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Billet de blog 5 mars 2014

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Le Pas de côté # 5 : Écocide et déferlements

À quoi rime le désastre écologique ? C’est l’objet de ce quatrième volet du « Cabinet des catastrophes », exposition à la galerie d’art autonome Le Pas de côté, à Cahors, jusqu’au 31 mars 2014.

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Illustration 1

Texte d’accompagnement de l’exposition :

La circulation des échanges prime invariablement sur tout autre considération sociale : succession ininterrompue des messages et des invitations à communiquer, entraînement quotidien à soutenir les performances d’expansion économique et de concurrence agressive, messianisme banal de la technique profitant à la prédation financière et politique. Les phénomènes de « déferlements » (engendrements incontrôlables de situations extrêmes) sont inhérents à la mondialisation de ce modèle occidental, connexe à la croyance en un destin industriel d’essence universelle et progressiste. Une artificialisation de notre mode de vie en résulte dont l’écocide (la dévastation du vivant) est la manifestation mortifère la plus flagrante. Si, en 1960, Günther Anders remarquait déjà l’insensibilité de l’homme nouveau à la catastrophe nucléaire du fait même de ses dimensions gigantesques inassimilables [1], François Cavanna a résumé dernièrement assez justement l’accoutumance au désastre dans ses prolongements actuels :

« Le désastre écologique ne nous révolte plus parce qu’il n’existe pas. Personne ne parle du désastre écologique, on parle d’« écologie », d’« espoir », de « façons d’y arriver »… […] La seule façon logique de l’aborder, ce serait en tant que désastre, mais ça ne nous révolte plus. Bien d’autres désastres : des désastres sociaux, des désastres  intellectuels sont en train de vivre tranquillement leur petite vie de désastre, et celui-là sera accepté comme les autres. C’est déjà fait, d’ailleurs [2]… »

Illustration 2
Installation « Ecocide et déferlements »
Illustration 3
Installation « Ecocide et déferlements »

C’est du côté de l’autonomisation productive, de l’agro-écologie en particulier, qu’une issue à la multiplication des phénomènes extrêmes se dessine le mieux. Dans l’expression artistique, on peut voir germer, bien qu’avec peine, des contre-modèles de même nature, le Pas de côté en est un exemple. Mais qu’il s’agisse de transition écologique ou de subversion culturelle, c’est seulement avec l’accentuation d’une prise de position politique que la négation du monde ancien peut basculer sur un avenir d’innovations et de partage effectifs.

Cela suppose qu’au-delà d’une conscientisation « citoyenne » des échanges et d’une production-consommation raisonnée, ce soit le parlementarisme de gouvernements nationaux accaparant l’autorité politique sur la base de normes de représentativité insuffisantes, la prédominance d’un imaginaire économique déterminant l’organisation des relations sociales et l’accomplissement personnel, et le confinement de ces relations dans le cadre de disciplines séparées à la fois territorialement et spécifiquement selon les représentations fixées par l’État, qui soient repensés. C’est à cette condition seulement qu’un accomplissement d’initiatives ponctuelles pourra s’exprimer dans le sens d’une responsabilité collective réellement inédite. La révolution culturelle dont nous avons besoin est inséparable du renversement de l’ordre économico-politique actuel.

[1] « Il est tellement clair pour [l’homme contemporain] qu’il mourra avec les autres en cas de catastrophe qu’émotionnellement, cette idée reste pour lui un néant. La catastrophe est en fait si grande qu’elle ne l’attend pas lui mais les attend lui et les autres […] Elle est si grande qu’il n’a personnellement plus besoin d’avoir peur. Elle semble, en raison précisément de sa grandeur, ne concerner tout au plus que ses victimes en puissance, c’est-à-dire l’humanité dans sa totalité. C’est donc elle qui doit se mobiliser » (Günther Anders, Le Temps de la fin, L’Herne, 2007, p. 45-46).

[2] « Pourquoi le désastre écologique ne nous révolte-t-il plus ? », entretien avec François Cavanna, Reporterre, 19/10/2011 :

http://www.reporterre.net/spip.php?article2237

Illustration 4
Le Pas de côté, installation « Ecocide et déferlements »

Écocide et déferlements (Le Cabinet des catastrophes 4), installation de Luc Rigal, galerie d’art autonome Le Pas de côté, 37 rue Saint-James/Louise Michel, Cahors. Du 20 février au 31 mars 2014.

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