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Billet de blog 15 avril 2020

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Témoignage de plusieurs personnes hébergées dans un hôtel

Témoignage du quotidien de personnes hébergées dans le cadre du plan hivernal dans un hôtel situé entre une autoroute et une route nationale fréquentée aux abords de Grenoble.

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Illustration 1
Bienvenue au centre d'hébergement !

TEMOIGNAGE 1

le 29/03/2020

Bonjour, ça fait depuis le mois de décembre que je suis dans le centre d’hébergement de Voreppe. Dans ce centre, il y a des migrants de pays d’Afrique, des algériens, des pays de l’est mais ils ne sont pas nombreux. Il y a 140 places mais je ne sais pas combien on est exactement. Il y a des familles, des enfants. Certaines familles ont été transférées à Grenoble, à Chanas, à certains endroits.

Depuis 12 jours, le directeur et l’éducatrice sont venus frapper à notre porte pour nous dire qu’il fallait rester enfermés dans les chambres. J’ai entendu qu’une dame avait contracté le Corona mais on avait quand même des doutes, certains avaient des doutes par rapport à ça. Ensuite ils nous ont dit que le directeur avait eu le Corona et qu’il fallait rester confiné. Le lendemain, ils ont mis un cadenas au portail et on ne pouvait plus ni sortir ni rentrer.

Il y a des questions que je me pose par rapport au directeur qui a eu le corona je trouve ça bizarre. Quand les agents de sécurité sont venus, ils ne nous ont même pas dit de nous éloigner les uns des autres, c’est bizarre. S’il y avait vraiment eu le corona, ils auraient du être plus strictes au niveau des distances à respecter à l’intérieur.

Suite à ça, il y a eu des problèmes de ravitaillement au niveau de la nourriture. Il y avait des barquettes, mais il y en a qui ne mangent pas les barquettes. Il y avait de la viande de porc, du coup les habitants musulmans ne pouvaient pas les manger. Et déjà avant le corona, le directeur est venu fermer les cuisines, il a pris la nourriture qui y était et il est parti avec et il a dit « dorénavant les cuisines seront fermées».

Après ils ont réouvert les cuisines y compris pendant le confinement, où il y a avait parfois jusqu’à 6 personnes dans la cuisine au même moment, ce qui n’est pas normal en temps de confinement. Il n’y a pas eu ni médecin, ni personne de testé. Il n’y a eu aucun médecin sauf un médecin venu voir deux enfants handicapés dans le centre. On aimerait qu’il y ait des médecins pour être testé, ou un psychologue car on a besoin de parler à quelqu’un, parce qu’on pète un câble à cause du confinement, on ne peut pas sortir même dehors. Depuis qu’il y a le cadenas on est prisonniers !

Il y a une famille afghane qui ne sort plus du tout de sa chambre, alors qu’il y a un ados avec eux, ils ne sont pas sortis depuis le début du confinement. Nous aussi on ne sort pas beaucoup de nos chambre non plus, moi ça fait 3 jours que je ne sors pas. Du coup comme je n’ose plus aller à la cuisine à cause du Corona, je mange dans ma chambre.

Il ne reste plus qu’une éducatrice qui est revenue mais les autres ils sont partis soit en fin de contrat, soit je ne sais pas. Ils sont partis il y a 12 jours. Aussi ils ont mis un nouveau directeur, j’avais oublié de le dire, mais on ne nous l’a toujours pas présenté. Depuis 3 jours, une éducatrice est revenue et elle a commencé à redistribuer la banque alimentaire parce qu’il n’y en avait plus pendant 9 jours. Ils ne nous donnaient que du lait et du coup les frigos ils étaient vides. Mais c’est revenu maintenant. Pour les papiers, l’éducatrice ne peux pas nous aider parce qu’elle est débordée.

Nous ce qu’on demande, c’est que ce fameux cadenas soit enlevé. Je trouve inadmissible qu’on mette un cadenas dans l’hôtel. Il y a des familles qui se sont enfuies, qui sont parties parce qu’elles ont eu peur.

Ce qui était bien avant le confinement c’est que les éducateurs ils étaient là et on pouvait leur parler, et ça faisait du bien pour le moral. On savait qu’on était en sécurité, ils étaient à l’écoute. Par contre, c’est vraiment difficile d’être dans un hôtel éloigné. Si certains peuvent quand même faire des démarches, ce n’est pas facile. Il faut trouver un moyen d’ouvrir un foyer d’hébergement à Grenoble. Pendant le confinement, des gens ont des rendez-vous avec le médecin, c’était des rendez-vous importants et il ne les ont pas laissés sortir.

Pour les chambres, il n’y a pas de soucis, on a accès à une douche et il y a la télé. Ce qui est dommage, c’est la wifi. Par exemple, si on veut faire des démarches pour n’importe quelle chose, il n’y a pas la wifi donc ceux qui n’ont pas internet ils doivent se débrouiller pour toutes les démarches.

Le problème, c’est qu’il y a une cuisine pour 140 personnes et ce n’est pas facile pour cuisiner. Il y en a qui ont droit à 1h une ou deux fois par semaine pour toute la famille !

En acceptant que les gens viennent en France alors il faut bien les traiter !

Je ne sais pas si j’ai bien parlé parce que le fait d’être isolé on perd un peu le lien social.

Le pire c’est pour les enfants, parfois quand je les vois j’ai envie d’exploser car ils s’ennuient beaucoup. Il n’y a rien pour eux, normalement il devrait y avoir plus de structures pour les enfants car ils ont besoin d’avoir une enfance normale. En venant en France ils ont besoin de s’amuser, d’avoir un ballon, d’avoir des jeux de société, et ça il n’y en a pas. Et ça j’en ai déjà parlé aux éducateurs, c’est parce que les parents n’ont pas de papiers que les enfants n’ont pas de papiers aussi. Les enfants ils ont des droits.

Illustration 2
Bienvenue au centre d'hébergement

TEMOIGNAGE 2 :

Le 13/04/2020

Il y a des familles qui étaient à Grenoble, et après qui ont été ramenées ici à l’hôtel de Voreppe depuis le mois de décembre ou de janvier.

Il y a toujours eu un problème pour pouvoir cuisiner car il y a 4 feux, car il y a 47 familles composées chacune de 3 à 5 personnes. Ils nous ramènent à manger des barquettes deux fois par semaine, et parfois ils nous donnent du lait (1 litre), un peu de riz, un peu de sucre et un peu de café. Soit tu trouves des pâtes avec de la viande, ou bien des lentilles, ou bien pommes de terre, ou de la macédoine, ou bien un peu de purée et c’est tout.

Au niveau de la cuisine, ils ont fait un programme de 1h, deux fois par semaine où tu peux préparer pour les repas de 3 jours en seulement 1h ! Et comme on n’a pas de frigo dans les chambres, où tu vas mettre la nourriture pendant 3 jours ?

Et puis il y a des familles où les enfants ou bien les parents ne mangent pas les pâtes. Mais ici on n’a que les pâtes. Pour la viande, il y en a ici qui ne mangent pas la viande parce que leur religion musulmane leur interdit de manger le porc ou les animaux qui n’ont pas été égorgés halal. Pour les légumes et les fruits, ils sont imaginaires.

Ceux qui sont demandeurs d’asile peuvent acheter de la nourriture mais il y a des familles qui n’ont rien, aucune ressource. Parce que quand tu pars demander pour une assistance sociale, la première des choses c’est qu’on te donne un rendez-vous 2 mois plus tard. Tu reviens au rendez-vous, ils te font une interview avec un agent et ils te donnent un autre rendez-vous 6 mois plus tard puis encore un autre 3 mois plus tard. Donc en tout ça dure un an pour avoir une assistance sociale !

Et ici pour acheter n’importe quelle chose il faut se déplacer et toujours tu marches 25 minutes aller et 25 minutes retour. Il y a des enfants qui allaient à l’école à Grenoble avant d’arriver ici, donc ils ont continué l’école à Grenoble. Ils prennent le train chaque matin pour aller à Grenoble et ils marchent 25 minutes pour aller à la gare, ils traversent une autoroute et c’est risqué. Une fois, une femme enceinte s’est faite renversée par une voiture, elle s’est faite hospitalisée alors qu’elle était enceinte, elle a eu de la chance que ça ne soit pas trop grave.

Il n’y a pas de navette pour emmener les enfants le matin à l’école. Ceux qui ont inscrit leurs enfants à Voreppe, ils marchent sur le bord de la route et c’est risqué pour les enfants. Les familles qui ont des enfants au collège, soit elles laissent les enfant y aller tout seul, soit ils les emmènent à la gare et ensuite ils vont jusqu’à Grenoble.

Avant il n’y avait pas de sécurité mais depuis qu’il y a la maladie ils ont mis deux gardiens le jour et deux la nuit car ils nous ont interdit de sortir pendant 15 jours. Même les personnes qui avaient une maladie, qui avaient des analyses par exemple pour des chimio, personne ne pouvait sortir. Une fois les 15 jours passés, on a pu sortir avec des autorisations de sortie mais on devait marcher à pied jusqu’à la gare, et attendre environ 1 heure le bus.

Toutes les familles qui sont ici étaient à Grenoble avant donc tous leurs suivis administratifs ou bien médicaux, ou bien pour l’école, tout est à Grenoble donc il faut qu’ils partent à chaque fois pour régler leurs affaires à Grenoble.

Avec le Coronavirus, les enfants sont encore plus victimes : il n’y a pas d’internet, pas de micro, pas d’imprimante… Certains suivent avec la télévision sur France4, mais les autres sont victimes. Pendant les 15 jours de confinement strict, aucune éducatrice n’est venue ici et la directrice n’est d’ailleurs jamais venue. Deux éducatrices sont revenues après le 20ème jour du confinement et ils sont 3 maintenant.

Mais nous on a toujours aucun ressource pour acheter quoi que ce soit pour les enfants : des gâteaux, des habits, des cahiers pour ne pas avoir honte devant les autres camarades de classe. Ce n’est pas une vie normale, on est toujours stressés, toujours angoissés, et pour l’instant rien a changé, c’est toujours la merde et il n’y a aucune aide. Chacune de ces familles se déplace toute seule sans soutien. Je connais une famille dont la femme est malade d’un cancer, elle est soignée à l’hôpital de Michallon, et pour faire les analyses elle se déplace toute seule malgré sa fatigue, malgré les problèmes de transport. Il y a des familles diabétiques et ils ont ramené tous les justificatifs, les certificats médicaux. Parce qu’un diabétique, il faut qu’il puisse manger selon un rythme et un régime particulier, mais malgré cela les éducatrices n’ont rien changé, elles disent qu’elles vont parlé à la direction mais il n’y a pas de suivi. C’est impossible de gérer 47 ou 48 familles ! Les gens ont peur de sortir régulièrement à cause de la maladie car si quelqu’un ramène la maladie ici, il va contaminer tout le monde parce qu’on se croise tous à la cuisine… C’est risqué et c’est encore plus risqué pour les personnes malades.

Aussi, je ne comprends pas pourquoi ils nous donnent une date précise pour sortir de là. Avant c’était le 31 mars, maintenant c’est le 31 mai avec la maladie. Pour un pays comme la France, 4ème puissance mondiale, laisser des familles à la rue c’est honteux, sincèrement. C’est une puissance la France ! Et au lieu d’augmenter le moral, le moral est très bas et tout le monde est inquiet de ce qui pourra arriver à l’avenir.

Pour les enfants qui vivent cette situation c’est encore pire, parce qu’un enfant c’est pas comme un adulte. Un enfant, il faut le préparer à bien travailler, il faut tout donner à l’enfant pour qu’il puisse apprendre à l’école. Un enfant c’est comme une pâte, et c’est nous les parents et l’entourage qui allons former cette pâte à l’avenir, il faut donc faire attention.

Les familles qui ont des maladies chroniques comme les cancers, le diabète, la tension il faut les aider à aller à l’hôpital ou à aller chez le médecin et il faut leur donner des sous pour acheter ce qu’ils veulent pour manger la nourriture.

Je vous remercie et j’aimerais bien qu’on trouve des oreilles qui nous entendent pour nous aider.

TEMOIGNAGE 3 :

Le 13/04/2020

Là ou on est maintenant c’est vraiment dur.

Dans l’endroit pour cuisiner c’est vraiment compliqué, on cuisine deux fois par semaine, le mardi et le samedi et seulement le matin. Quand tu rates ton tour tu ne peux pas revenir cuisiner plus tard. Alors parfois quand on rates, on va se coucher en ayant faim. Pour la nourriture fraiche, on peut garder au frigo seulement ce que l’on a cuisiné. Tout le monde peut garder sa nourriture cuisinée au frigo. Pour la livraison des repas de la banque alimentaire c’est pas tous les jours, seulement quelques fois par semaine.

Avant le Corona c’était pas comme ça, c’était compliqué déjà mais avec le corona virus c’est encore plus difficile.

Les travailleurs sociaux ne sont pas toujours sympa, parfois tu vas leur demander quelque chose et ils sont en colère et te dises Non Non Non … Et la seule qui nous a vraiment aidé avant ne travaille plus la. C’est celle qui nous a dit d’aller voir une assistante sociale ailleurs. Et maintenant ils nous disent qu’ils ne peuvent rien faire.

On fait tout par nous même. Si tu veux aller à Grenoble, tu demandes un ticket de bus et les travailleurs te disent qu’ils n’en ont pas. Donc on y va en se débrouillant. On doit marcher jusqu’à la gare de Voreppe, pour prendre un bus qui dure 40 minutes pour aller jusqu’à grenoble, et c’est 20 minutes de marche de l’hotel à la gare. C’est compliqué ce long trajet, encore plus maintenant parcequ’on est une famille avec le Corona Virus.

Jusqu’à maintenant à moi et ma famille ils n’ont jamais donné de ticket. Même quand on avait un rendez-vous, ils disait non.

Je sais que parfois ils ont des tickets, puisque quand on est arrivé là ils nous avait dit que on pourrait avoir des tickets pour se déplacer. Et la maintenant ils nous disent que l’on ne devraient pas sortir sauf pour aller au magasin à Voreppe, pour acheter de la nourriture pour manger, dans ce cas ils donnent le papier pour sortir.

Pour la nourriture pour les bébés, ils ne donnent pas tout le temps seulement parfois. La semaine dernière ils sont venus nous demander combien d’argent on recevait par mois par l’OFII*. On a demander « Mais pourquoi, pourquoi vous nous demandez combien l’OFII nous donne d’argent ? ». Ils ont dit que maintenant les personnes qui reçoivent de l’argent de l’OFII n’aurait plus de lait. Ils nous ont dit ça la semaine dernière. En disant que l’on devrait acheter le lait par nous même.

* (Office Français des l’Immigration et de l’Intégration)

Les enfants qui sont supposés allé à l’école en ce moment n’y vont pas à cause de la crise du corona virus.

Est ce qu’ils donnent des ordinateurs ou du matériel pour aider les parents et les enfants à continuer l’école ?

Oh non, non, non jamais !

Est ce que tu veux ajouter quelque chose par rapport à la situation ?

Oui pour l’instant, ce qui nous importe c’est d’avoir des nouvelles par rapport à une maison. La maintenant, on se sait pas ou on ou va aller. Beaucoup d’entre nous on perdu espoir, parce que ils nous ont dit que l’hôtel va fermer le mois prochain, au mois de mai.

Ils ne nous donnent jamais d’informations.

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