Les votes ont été comptés, les pupitres ont été pliés, les bureaux ont été rangés et, dans cette atmosphère d'apaisement, tout le monde soupire, car ils savent que ce qui est à venir ne peut être que pire.
Qu'elle est belle la République ! conçue pour donner sa force politique à un être humain unique que l'on appellerait "président", elle cannibalise la démocratie lorsque celle-ci s'exprime réellement et met en place une force politique hétérogène et multiple. Mais qui, à part les Américains, a bien pu croire qu'un paysage politique ne pouvait se résumer qu'à une force de gouvernement et une autre d'opposition ? Si cela est vrai lorsque les partis sont d'accord sur le système politique et économique, en gros depuis 1960, c'est en revanche totalement faux pour les années qui l'ont précédé. De trois blocs principaux il a toujours été question depuis la Révolution : le bloc monarchiste devenu nationaliste sous l'impulsion de Charles Maurras en 1890, le bloc libéral uniquement représenté par Frédéric Bastiat entre 1848 et 1851 devenu ensuite le bloc impérial ou républicain conservateur ou modéré, et le bloc de gauche radical républicain, socialiste, communiste et anarchiste créé aussi en 1848.
Le peuple peut oublier, mais la politique trouve toujours un moyen de le lui rappeler, et si cette division a tué la IVe République (1946 - 1959) par le chaos qu'elle engendra, elle fit aussi les belles années de la IIIe République. Prouvant par la même occasion que ni la République parlementaire ni le dissensus ne sont (et n'ont jamais été) les causes réelles du chaos : les hommes politiques sans culture le sont.
Des enfants perdus, voilà ce que nous sommes.
Ce terme militaire désignait jadis l'avant-garde d'une armée dédiée aux missions les plus périlleuses avec une forte probabilité de mourir. À chaque élection, il n'était pas rare d'entendre dire que nous avions 30 ans de retard. Sur qui ? Les Russes, les Américains ou les Chinois, en fonction de l'ennemi du moment. En réalité, nous voilà en train de revenir à la raison avec 10 ans d'avance. Nous voilà l'avant-garde du monde. Regardez ici, à gauche, le renouveau écologiste et socialiste, là au centre, la révolte des marchés et des libéraux, et à droite, le nationalisme intégral et toutes les sous-formes de monarchisme (lepenisme, ciottisme, sarkozysme, pétainisme, bonapartisme, royalisme, etc.).
Mais des enfants perdus nous sommes, sans éducation populaire, avançant à l'aveugle. Ainsi, comme veut le dicton : "au pays des aveugles, les Borne sont premiers ministres" ou quelque chose du genre.
La République, rappelez-vous en toute votre vie, n'est pas un ensemble de valeurs. Aucune république-sœur, de l'Irlande à l'Italie, ne partage nécessairement nos idéaux de "Liberté, Égalité, Fraternité". La République, c'est le pouvoir de créer la Loi, la norme, dans les mains de tous. L'idéal républicain n'est pas celui des descendants des conservateurs de la "valeur travail" ou d'on-ne-sait-quelle-baliverne. Il y a plus de République dans les idées noires des anarchistes qu'il n'y en aura jamais dans tout un parti "Les Républicains", et l'anarchie promise est enfin due !
Louise Michel disait : "Sans l'autorité d'un seul, il y aurait la lumière, il y aurait la vérité, il y aurait la justice. L'autorité d'un seul, c'est un crime."
L'autorité d'un seul vient de se voir imposer une pause de deux ans : lumière, vérité, justice, maintenant !