Ce chiffre parait exagéré, mais il ne l’est pas. Il est basé sur le résultat de chercheurs danois qui ont conseillé le gouvernement danois. Le résultat est le « cas le plus terrible » - the worst case scenario : Au cours d’une première vague, environ 10% de la population sera touchée par le coronavirus. Même chose au Danemark et en France. Cela correspond à plus de 6 millions 600 mille Français qui pourront être contaminés. Sur ces 6.600.000 touchés par le virus, 10% - c’est-à-dire plus de 600.000 seront d’une façon ou d’une autre au contact du système sanitaire français. 120.000 seront probablement hospitalisés. Et en tout environ un quart de ceux qui seront hospitalisés devront être traités de façon intensive – c’est-à-dire 30.000 personnes. C’est à partir de ce chiffre là qu’il faut voir le problème. Aura-t-on suffisamment de stations de respirateurs artificiels pour traiter tous ces malades dans une période de temps restreinte. Le problème n’est pas seulement de savoir combien de gens contaminés seront malades ou combien de décès il y aura et de le comparer aux décès « ordinaires » dus à la grippe. Ce qui est plus sérieux c’est qu’un emballement de l’épidémie surchargera le système hospitalier à ce point que les autres malades devront laisser la place aux victimes de l’épidémie et il n’est pas toujours possible de repousser des traitements critiques comme le cancer, le diabète, les opérations qui attendent déjà depuis longtemps.
La plus grande part des 600.000 personnes qui contacteront leur médecin devront le faire par téléphone seulement, pour éviter de contaminer les autres patients dans la salle d’attente. Elles auront comme réponse la consigne de rester chez eux, comme s’il s’agissait d’une grippe ordinaire. Il n’y a pas de médecine connue pour traiter le coronavirus, en attendant que les chercheurs trouvent un vaccin – et ça peut prendre une année.

Pour éviter une surcharge supplémentaire des services d’urgence des hôpitaux, les pouvoirs publics doivent agir vite afin de diminuer l’intensité de l’épidémie et l’étaler dans le temps. C’est pour cela que les responsables de la santé essayent de faire changer les habitudes des gens – ne pas se donner la main ou des bisous, se désinfecter les mains avec des gels antiseptiques, tousser dans le coude – et d’éviter trop de rencontres – interdiction des rassemblements de plus de 1000 personnes, ne pas utiliser les transports en commun en période de pointe, se tenir à distance les uns des autres.
Ce soir le gouvernement danois vient d’annoncer des mesures beaucoup plus sévères : interdiction de tout rassemblement de plus de 100 personnes, fermeture de toutes les écoles, institutions et universités pendant deux semaines. Renvoi chez eux de tous les fonctionnaires qui n’ont pas un rôle crucial pour le fonctionnement de la société et recommandation aux entreprises privées d’utiliser le travail à distance pour un maximum d’employés. Recommandation de ne pas visiter les patients dans les hôpitaux ou les personnes âgées dans les maisons de retraite. Ne pas autoriser plus de passagers dans les trains que la moitié des places disponibles de façon à ce que les voyageurs n’occupent qu’une place sur deux en gardant une distance par rapport aux autres.
La question est de savoir si les pouvoirs publics en France ont réagi suffisamment vite. C’est comme si on ne prenait pas les choses au sérieux. Interdire en premier lieu les rassemblements de plus de 5000 personnes en faisant des exceptions énormes avec les rencontres sportives prouve que le gouvernement français hésite. Est-ce pour ne pas effrayer la population avant une échéance électorale importante comme les élections municipales. Qui sait ? Pour prendre des mesures efficaces, faut-il donner des recommandations, ou bien faire des lois provisoires le temps de la crise ? Au Danemark, on a choisi les recommandations plutôt que la législation. Depuis lundi, il semble que les recommandations aient été entendues. Le métro n’est pas rempli même dans les périodes de pointes. Les chemins de fer danois ont doublé le nombre de wagons pour les trains et les métros en l’espace de 24 heures. Pour résoudre la situation et minimiser les conséquences de cette crise sanitaire, on a besoin de ce que tous les citoyens fassent preuve d’esprit social – et de solidarité. Est-ce aussi possible en France ?
Comment traiter la crise économique qui s’ensuivra ?

Nous sommes à l’orée d’une crise qui est aussi économique. Les investisseurs de la Bourse ont déjà réagi. Le gouvernement danois a pris ses responsabilités dans un dialogue avec les syndicats de salariés et d’employeurs. L’état danois repousse le payement de la TVA et des charges dues par les entreprises. L’Etat couvre les pertes causées par les annulations de spectacles et de rassemblements. La question de savoir est quelle forme la crise va prendre. Va-t-elle durer quelques semaines, après quoi tout redeviendra normal ou va-t-elle durer des mois et obliger les entreprises à réduire leur production et renvoyer du personnel ? On parle de crise en V quand la crise ne dure que peu de temps et revient à son niveau original rapidement. Elle est en U si cela dure plus longtemps mais revient toujours au niveau initial ou alors la crise peut être durable et être représentée par un L, où l’économie chute et ne revient plus au niveau initial. Dans ce dernier cas cela peut avoir des conséquences dramatiques avec ce qui suit, crise industrielle, crise touristique, crise financière et chute brutale des valeurs immobilières comme en 2008. Là aussi tout dépendra de la situation et de la capacité de la société à se mobiliser toute entière. Toutes les branches de la société devront contribuer et les responsables devront faire preuve de leur capacité à diriger le pays dans la confiance.
C’est toujours difficile de comparer la situation d’un pays à l’autre. Le point de départ n’est pas le même. Le système de la Santé en France est déjà surchargé, par exemple. Les cultures sont différentes, les danois suivent les recommandations des autorités tout de suite et sans exception. En France, on commence toujours à protester. Mais en réalité, on a affaire à la même situation, le même virus et on a déjà quelques expériences qui montrent comme en Italie que si les autorités réagissent trop peu et trop lentement, c’est la catastrophe. On verra où on sera dans quelques mois. Ce sera plus facile de tirer une conclusion. Maintenant, on est dans une situation sérieuse mais sous contrôle, donc sans panique, si tout se passe bien.