat a donné des licences, remarque l’un d’eux. Je ne suis pas du tout certain que les opérateurs facturent à prix coutant...»
Mis à part ce souci budgétaire, le détail de cette grille tarifaire renseigne surtout sur les multiples prestations proposées aux policiers et aux gendarmes. «La liste s'est allongée compte tenu des évolutions technologiques», reconnaît-on au ministère de la justice.

Le top reste les écoutes téléphoniques, mais le prix est plutôt dissuasif pour les lignes fixes (217,50 euros l’installation d’une ligne numérique temporaire de renvoi puis 45,50 euros par mois d’écoute). Pour 17,50 euros par mois, les enquêteurs peuvent en outre connaître, en temps réel, la localisation d’un individu, à partir des bornes que son téléphone portable déclenche.

L’arrêté évoque également les «interceptions des communications de téléphonie de voix sur IP», c’est-à-dire sur des services de téléphonie par Internet, comme Skype, jusqu'ici très réticents à livrer des informations aux autorités. Skype a d'ailleurs récemment été «sommé de se déclarer auprès du gendarme des télécoms, l’Arcep, pour rentrer dans la légalité» et «permettre les interceptions des appels pour des raisons de sécurité», selon l’Express.
A moindre frais, les enquêteurs peuvent identifier un abonné à partir de son numéro d’appel, mais aussi à partir de sa carte SIM (avec au passage communication de ses coordonnées bancaires, c’est cadeau), d’un nom patronymique, d’une raison sociale, de ses moyens de paiements ou encore du numéro IMEI du portable qu’il utilise (un code unique, propre à chaque portable).

Pour obtenir ses factures, la copie de son contrat d’abonnement et les documents produits au moment de sa soucription, il leur faut par contre patienter un mois.
Une fois le numéro identifié, ne reste plus qu’à faire ses fadettes. Ces factures détaillées permettent de connaître le détail sur un mois des communications reçues et émises par un abonné : numéros des interlocuteurs ; heure, date et durée des appels ; et adresse des relais téléphoniques par lesquels les communications ont débuté. Pour ce produit phare, devenu très demandé, les opérateurs ont cassé les prix (15,30 euros puis 1,50 euro par mois au lieu de 35 euros par mois).
Il est également possible d’obtenir le détail des communications téléphoniques passées par un relais téléphonique au cours des douze derniers mois (12,75 euros) : qui était à proximité et a appelé ou reçu des appels de qui ?

Puis d’obtenir la zone couverte par ce relais téléphonique (9,69 euros).

Ou dans l’autre sens, de rechercher une borne téléphonique à partir d’un lieu géographique (toujours 9,69 euros). Pour les amateurs de la bonne vieille cabine téléphonique, les enquêteurs peuvent également obtenir la liste des publiphones situés dans une zone géographique (15,30 euros).
Les utilisateurs de carte prépayées ne sont pas non plus oubliés : l’identification d’un point de vente à partir d’une carte prépayée coûte 15,30 euros, puis le suivi du trafic 15,30 euros et 1,50 euro par mois.
Ouf, on a presque fini. L’identification d’un abonné ADSL et de son fournisseur revient à 6,12 euros par mois. Une fleur des opérateurs...
«De toutes façons, quand on fait une demande de mise sous écoutes, c’est souvent une urgence, on ne va pas s’amuser à faire un devis», souligne un policer de la PJ.

A lire sur le sujet : L'Etat centralise les écoutes judiciaires.

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