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L’espace nouveau de l’outland se concrétise dans la poursuite de la dématérialisation de notre « environnement », si étranger physiquement à l’élaboration de nos aspirations communes. Cette exposition le donne à voir dans l’observatoire approprié du volume clos de la galerie.
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Texte d’accompagnement de l’exposition :
C’est dans un texte récent [1], en faisant la description d’un « univers en exclusion » progressive, que Paul Virilio emploie pour la première fois le terme d’outland. Contrairement à l’inscription territoriale ancestrale, l’outland inaugure une nouvelle condition pratique d’occupation de l’espace issue de l’accroissement des transports rapides et de la communication instantanée (« la révolution de l’emport ») conjointe à l’urbanisation généralisée des activités humaines. Ce bouleversement relatif à la place prépondérante prise désormais par l’extériorité ne fait que s’ajouter à l’acculturation et à l’uniformisation des territoires en cours depuis des décennies, mais il constitue certainement l’un des aspects les plus représentatifs du transpolitique contemporain en ce qu’il consacre le programme d’asseoir sur la frénésie circulatoire et la finalité lucrative nos modes d’habiter et de vivre ensemble.
Que peut-on anticiper qui se rapporte à l’outland ? Très vraisemblablement, un milliard de réfugiés planétaires pour les années 2050, précise Virilio, sous l’effet de la saturation des mégalopoles et de la raréfaction des ressources dans la perpétuation de la mondialisation. Les contre-feux politiques existent cependant, au Mexique, en Grèce, en France… essaimant sous forme d’insurrections spontanées et organisées, où la nécessité de reprendre localement possession du territoire s’accompagne d’expérimentations démocratiques inventives et fécondes.
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Ce cinquième volet du « Cabinet des catastrophes » ne témoigne donc pas d’un avis aussi désespéré qu’on pourrait le penser. Pour mieux en faire sentir l’ambivalence, j’ai proposé à Jean Maureille son concours malicieux avec l’introduction d’un objet de lui récent dont la charge libertaire m’enchante particulièrement. Le dialogue que ce dernier instaure avec la peinture disposée sur le fond concentre ainsi la dynamique principale de cette installation.
Le problème aujourd’hui n’est pas de savoir s’il y aura un outland ou non, il existe déjà, mais si nous sommes encore capables de désavouer la logique de domination totale du monde et de la nature dont il est le détestable résultat.
[1] « Stop-Eject ». Le Futurisme de l’instant, Paul Virilio, Galilée, 2009, repris dans La Pensée exposée. Textes et entretiens, Paul Virilio, Babel, 2012 : « […] après l’ère multiséculaire du stationnement durable dans les quartiers d’un cadastre urbain qui devait, dans l’Antiquité, introduire le “Droit de Cité” de la localisation politique et, enfin, “l’État de Droit” des nations, c’est l’ère de la circulation habitable qui débute avec cette délocalisation transpolitique remettant en question la GÉOPOLITIQUE du peuplement de l’âge de la globalisation. Et cela à l’instant précis où, grâce aux télétechnologies de l’information, le sédentaire demeure partout chez lui et le nomade nulle part, en dehors de l’hébergement provisoire d’une transhumance désormais sans but, non seulement entre les divers pays, mais aussi au sein d’une même patrie et d’un territoire où les camps de réfugiés succèdent non pas aux BIDONVILLES de naguère, mais aux VILLES ; la mégalopole des exclus de tous bords venant concurrencer celle, bien réelle, des inclus de l’OUTREVILLE. […] Ayant perdu son hinterland rural, après ses faubourgs, la MÉTACITÉ de demain ne résistera pas très longtemps encore à la pression démographique de l’OUTLAND, à l’exode d’un peuplement sans espoir de retour à la sédentarité de la ville libre des origines ».
Vers l’outland (Le Cabinet des catastrophes 5), installation de Jean Maureille et Luc Rigal, galerie d’art autonome Le Pas de côté, 37 rue Saint-James/Louise Michel, Cahors. Du 1 janvier au 28 février 2015.