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Billet de blog 18 juillet 2024

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Chronique du vide (3) - Nos idées noires

La prochaine fois que j'écrirai, les JO seront lancés, le chaos aussi. Mais c'est quoi le chaos ? Est-ce qu'être anarchiste/libertaire c'est aimer le chaos ? Aujourd'hui, j'ai voulu expliquer le terme qui faisait battre le cœur de certains d'entre nous.

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Que sommes-nous ? Des anarchistes, diront certains en répondant à côté. Oui, bien sûr, à la question "qui sommes-nous ?", la réponse "des anarchistes" est totalement valide ; mais que sommes-nous ? À cette question, le plus sagace penserait probablement à "des fouteurs de merde" ou "des artisans du chaos", selon sa politesse.

La politique, d'abord, dans sa forme démocratique, c'est le désaccord, le dissensus, le conflit donc ... le chaos. C'est aussi et surtout l'arbitrage de ce même chaos, soit par le droit (l'élection, le parlement), soit par le fait (l'économie ou la guerre, par exemple). Être un artisan du chaos, c'est avoir la chance de posséder la connaissance des mécanismes intrinsèques de ces deux processus. Deux processus qui mènent, en théorie, à la même chose : la création d'un État, un créateur de normes (de lois), soit de jure (de droit, comme la France), soit de facto (de fait, comme l'État islamique).

Parfois, l'état que nous créons est un état, pas un État. C'est la même différence qu'il y a entre l'église, le bâtiment, et l'Église, l'institution. Parfois donc, on arrive à créer un état comme une association, une entreprise, un club, un clan, une guilde qui, lui aussi, crée la norme, mais une norme d'un rang inférieur à la loi, le plus souvent un règlement intérieur – voir la hiérarchie des normes. Oui, nous aussi nous croyons en les règles : "L'anarchie est la plus haute expression de l'ordre." Elisée Reclus

De nombreuses coopératives, écoles ou associations se revendiquant du mouvement socialiste ou libertaire, comme l'entreprise La Belle Aude, le Lycée Autogéré de Paris ou la start-up Fasterize, sont techniquement de petits états où l'on expérimente d'autres façons de s'organiser et d'arbitrer les normes. Cette dernière possède d'ailleurs une anarchie des salaires dans laquelle chacun décide de sa rémunération en la justifiant au collectif.

Attention toutefois, l'anarchie (le pouvoir de chacun) n'est pas nécessairement l'anarchisme (le pouvoir de tous), différence subtile entre l'idée et l'idéologie. Si nous revendiquons le terme anarchiste, c'est d'abord pour en détourner l'usage péjoratif qui en a été fait à travers les siècles et pour nous démarquer des "républicains" d'opportunité comme Adolphe Thiers ou Charles De Gaulle, des monarchistes au fond d'eux. Nous aussi voulons la République, mais la république des conseils ! Celle qui a fait les beaux jours de la Commune de Paris ou de la Suisse, déjà citée en exemple par le communard Jules Vallès dans son premier numéro du "Cri du Peuple". Ainsi, nous essayons de démontrer - par tous les exemples cités précédemment - que nous pouvons obtenir l'ordre sans le pouvoir, et encore moins le pouvoir d'un seul.

Oui, surprenamment, l'anarchie a légué plus à la vie pratique que ne le reconnaissent nos opposants - est-ce si surprenant pour qui connaît l'histoire ? - personne n'a jamais étudié la Mandchourie, le Rojava ou l'Ukraine anarchiste à l'école, n'est-ce pas ?

Ce que nous sommes, c'est effectivement les têtes pensantes de toute alternative, notamment à la monarchie (le pouvoir d'un seul), même quand elle n'est "que" entrepreneuriale, à la Bezos ou Musk, mais aussi à l'oligarchie (le pouvoir d'un petit nombre) comme dans 90 % des entreprises françaises, de Renault à Thalès. Depuis Gracchus Babeuf pendant la Révolution française jusqu'aux communistes libertaires assassinés par les "communistes" monarcho-stalinistes, les "anar" survivent à tout et à tous, peut-être parce que précisément, nous sommes le chaos et qu'il ne peut que nous renforcer.

Oh oui, c'est vrai que parmi nous, il y a des teubés, prêts à détruire des individus plutôt que de construire des collectifs, mais enfin, la dernière fois que j'ai allumé la télévision, sur BFM TV où ne traînaient que rumeur, ressenti et réaction au détriment de l'information, je n'y ai pas vu beaucoup plus constructif.

Du point de vue économique, enfin, les communistes libertaires que nous sommes veulent une distribution des richesses basée sur l'adage désormais fameux : "De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins". Nous, ce que nous voulons, c'est travailler pour vivre, et non pas vivre pour travailler. C'est encore avoir assez de temps pour nos amours, nos amitiés, nos loisirs. Nous ne sommes pas des politiciens, mais des citoyens qui faisons de la politique. Nous sommes l'union citoyenne, la fraternité. Certes, nous sommes petits, mais nos membres sont fidèles à leurs principes. Devenir plus gros serait prendre le risque de nous perdre. Notre histoire existe, nos actions aussi. Nos idées noires tentent de nous faire vivre la seule vie que nous ayons en couleur.

Vous souhaitez notre disparition ? Assurez la paix et la prospérité, devenez communistes, partagez, embourgeoisez les citoyens, et ils voteront pour vous car nous sommes nos meilleurs ennemis.

L'anarchie, je le redis, c'est l'ordre sans le pouvoir. Les autres présentent des candidats, nous représentons les citoyens.

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