La Liberté
(af Luc de Visme, conseiller consulaire au Danemark)
C’est ce qui m’amène à revenir sur les valeurs essentielles de notre société en commençant par la liberté.
La liberté, n’est plus ce qu’elle était. Depuis des décades, nous acceptons sans protester la définition de la liberté de la Droite : liberté de se débarrasser des contraintes quelles qu’elles soient. Contraintes imposées par des dictatures dans des pays lointains. On s’est lancé dans la guerre pour libérer l’Irak, l’Afghanistan, la Libye de ses dictateurs. Qu’ a-t-on gagné à la place pour ces peuples, pas leur liberté. Ils retrouvent de nouvelles contraintes, de nouveaux désastres et ne pensent qu’à s’enfuir. C’est toute notre politique étrangère qui a été influencée par ce faux concept de liberté. Mais plus proche de nous, nous nous sommes gavés de la conception de liberté de la Droite qui consiste à se débarrasser de l’Etat, des impôts. Les entreprises doivent être plus flexibles, il faut avoir la liberté de mettre les employés dans la rue si c’est dans l’intérêt des actionnaires. Et pour les chômeurs peut-on parler de liberté ? Ils ont la liberté de chercher un nouveau travail. Mais s’il n’y en a pas ? C’est comme si la liberté des plus riches, de la petite minorité qui possède la grande majorité des richesses de la terre de conserver leurs privilèges, de toujours posséder plus, c’était notre seule liberté, notre seule possibilité. Peut-on parler de liberté du mendiant assis sur le trottoir dans le froid et la pluie et qui demande notre aide ? Est-il libre de se relever, de trouver des revenus ? La liberté qui domine en ce moment, C’est la liberté négative. Il n’y a pas de réelle liberté sans un minimum de ressources et de possibilités matérielles. Il n’y a pas de liberté sans un minimum d’égalité dans notre société, sans un minimum de solidarité.
L’élection de Trump aux USA a réintroduit la notion la plus cynique de liberté : la liberté de se retirer sur soi-même derrière de hauts murs, de refuser l’accès du territoire à tout étranger. La liberté de nier complètement les évidences climatiques qui nous mènent à une catastrophe inévitable. La liberté de Trump, c’est la liberté de se moquer complètement du reste du monde. Mais cette liberté-là elle ne profite même pas à la majorité des américains. Elle ne profite qu’à une élite de ceux qui ont financé son élection. Avec ce langage-là de se débarrasser des impôts, de continuer à polluer la planète, d’annuler les possibilités de se couvrir contre les maladies, les risques sanitaires, Trump a « trompé » finalement une majorité de ses propres électeurs venant des classes moyennes des états américains. Les USA qu’on a toujours présentés comme le champion des libertés, liberté d’entreprise entre autres, ils sont devenus tout l’inverse. Ils sont le champion des inégalités, de l’égoïsme au point que de nombreux scientifiques qui ont fait leur succès songent à quitter les Etats Unis, en particulier les chercheurs de l’environnement.
La Gauche devrait réinventer la liberté telle qu’elle a été créée par la Révolution. Il faut créer une nouvelle ère, qui permettra de développer un nouveau concept de liberté qui ne se limitera pas uniquement à défendre les intérêts d’une petite minorité mais qui garantira à l’ensemble des hommes des droits fondamentaux, l’accès aux ressources sans polluer le reste de la planète et de façon générale un système politique de répartition des ressources plus juste donnant à chacun la possibilité de réaliser ses propres rêves. Cela suppose que ce nouveau concept de liberté soit concentré sur des échanges internationaux renouvelés donnant aux pays producteurs autant de chance d’en profiter que les anciens pays colonisateurs. Et cela suppose également que l’on renforce et mette au centre de toute politique le concept de liberté positive qui garantit à tous les pays et à tous les individus des droits fondamentaux d’égalité et de solidarité réciproque. Il n’y a pas de liberté sans égalité des chances pour tous.
Pour terminer une mise en garde contre la tendance actuelle à tout désorganiser sous prétexte de fausse liberté dans ce qu’on appelle faussement l’économie de partage comme par exemple les excès de Uber et du service de location Airbnb. Par l’intermédiaire d’une application de smartphone ne profitant qu’à son inventeur, Uber remet en question tout un secteur des taxis qui est raisonnablement régulé depuis longtemps. Liberté, ça ne veut pas dire tout casser. Ça c’est la liberté que Trump a exploitée en se moquant des régulations et du reste du monde. Même chose pour le service Airbnb même si cette entreprise essaye de demander à ses membres de payer les impôts qu’ils doivent. Les forces libres du marché international ont étranglé l’idée de départ d’Airbnb qui était de donner la possibilité à une famille de louer son appartement ou sa maison tout en partant une semaine en vacances. Maintenant ce sont des compagnies immobilières qui y basent leurs profits en étant propriétaires de logements qu’ils louent en permanence à différents locataires. Cela vide les villes de logements disponibles. Les prix immobiliers augmentent. Les étudiants ou locataires de faibles revenus ne trouvent plus rien. Certaines municipalités comme celle de Berlin ou de Copenhague ont limité ces excès, mais que feront les autres pays. Là aussi c’est la preuve qu’il n’y a pas de liberté sans contrôle et il n’y a plus de liberté sans un minimum de droits. La dérégulation, ce n’est pas la liberté.
Sources :
- Leila Stockmarr: https://politiken.dk/debat/debatindlaeg/art6268697/Der-er-et-akut-behov-for-en-samlende-humanistisk-og-aktivistisk-udenrigspolitik
- Per Michael Jespersen, Politiken : https://politiken.dk/debat/klummer/art6269028/%C2%BBAirbnb-er-en-fremragende-dele%C3%B8konomisk-id%C3%A9.-Men-det-er-synd-politikerne-ikke-t%C3%B8r-passe-p%C3%A5-den%C2%AB