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Billet de blog 15 mars 2019

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Fondations d'argile

Une journée de grève pour le climat s'est organisé un peu partout dans le monde. En France, certains membres du gouvernement comme Gabriel Attal participèrent. Pourtant ces actions visaient à dénoncer « l’inactivité » de ce même gouvernement dans la question climatique. Quelle est cette dichotomie politique qui ne dit pas son nom ?

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Dans les rues de Paris, en compagnie de la jeunesse, on pouvait retrouver, en plus de Gabriel Attal, Brune Poirson. Cette dame est secrétaire d'état auprès du Ministre de la transition écologique et solidaire. Petite précision loin d'être inutile, car celui-ci ne fait pas beaucoup entendre sa voix sur ce sujet, ce ministre de la transition écologique est François de Rugy. Ce manque de présence sur le sujet même que devrait traiter son ministère s'explique principalement par deux faits.

Tout d'abord, le gouvernement « progressiste » a depuis longtemps perdu son immunité politique que représentait le combat contre le réchauffement climatique. Retour en arrière. Le 17 mai 2017, Nicolas Hulot devenait Ministre de la transition écologique dans le premier gouvernement Philippe. Une prise de choix pour Emmanuel Macron. Cependant les événements vont montrer que les promesses et le dynamisme d'Hulot ne furent que voeux pieux. Si le départ n'était pas un tir à blanc avec la présentation d'un « plan climat » dés juillet 2017, les balles tirés par la suite atteignent plusieurs cibles, mais pas celle du combat pour l'écologie. Dans ce même mois, il autorise que l'on abatte quarante loups gris. Véritables balles, mais pas celles que l'on souhaitait. Par la suite cela va de cacophonie en cacophonie. Le ministre de la transition écologique annonçant des choses ne se réalisant pas ou allant dans le sens contraire de ses prédictions (désherbant glyphosate, etc.). Finalement, le charismatique Hulot annonce sa démission le 28 août 2018. La stupeur traverse l'univers macroniste. Son remplaçant, François de Rugy est un fusible qui est déjà grillé aux yeux des militants écologiques et auprès de la gauche en général du fait de son évolution politique.

Le second point est une suite logique du premier. Le combat contre le réchauffement climatique a été complètement réinvesti par la société civile. Il y eut d'abord « l'affaire du siècle », ce collectif de personnalités assignant l'Etat français pour son inaction dans ce domaine, puis les grèves de la jeunesse, un peu partout dans le monde et qui a finit par arriver en France. Une France qui se trouve dans un contexte explosif en pleine crise des gilets jaunes. Voilà pourquoi la présence dans cette dernière journée de mobilisation pour le climat, de Gabriel Attal et de Brune Poirson, est risible voire ridicule. Mais ces photos, ces grandes déclarations - on se rappelle du magnifique mais très laconique « make our planet great again » d'Emmanuel Macron - et ces prises de positions plus vides que convaincues sont-elles le fruit de simples récupérations politiques ou d'un danger qui plane sur un combat plus que primordial qu'est la lutte contre le dérèglement climatique ?

Illustration 1
Marche pour le climat, le 16 Mars 2019 à Paris
Illustration 2
L'acte XVIII des Gilets jaunes, le 16 Mars 2019 dans les rues parisiennes

J'opte pour la seconde hypothèse. Ce choix est motivé par une donnée toute particulière : l'absence d'un discours social et économique dans celui de l'écologie. L'absence de véritable discours à la fois écologique et critique vis-à-vis du système. Une séparation au niveau du vocabulaire et de la réflexion qui se traduisent dans les faits sociaux actuels. Nous avons d'un côté une mobilisation pour le climat et de l'autre côté un mouvement des gilets jaunes qui perdure et qui se « radicalise » selon les mots de certains. Deux phénomènes séparés, pour un même samedi, dans une même ville.

Pourquoi parler de données sociales et économiques lorsque l'on évoque les changements climatiques et le combat pour empêcher ces derniers de s'aggraver ? Premièrement il est bon de rappeler que les inégalités sociales se reproduisent lorsque l'on fait face aux dangers climatiques. C'est une chose que rappelle le sociologue Razmig Keucheyan dans son livre La nature est un champ de bataille. On ne subit pas les mêmes effets du réchauffement climatique en fonction de la classe sociale à laquelle on appartient mais aussi en fonction de la partie du globe dans laquelle on vit. L'après ouragan Katrina donna lieu à une large gentrification des quartiers historiques de la Nouvelle-Orléans. Une des données de ce que le sociologue qualifie de « racisme environnemental » est l'obsession pour la démographie. Le fantasme selon lequel les pauvres polluent plus et que le poids démographique de certains pays pauvres ne fait qu'empirer la situation. En vérité, l'empreinte écologique des plus riches est la plus élevée.

Traiter la question écologique, c'est traiter la question des inégalités et les dynamiques du système capitaliste. En France, l'« écologie de gauche » semble suivre le même chemin idéologique que LREM et su sacro-saint « ni de droite, ni de gauche ». Ces mots, sont ceux de Yannick Jadot, ancien candidat d'Europe Ecologie Les Verts à l'élection présidentielle de 2017. Depuis plusieurs semaines, le député européen fait le tour de la presse afin de réhabiliter EELV aux yeux du plus grand nombre. Il s'est déclaré « favorable à l'économie de marché » et « pragmatique » dans un entretien pour Le Point. Il souhaite, avant les élections européennes, casser l'image d'un parti souvent classé à la gauche de la gauche. C'est ainsi qu'une critique du sytème capitaliste et du lien entre inégalités économico-sociales et écologie disparaissent peu à peu. Et c'est là, tout le danger pour cette lutte contre les dérèglements climatiques. La jeunesse pourrait-elle tomber dans le panneau ? Certains éléments laissent à penser que non comme ces pancartes déclarant « combattre le système, pas le climat ». La question est de savoir, de quel système parlons nous ?

L'écologie ne peut être bourgeoise, sinon celle-ci perdrait tout son esprit. L'écologie est un objectif simple : accorder nos modes de consommation et d'existence afin de mieux coexister avec la planète. Le glissement idéologique que nous pouvons constater, à la fois en France et ailleurs, pousse à la séparation brut entre deux mouvements que sont les gilets jaunes et les marches pour le climat. Pourtant, ces deux phénomènes devraient se rencontrer et s'apporter mutuellement. L'écologie devrait poser la question des difficultés sociales de manière globale ainsi qu'interroger nos modèles économiques.

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