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Billet de blog 15 novembre 2019

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Pourquoi Macron ne sera pas réélu en 2022

Vous avez remarqué qu'Emmanuel Macron a durci sa politique migratoire ces mois derniers et qu'il commence à parler d'identité française comme le faisait Sarkozy. Selon toute probabilité Macron s'est laissé inspirer de la victoire des sociaux-démocrates au Danemark en juin dernier. Mais pourquoi cela ne réussira pour Macron? Lire la réponse ci-dessous.

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Pourquoi Macron ne sera pas réélu en 2022.

(Luc de Visme, secrétaire de la section danoise du PS)

Emmanuel Macron reçoit le premier ministre danois Mette Frederiksen lundi 18 novembre au palais de l’Elysée. Les relations entre la France et le Danemark sont très bonnes, à part la convention fiscale bilatérale qui attend d’être finalisée. Il n’y a aucun doute que le Danemark est un très bon exemple pour Macron et qu’il s’est peut-être déjà inspiré de la politique des sociaux-démocrates danois pour récupérer le pouvoir. Cela a été une énigme pour la plupart des observateurs politiques en Europe : Comment se fait-il qu’au Danemark les sociaux-démocrates ont réussi à pratiquement éradiquer l’extrême droite, alors que dans le reste de l’Europe, c’est l’inverse qui se produit ?

L’explication est simple. Pendant quatre ans, les sociaux-démocrates qui avaient perdu le pouvoir en 2015 au profit du parti Venstre (centre droit) ont adapté leur politique en sacrifiant une des idées humanistes de la Gauche qui est d’accueillir tous les migrants et les réfugiés venant essentiellement du Moyen Orient en guerre et d’Afrique. Leur politique a été de coller leur programme sur l’immigration sur celui de Danske Folkeparti, (DF) le parti d’extrême droite danois correspondant au parti de Marine Le Pen en France. Chaque fois que DF qui était le deuxième parti à droite en 2015 et qui soutenait la politique conservatrice du gouvernement avait une nouvelle idée pour resserrer la vis et décourager les migrants de venir au Danemark (ou d’y rester), le porte-parole social-démocrate dans l’opposition faisait une proposition encore plus restrictive. On se souvient par exemple de la loi qui a fait scandale sur les bijoux des réfugiés confisqués par la police frontalière. Les sociaux-démocrates ont fait toute leur campagne électorale avant les élections de juin dernier en expliquant qu’ils avaient écouté les danois en majorité contre l’immigration et que ce n’était pas nécessaire de voter pour l’extrême droite, puisque eux au pouvoir garantissaient de « protéger » le pays et d’assurer l’ordre aussi bien que DF.

Résultat : non seulement, les sociaux-démocrates  ont été élus mais le parti d’extrême droite est passé de 21% en 2015 à 8% en 2019, une chute remarquable qui a fait perdre le pouvoir à la droite. C’est un peu ce que Macron, qui a sans doute étudié le cas danois, veut faire en modifiant sa politique pour essayer de faire la même chose avec les électeurs de Marine Le Pen.

Pourquoi ca ne va pas marcher pour Macron ?

En essayant de calquer sa politique migratoire sur l’exemple danois, Macron a oublié une chose essentielle. C’est que le système électoral danois est entièrement différent du système français. Au Danemark, c’est une élection législative à un seul tour à la proportionnelle, alors qu’en France le président de la République est élu directement avec un scrutin à deux tours. La différence essentielle, c’est qu’avant les élections au Danemark, tous les partis désignent le candidat qu’ils veulent soutenir pour devenir premier ministre. Une fois les élections passées, tous les chefs de partis danois sont reçus par la reine Margrethe II et lui indiquent qui ils veulent soutenir comme premier ministre. La Reine fait son calcul de mandats obtenus par les différents partis et c’est le candidat qui est désigné par une majorité de mandats qui va essayer de former un gouvernement.

Ce qu’il s’est passé au Danemark, c’est que la droite a perdu sa majorité mais que les sociaux-démocrates ont perdu une partie de leurs électeurs traditionnels n’approuvant pas leur politique migratoire. Mais ces électeurs se sont décalés sur la gauche vers des partis qui n’étaient pas d’accord avec la politique migratoire proposée, mais qui désignaient quand meme Mette Frederiksen , présidente du parti social-démocrate comme leur candidat premier ministre préféré. Il y a eu une sorte de phénomène de vases communicants sur la Gauche, les sociaux-démocrates récupérant des électeurs de droite et perdant une quantité équivalente de ses propres électeurs sur l’extrême gauche. Mais grâce au système électoral danois, ces électeurs passant à gauche n’étaient pas « perdus ». Au Danemark, la Gauche reste automatiquement « unie » grace à leur système électoral.

Que se passerait-il en France ?

Imaginez le même phénomène de vases communicants avec le système français. Macron récupère des électeurs de Marine Le Pen en durcissant sa politique migratoire, mais il fait fuir vers sa gauche une partie de ses électeurs traditionnels, une grande partie de ceux qui ont voté au premier tour pour lui en 2017. La différence, c’est que les électeurs qu’il a fait fuir vers la gauche, Macron ne les garde pas comme au Danemark.

Qui profitera de cette situation ? C’est difficile à dire, mais ce qui est sûr, c’est que grâce à Macron une partie des électeurs fuiront la droite et la politique inhumaine de la France sur l’immigration. Viendront-ils voter pour une alternative de gauche ? Cela dépendra de la capacité de la Gauche à se réunir. Ou bien l’élection se concentrera sur les termes de l’écologie et du climat, on ne sait pas.

La seule conclusion possible en tenant compte de l’exemple danois, c’est que Macron est en train de perdre à ce petit jeu et que le parti de Marine Le Pen aura de la peine à se maintenir à son niveau. Finalement, ce ne sera pas une mauvaise chose. L’avenir nous montrera qui a raison.

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