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Billet de blog 27 juillet 2025

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Un nouvel enchantement

La région occitane est le lieu mémorable de l’enjouement en peinture, Jean-Luc Hugonenc en relance l’actualité au sein de l’art dit singulier, mais ses peintures sur fer ne manquent pas d’insuffler aussi un vent de dissipation joyeuse parmi les formes assagies de la création contemporaine.

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Illustration 1
Jean-Luc Hugonenc en 2025

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Comment la peinture peut-elle encore subsister sans différer du devenir marchand du monde ? C’est la question difficile à laquelle la frénésie de la technico-économie numérique la soumet aujourd’hui. S’excepter de l’immersion narcissique par le postulat de la matérialité et de la pulsation picturales sous l’effusion de la couleur et du trait est le moyen qu’offre Jean-Luc Hugonenc au regard de s’inventer un nouvel enchantement.

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Illustration 2
J-L. Hugonenc, peinture sur fer, face recto

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Illustration 3
J-L. Hugonenc, peinture sur fer, face verso

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Imprégné du Quercy pour y être né et y vivre, c’est de cet humus culturel et social particulier qu’il fait éclore, comme naturellement, son esthétique prolifère. Le patrimoine pictural prédominant de ce pays ancestral concerne la période des XIIe et XIIIe siècles dite de la Pré-Renaissance, ou Première Renaissance, par les historiens. C’est alors qu’avec la profusion exceptionnelle des églises et chapelles romanes, de nouveaux critères du dessin fondés sur la sincérité de l’auteur, en remplacement du naturalisme antique, se répandent et déterminent la façon de concevoir la représentation imagée. Cette perception s’avèrera indispensable, au fil du temps, à l’émergence ultérieure de la modernité, et aux formes d’expression spontanée qui lui ont succédé jusqu’ici. C’est ainsi qu’à domicile Hugonenc dessine à main levée des personnages radieux sur des plaques de fer destinées à occuper murs et espaces comme des bas-reliefs en liberté. La couleur déclinée en sept tons principaux vient crépiter à la surface, soulignant l’écheveau des lignes sinueuses et le renchérissant, communiquant par ce biais une joie jubilatoire. On pense immanquablement à l’esthétique excentrique du carnaval, qui donna sa pleine expression à cette époque fondatrice du Moyen Âge. Des détails de costumes pourraient le confirmer, mais c’est plus généralement un esprit partagé de disponibilité sensorielle et d’humeurs volubiles qui semble convoqué par Hugonenc au moyen de ses figures à l’innocence expansive.

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Illustration 4
J-L. Hugonenc, peinture sur fer, face recto

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Illustration 5
J-L. Hugonenc, peinture sur fer, face verso

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Illustration 6
J-L. Hugonenc, peinture sur fer, face recto

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Illustration 7
J-L. Hugonenc, peinture sur fer, face verso

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Du support tactile de la plaque elles prodiguent la présence par la découpe de leurs contours, que complètent les trouées dispersées ouvrant sur l’environnement immédiat. La matérialité de l’œuvre devenue incontournable, le dessin oriente l’attention sur l’expressivité des visages qui associe dans une relation étroite le regardeur et le sujet humain principal. Enfin, la gamme médiévale des couleurs convie en contrepoint à entreprendre la totalité de l’expérience sensible, tout en électrisant de sa pluralité la construction empathique de la représentation. Cette construction expressive produit comme une insistance à soustraire l’image à la fonction hypnotique qu’elle occupe dans l’univers commercial informatique, appuyée encore par la réalisation en biface de nombreuses œuvres où l’improvisation varie le jeu de ses interventions.

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Illustration 8
J-L. Hugonenc, peinture sur fer, face recto

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Illustration 9
J-L. Hugonenc, peinture sur fer, face verso

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Illustration 10
J-L. Hugonenc, peinture sur fer, détail du suivant

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Illustration 11
J-L. Hugonenc, peinture sur fer, face recto

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L’attirance que j’éprouve irrémédiablement pour les peintures sur métal de Jean-Luc Hugonenc provient de cette éloquence simplifiée dont je veux croire que l’origine remonte aux fresques primitives du duecento, mais elle est inséparable aussi de son sens très contemporain de l’expression humaine. On peut voir ainsi les faciès candides de ses personnages afficher l’excitation, la confusion, la douceur, la crainte ou la surprise en conjuguant parfois plusieurs émotions dans une même manifestation. Cette faculté expressive associée à une esthétique intégrant les préceptes pré-renaissants de la vision picturale inscrit Hugonenc dans un mouvement de renouvellement des arts plastiques qui, pour être discret, n’en fournit pas moins une succession originale à la postmodernité fondée sur l’expression rapprochée. Sa spécificité consiste à avancer une combinatoire prolixe où l’investigation intime priorise sa dynamique sur la stabilité du regard. L’art buissonnier de Jean-Luc Hugonenc sonne au rythme d’un visible enjoué.

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Illustration 12
J-L. Hugonenc, peinture sur fer, face recto

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Illustration 13
J-L. Hugonenc, peinture sur fer, face verso

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Pour toutes les images : @ Jean-Luc Hugonenc

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Peintures sculptures, exposition de Jean-Luc Hugonenc, Château de Mercuès, rue du château, 46090 Mercuès, du 4 avril au 23 novembre 2025 tous les jours de 10h 30 à 18h 30

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