Il y'a d'abord un travail honorable avec pour une fois, ce n'est pas coutume, un salaire plus que décent. Des conducteurs de bus rémunérés 25h de travail pour n'en faire en réalité que 15h ... de nuit. Mais il y'a ensuite une réalité, celle de la pénurie latente qui sévit malgré une telle proposition. En cause : la désorganisation totale, le manque de protection et plus important que tout, le non-respect de certaines lois par l'employeur. De quoi, selon les employés, demander plus, toujours plus. Trop ? C'est ce que défend l'employeur.
L'email de la discorde
À peine un mois après le début officiel et discret du nouveau service de transport à la demande de nuit dans une grande ville de France, une "responsable d'exploitation" envoie un mél à l'ensemble des quelques 7 conducteurs "permis D", l'autre nom du permis transport en commun. Le propos est simple : à la suite d'un léger accrochage sur le parechoc d'un bus, le/la coupable ne s'est pas déclaré et pire le collègue suivant n'a pas effectué sa vérification avant service lui permettant de se prémunir d'être accusé d'être le coupable de l'accrochage. Ainsi, la responsable d'exploitation est formelle : puisqu'il est impossible de trouver l'auteur du dégât, l'entièreté des conducteurs "permis D" vont être sanctionnés ; fini la prime d'assiduité et de mobilité.
Les conducteurs s'émeuvent tous de cet email. Tous semblent en colère d'apprendre qu'ils vont être punis. Et à raison.
D'abord parce que la règle veut qu'indépendamment de qui a réellement causé le choc sur l'élément de carrosserie, la personne qui n'a pas effectué sa vérification obligatoire avant de prendre le volant est in-fine tenu responsable de l'accrochage. Il s'agit ici d'une faute professionnelle puisqu'elle apparaît comme une des missions inscrites sur la fiche de poste du conducteur de transport en commun : "Contrôler le fonctionnement du véhicule et son état". Ensuite parce que la suppression d'une prime, même une prime non obligatoire est doublement illégale. Cette prime d'usage, générale, fixe et constante, ne peut pas être retirée à l'entièreté du collectif sur un coup de tête du patronat ; et cela ressemble fortement à une sanction pécuniaire, strictement interdite par le Code du Travail.
Encadrement illégitime
Mais ce qui interroge bien plus, c'est le profil de la décideuse. Fille du patron, sans diplôme, aucun, en matière de transport, elle ne cesse d'accumuler les véritables fautes professionnelles. Signant "responsable d'exploitation", elle fait preuve de plus d'humilité sur son profil LinkedIn où elle ne se considère plus qu'assistante de direction.
À son dossier, des tonnes d'entorses au code du travail. Ainsi depuis des années celle-ci décompte les congés payés comme des absences, et lisse les heures des travailleurs qui devront donner plus encore de leur temps. Aussi ne connaît elle pas les durées minimales de repos, de temps de travail effectif ou d'amplitudes, qu'ils soient contenus dans le Code du Travail ou la Réglementation Sociale Européenne dont dépendent majoritairement les conducteurs ; donnant lieu à des atteintes véritables à la sécurité lorsque plusieurs conducteurs ont effectué à maintes reprises des temps de conduite de plus de 24h avec des repos de moins de 3h - une honte rendue possible grâce à l'absence d'enregistreur de données, les chronotachygraphes, dans les bus urbains.
Enfin, ce service, comme tant d'autres au sein de l'entreprise, a été lancé sans les reconnaissances préalables obligatoires dans le monde du transport en commun, obligeant les conducteurs à créer lors de leurs heures de repos, des "traces" sur GPS pour pouvoir effectuer les trajets en toute sécurité.
La légitimité de l'encadrement est comme bien souvent entamé, et ici se posent plusieurs questions :
- En premier lieu, quelles conséquences pour les fautes professionnelles des cadres et patrons ? Elles sont rares, et même les intervenants extérieurs (l'inspection du travail ou la DRIRE) sont de moins en moins prompts à intervenir. Les salariés devraient-ils avoir un droit de regard sur les primes de leurs supérieurs ?
- En second lieu, ne devrait il pas y avoir un permis à encadrer ou diriger des gens puisqu'il en existe pour les véhicules ? La vie des humains est-elle inférieure à celle des objets ?
- En troisième et dernier lieu, les conducteurs ne sont-ils pas légitimes à être mieux payés s'ils exercent plus de missions que leur fiche de poste ne le prévoit ? Depuis le Jour 1 de l'instauration du service, le conducteur permanent dédié au service ne cesse de déclarer que le service se déroule sans aucun reproche, aucun incident, malgré les improvisations constantes. Or aucun mél de félicitations n'a jamais été adressé.
Dans ces conditions, les conducteurs de bus ont demandé une augmentation de leur taux horaire, de 12,30€/h à 12,45€/h, après s'être aperçu que l'une des offres d'emploi diffusé par l'entreprise - toujours en manque grave de conducteur - affichait un taux horaire supérieur au leur, à 12,42€/h pour des conducteurs ... de jour.
Les salariés sont-ils réellement des enfants ingrats ? Ou les employeurs sont-ils des enfants gâtés ?