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Billet de blog 20 mai 2024

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Les trois problèmes de la gauche

Eric Naulleau sort un nouveau pamphlet égratignant le chef de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Loin de partager ses opinions, je vais essayer de vous proposer une autre lecture des problèmes de la gauche que le "wokisme & l'islamisme" dénoncé par Naulleau.

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Dans son nouveau pamphlet et ses diverses invitations médias, Eric Naulleau dénonce le wokisme et l'islamisme dont ferait preuve la France Insoumise et notamment sa tête pensante : Jean-Luc Mélenchon. Pire, ce dernier utiliserait "l'antisémitisme comme principal outil de conquête du pouvoir". Loin de tout reproche, Eric Naulleau, pas plus capable de définir concrètement la gauche au-delà du prisme éculé de l'universalisme, ne comprend pas, comme les élites politiques qu'il dénonce, les trois piliers de l'échec intellectuel de la gauche.

En effet Naulleau dénonce depuis des années le personnel politique contemporain. Dans son pamphlet précédent "La faute à Rousseau", il déclarait que "l’effondrement du niveau intellectuel du personnel politique n’aurait eu d’autre existence que dans les marges du système au nom de la place faite au folklorique, aux côtés de ce candidat à l’élection présidentielle qui proposait autrefois de déplacer les villes à la campagne pour raison écologique".

Si j'ai beau être d'accord avec l'effondrement du niveau d'éducation politique, il faut bien y voir un manque d'éducation populaire et un dédain du personnel politico-médiatique dont Naulleau est assurément une figure.

La gauche, aujourd'hui divisée entre progressistes d'obédiences libérales et factions historiques (communistes, socialistes, radicaux de gauche), semble effectivement au bord de l'implosion, rien de bizarre quand on connaît le poids de la politique américaine dans l'histoire française récente. Après tout, Nicolas Sarkozy avait à dessein renommé son parti "Les Républicains" en 2015 et le Parti Socialiste nouait de nombreux partenariats avec les démocrates dès 2011... avec un succès très relatif rétrospectivement pour les deux partis.

Les Insoumis, pourtant, appartiennent-ils réellement à cette mouvance-là ? Ce courant qui importe des idées américaines telles le « wokisme » ? À y regarder de plus près, pas du tout. Dans les années récentes c'est bien le vieux personnel politique qui a tenté de s'affilier aux idéologies d'outre-atlantique. De l'ex-PCF Robert Hue qui fonda en 2009 "le mouvement des progressistes", à l'ex-PS Cazeneuve et son mouvement de "la convention", tous se revendiquent de près ou de loin des idées américaines d'alliance du progrès économique (donc libéral) et les progrès écologique ou humain.

Dans ce contexte, Jean-Luc Mélenchon a proposé une alternative ramenant la gauche sur ses fondamentaux : défense du collectif et convergence des luttes. Je pense que cette décision, bien que fonctionnelle jusqu'en 2017, est un échec sur le long terme du fait de trois problèmes principaux, à commencer par le manque d'éducation politique de la France Insoumise.

La France Insoumise se heurte à une lacune fondamentale : la formation politique de ses membres. La récente polémique sur Israël et la Palestine illustre parfaitement ce problème. Refuser catégoriquement de qualifier le Hamas de "terroriste" montre une incapacité à trancher sur des questions cruciales. La politique consiste à arbitrer, à prendre position. Comment peut-on refuser de se prononcer alors que la constitution du Hamas, dans son article 22, accuse les juifs d'avoir "lancé la révolution française et le communisme" ? Une telle déclaration antisémite devrait être un signal clair. Pour le Hamas, la France Insoumise est un ennemi, et cette indécision ne fera qu'affaiblir leur position.

Cette attitude rappelle celle de la philosophe américaine Judith Butler en 2006, qui déclarait : « Je pense que comprendre le Hamas et le Hezbollah en tant que mouvements sociaux progressistes de gauche, faisant partie d’une gauche mondiale est extrêmement important. » Cette position, qui peut s'apparenter à une forme de wokisme ou d'ignorance politique, trouve un écho chez une partie des militants peu formés en politique internationale. Et cette lacune est aussi à retrouver dans les personnels nommés aux commissions des affaires étrangères de l'Assemblée Nationale par la France Insoumise : inexistants ou incompétents.

Avec de tels cadres, comment les militants peuvent ils influencer sur les décisions du parti ? C'est bien simple : ils ne le peuvent pas. Bien que la France Insoumise ne soit pas plus antidémocratique que d'autres partis, elle n'est certainement pas à la hauteur de ses valeurs proclamées. Un parti politique doit être le reflet de ses idéaux ! Aucun parti totalitaire ne peut prétendre être démocrate ou républicain, selon l'expression à la mode dans notre monde politique contemporain.

Les militants de la France Insoumise doivent lutter pour leurs droits au sein du parti, exiger une plus grande transparence et participation. La subordination aveugle n'est pas compatible avec les valeurs d'égalité et de justice sociale.

Le dernier problème touche les mouvements de gauche radicale comme le NPA ou la LCR. Leur vision de la révolution est figée, incapable d'envisager un changement autrement que par la rupture totale. Cette approche, que j'appelle révolutionnisme, oublie une vérité fondamentale : toute révolution doit offrir des garanties à la masse pour être suivie. Un système politique ne peut se baser uniquement sur la croyance ou la confiance, mais sur des garanties et des exigences. La gauche dans sa globalité du NPA au PS doit repenser sa stratégie, intégrer des moyens de changement progressifs et démocratiques pour montrer la voie.

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