L'école maternelle Barnier, le 17 février. © LF
Mise à jour : Le square a été expulsé vendredi 30 janvier au petit matin, après passage d'un huissier. La Zad marseillaise n'aura finalement pas duré beaucoup plus longtemps que celle de Rouen évacuée le 7 novembre 2014. «A 6h moins deux minutes ce vendredi 30 janvier, la BAC, accompagnée par un huissier, entre dans le parc avec un ordre d’expulsion immédiate et expulse les occupants, indique un communiqué des militants marseillais. Un d’eux a pu résister, perché en haut d’un micocoulier (c’est un arbre), et la police quitte le terrain en laissant cet occupant en haut de l’arbre. Un appel à rassemblement est lancé mais peu de personnes viennent soutenir les occupants. A 10h, la BAC se réinfiltre dans le parc et expulse tout le monde, seize camions de CRS attendant en renfort. Le copain dans l’arbre est malheureusement au sol à ce moment-là, on soupçonne très sérieusement qu’un indic était parmi nous ce matin.»
C’est un petit square dans le 6ème arrondissement de Marseille, à proximité de la place Castellane : d’un côté un terrain de boules ombragé par des cyprès et platanes centenaires, de l’autre des jeux pour enfants. A vrai dire, le square Michel Lévy est le seul jardin public dans un arrondissement de quelque 42 000 habitants dont la densité n’a rien à envier à celle de Paris (environ 20 000 habitants par km2). Le 17 juin 2013, la mairie UMP de Marseille a pourtant décidé de déclasser cet espace public pour le vendre (1,2 millions d'euros) à un bailleur social, Unicil (lire la délibération). Celui ci doit y construire un parking sous-terrain de 300 places, ainsi que 46 appartements, pour moitié en logements sociaux, pour l’autre proposés à la vente en accession sociale. Le rez-de-chaussée abriterait un nouveau centre social. Mais du jardin, il ne restera que 1100 m2 qui seront rétrocédés à la Ville. A cause de la dalle de béton, seuls des arbustes seront replantés. Et le soleil et le mistral pourront s’en donner à cœur joie.
«Le square actuel est déjà sous-dimensionné par rapport aux besoins, dit Muriel Wolff, riveraine de 62 ans et coordonnatrice du collectif Michel Lévy. Aux sorties d’école, les gens s’asseyaient par terre. Alors imaginez un parc encore plus petit avec un programme immobilier pour 75 familles supplémentaires à deux rues d’ici, plus les 46 logements prévu sur place. Les gamins vont jouer à saute-voiture dans le sous-sol !»
Rien a priori d’exceptionnel à Marseille, où le maire Jean-Claude Gaudin poursuit depuis 1995 sa politique de bétonisation, avec cette fois ci l’argument imparable du logement social. «Je suis stupéfait que des gens de gauche, qui nous accusent sans cesse de ne pas respecter les quotas de HLM dans les 6e et 8e arrondissements, s’opposent à ce projet», dégaine ainsi Yves Moraine, maire UMP du secteur. Mais surfant sur l’effet Notre-Dame-des-Landes et Sivens, des riverains et militanst écologistes ont décidé d’occuper les lieux le 22 janvier 2015.
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Les tentes sont installées à l’abri du vent glacial, derrière l’ancien centre de loisir bouclé à clef et qui devait être désamianté. Les occupants ont débarrassé le jardin des branchages et construit des balançoires pour les gamins du quartier. Des ateliers de construction de tipi sont prévus. Des pousses de chêne verts et blancs ont été plantés. Dans le petit potager, délimité par des ficelles, des étiquettes optimistes annoncent des pommes de terre, de la marjolaine, des piments d’Espelette, et des courges. «En espérant que ça ait le temps de pousser», soupire Michel dit «l’Indien» (ici tout le monde s’appelle Michel).
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«A Marseille, tout ce qui était public est en train de devenir privé», déplore Gérard Janson, du collectif de défense du littoral 13, venu apporter son soutien. L’association a été créé en avril 2014 pour lutter contre la semi-privatisation par la nouvelle mairie de secteur de droite de la plage des Catalans, la plus proche du Vieux-Port. La ZAD marseillaise (zone à défendre, un détournement de l'acronyme officiel "zone d'aménagement différé") est également soutenue par le collectif Laisse Béton qui rassemble douze associations contre le bétonnage de Marseille. Gérald, un de ses membres, s’interroge sur l’«absence de concertation» et «ce montage bizarre où la ville vend un espace public au privé qui lui en rétrocède une partie ensuite».
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La conseillère municipale Annie Levy-Mozziconacci, qui était tête de liste socialiste aux municipales dans le secteur, a demandé le 26 janvier au préfet des Bouches-du-Rhône et au maire de Marseille de faire stopper les travaux. «Ce permis de construire, accordé il y a 6 ans, ne correspond absolument plus à la priorité du développement durable qui doit animer notre ville dans toute son action, le manque de concertation et le dialogue avec les habitants du quartier est d’autant plus choquant et conduit évidemmment à un blocage du projet», écrit-elle dans ses deux courriers.
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La mobilisation dure depuis plusieurs années, elle a notamment été chroniquée par le site Marsactu :
A Lodi, les riverains défendent leur jardin contre un parking
"Nous comptons sur le bons sens des élus pour sauver le square Michel Levy"
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