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Lwakale Mubengay BAFWA

Historien et politologue, patriote progressiste et mondialiste originaire du Congo-Kinshasa ; Agrégé de l'enseignement secondaire supérieur, vit à Genève (Suisse)

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Billet de blog 1 août 2025

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Nangaa ou Tshilombo, qui pour redonner au Congo son intégrité et sa souveraineté ?

Impossible d’imaginer la crise congolaise actuelle se résoudre par des moyens pacifiques. Car, Nangaa et l’AFC/M23 ne contestent pas seulement la légitimité de Tshilombo à gouverner le Congo ; ils se présentent aussi comme la seule alternative crédible pour recouvrer la souveraineté et l’intégrité du pays ainsi que restaurer l’autorité de l’Etat sur tout le Congo…

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'approche de Félix-Antoine Tshilombo, axée sur la diplomatie et la médiation internationale, est une stratégie nécessaire pour une issue pacifique. Cependant, ses chances de succès sont étroitement liées à la capacité de la communauté internationale à exercer une pression effective sur toutes les parties impliquées, à la volonté des acteurs régionaux de mettre de côté leurs propres intérêts au profit de la paix, et à une amélioration significative de la situation sécuritaire et de la gouvernance interne en RDC. Or, ici, les intérêts égoïstes et les stratégies machiavélistes priment sur tout. Tshilombo ne semble pas avoir des coudées franches pour restaurer l’intégrité territoriale et l'autorité de l’Etat sur tout l’ensemble du Congo. Au contraire, c’est bien son poste, enjeu de la mobilisation désormais résolue de Nangaa et d’autres forces moins en vue, qui vacille plus que jamais. La suite réelle de la crise se conjugue dans l’enlisement…

Procès Joseph Kabila : Justice ou Manœuvre Politique ? Paix fragile en RDC et Accords Secrets. © Marius Muhunga

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À l’aube d’une nouvelle séquence politique, caractérisée par des négociations en vue de la paix sous l’égide du Qatar et des Etats-Unis, naît un nouveau paradigme politique, qui ne ravive pas seulement une crise déjà multidimensionnelle et profonde ; mais, carrément, la plonge désormais dans une nouvelle dimension plus labyrinthique, plus aiguë et moins maîtrisable que toutes celles qui l’ont précédée jusqu’à présent. D’une part, l’hypothétique parrainage états-unien du régime de Tshilombo a suscité tellement de divergences d’interprétation et de vives inquiétudes dans le microcosme politique congolais que beaucoup de certitudes d’autrefois s’effritent littéralement ici et là, que plusieurs alliances et positions stables hier se disloquent subitement et que divers pactes, jadis inimaginables, se concluent précipitamment.

D’autre part, prenant les allures d’une certitude, l’apparente rupture, entre Tshilombo et son tuteur Kagamé, convainc divers acteurs en lice à se précipiter dans des errances politiques improbables ; dont ils ne maîtrisent pas la suite. Avec son « Camp de la Patrie », Fayulu a pris des risques…

Illustration 2

Se méfier des apparences…

En effet, malgré les apparences déroutantes et des scènes théâtrales ourdies dans la finesse de l'art pour désorienter les opinions, l’homme fort de Kigali n’a jamais perdu le contrôle de la situation politique au Congo ; surtout lorsque l’usurpateur Tshilombo a ouvertement, et avec une cassante arrogance, opté pour une défiante trahison de tous les mouvements ayant contribué à son ascension et à son arrivée au pouvoir. Comme lui, certains ont beau se prévaloir d’avoir un certain pouvoir et contrôle sur la situation ; néanmoins, le principal et déterminant maître du jeu reste Paul Kagamé.

De Tshilombo à Nangaa, en passant par Kanambe, tous sont ses marionnettes qu’il manie à sa guise. Au gré de ses intérêts et de la conjoncture, l’habile marionnettiste peut sacrifier, permuter ou remplacer chacun de ces acteurs frimeurs en lice. Cependant, en dépit de tout ce que le dealeur Tshilombo peut lui offrir, on voit mal Kagamé sacrifier définitivement le meilleur de ses pions au Congo, l’imposteur Kanambé ; que d’aucuns considèrent, non seulement comme son propre produit, mais également comme celui qui jouit de plus étroites accointances dans le cercle le plus intime du régime de Kigali. Dans le piège sur le Congo, le trio Kagamé, Kanambe et Kabarebe a tellement fait des merveilles qu’il intrigue…

Ainsi, les tractations à Doha et Washington cristallisent d’autant plus les tensions que quand Nangaa, allié de Kanambe, affirme que c’est à sa coalition rebelle de l’Alliance du Fleuve Congo (AFC) et Mouvement M23 - AFC/M23 - elle-même de restaurer l’intégrité territoriale et l'autorité de l'État au Congo et non ce régime de Kinshasa largement honni par le peuple, tout observateur averti et tout esprit avisé sont à même de mesurer la quintessence de son allégation et d’où il tire l’assurance de la formuler avec une aussi vive clarté…

Qui peut réellement restaurer l’intégrité et souveraineté du Congo ?

Dans les circonstances actuelles, difficile d’imaginer que celui qui vient de faire perdre au pays plus de 20% de son territoire soit en position de convaincre qu’il est également en mesure de lui faire recouvrer encore son intégrité territoriale et sa souveraineté. A Doha, comme à Washington, sous contrainte ou par méprise, le régime de Kinshasa signe des engagements qui ne cessent de lui enlever d’autres prérogatives. A Doha, par exemple, c’est désormais d’égal à égal qu’il traite avec la coalition AFC/M23. Ce qui autorise le leader de cette coalition de s’arroger fièrement le privilège d’alternative pour restaurer l’intégrité et la souveraineté du Congo. Et les arguments développés par Nangaa pour enlever à Tshilombo cette prérogative font mouche ; parce qu’ils sont largement partagés au sein de la communauté congolaise.

Selon Nangaa, la restauration de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire congolais sera la suite logique de la chute du régime corrompu, illégitime, inapte et méprisé de Tshilombo. Ce dernier incarnant à lui seul : illégitimité, ignorance et violation de la Constitution, arbitraire, népotisme, dictature, corruption, haine, détournement de deniers publics, pillage massif des ressources, tribalisme, infantilisation des institutions et surtout de la justice, tuerie, envoi d'opposants en exil, ingratitude et non-respect de la parole donnée et des engagements pris etc… Comme pour son projet avorté de révision constitutionnelle, Tshilombo n'a ni l'assise, ni la légitimité, ni la capacité morale ou politique pour restaurer une quelconque autorité dans un pays dont il ne contrôle plus que partiellement le territoire et le peuple.

Auréolée par sa supériorité militaire, c’est l'AFC/M23, seule force crédible, organisée, structurée et en connexion avec les aspirations réelles du peuple qui, d’après Nangaa, est à même d’assurer la restauration de l’intégrité territoriale et de l'autorité de l’Etat sur tout l’ensemble du pays. Voilà le défi !

Les atouts de Corneille Nangaa et de l’AFC/M23 en tant qu’alternative…

Dans une déclaration récente, Corneille Nangaa adopte un ton résolument combatif. Il rejette les appels internationaux, notamment ceux des États-Unis, exigeant le retrait de l’AFC/M23  des territoires qu’elle contrôle. Selon Nangaa, la crise que traverse la république démocratique du Congo (RDC) dépasse la seule dimension sécuritaire : il s’agit d’un problème politique et national. Pour lui, « la restauration de l'autorité de l'État ne sera pas dirigée par Kinshasa mais par l'alliance rebelle elle-même ». Nangaa semble au clair avec ce qu’il dit et, avec sa coalition AFC/M23, ils ont déjà prouvé qu’ils ont les moyens de leurs ambitions. Il leur suffirait de reprendre leur marche en avant, en termes de conquêtes militaires, et déjà, la simple perspective de mettre dans leur escarcelle Uvira, Kisangani ou Kalemie donnerait largement crédit à ses tonitruantes déclarations. Selon plusieurs observateurs, ce sont les pourparlers à Doha et à Washington qui assurent encore sa fragile survie au régime de Tshilombo ; dont le dégagisme est largement escompté.

Cette posture remet en cause la légitimité du régime actuel, incarné par Tshilombo, que Nangaa accuse d’être la racine des problèmes actuels du Congo et postule logiquement son éviction. Le leadeur de l’AFC/M23 estime qu’un retour des zones libérées sous gouverne de la cleptocratie prédatrice et hédoniste actuellement régnante ne ferait qu’empirer l’instabilité. Aussi, est-ce avec nette assurance qu’il estime que, si l'autorité de l'État doit être restaurée, elle ne le sera pas par un régime failli et rejeté par le peuple. Galvanisé par ses radieux succès militaires et sa vive ascension populaire, Nangaa décrète que c’est à l’AFC/M23 qu’il revient de restaurer aussi bien l’intégrité territoriale que la souveraineté sur tout le sol Congolais. S’appuyant sur les soutiens solides du Rwanda, de l’Ouganda et du Kenya, son ambition est loin d’être démesurée ; elle traduit, aussi par des actes sur terrain, une volonté claire de s’imposer comme une alternative crédible à l’État central perçu comme défaillant.

L’approche de Tshilombo pour restaurer l’intégrité et la souveraineté au Congo

La cleptocratie prédatrice, hédoniste et tribaliste de Tshilombo doit d’abord faire face à une contestation politique d’une ampleur inédite à plusieurs segments de la population. Avec plusieurs leaders d’opinion assassinés, en prison ou en exil, les appels au dégagisme du régime sont permanents et la menace d’une révolte populaire est désormais redoutée. Pour s’en prémunir, la répression impitoyable tous azimuts en cours s’apparente plus à un catalyseur de la sédition qu’à un   amollissant des velléités de rébellion. Ensuite, c’est contenir la poussée militaire incompressible de l’AFC/M23 qui s’avère la menace la plus redoutable et la plus imminente.

Pour s’y opposer ou les braver, Tshilombo brandit sa légitimité et sa légalité, en tant que garant des institutions du Congo. Revendiquant ainsi de disposer de tous les moyens de l’Etat constitutionnellement mobilisables et du soutien ou de la caution internationale pour, certes sauvegarder son régime d’abord ; mais, corrélativement, pour recouvrer l’unité du territoire et préserver la souveraineté de  la RDC. Aussi, selon Kinshasa, toute restauration de l’intégrité et de l’autorité de l’État passe par un désarmement des groupes rebelles par un pouvoir légalement établi ; donc, sous l’égide des institutions nationales, avec l’appui de partenaires régionaux et internationaux. L’acceptation de l’État central comme seul garant de la souveraineté nationale constitue ainsi la pierre angulaire de son approche.

Face à l'escalade des violences et l'implication d'acteurs extérieurs, sans exclure le recours à la force militaire, c’est ouvertement par des moyens diplomatiques, le dialogue et les soutiens des médiateurs internationaux que Tshilombo escompte restaurer l’intégrité territoriale et la souveraineté de l'État congolais. En fait, cette approche s’appuie sur :

  1. une diplomatie remuante couplée de « voyage-manie ». En effet, Tshilombo a multiplié des déplacements et des rencontres bilatérales et multilatérales pour sensibiliser la communauté internationale à la crise congolaise. L'objectif est de mobiliser des soutiens accrus en faveur de la RDC, de dénoncer l'agression et l'ingérence rwandaise, notamment via l’AFC/M23, et de plaider pour des sanctions contre les acteurs responsables de l'instabilité. Cette "diplomatie de voyages" vise à briser l'isolement de la RDC et à renforcer sa position sur la scène internationale ;
  2. des processus tous azimuts de médiation régionale :
    • processus de Luanda. Initié par l'Angola, ce processus vise à faciliter le dialogue entre la RDC et le Rwanda, avec pour principaux objectifs le retrait des troupes étrangères du sol congolais et le désarmement des groupes armés, notamment le M23. L'Angola a joué un rôle central dans cette médiation ; mais, il y a eu des sabotages créant des périodes de retrait et de reprise ;
    • processus de Nairobi. Dirigé par la Communauté d'Afrique de l'Est (CAE) ou, en anglais, East African Community (EAC), ce processus vise le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR) des groupes armés opérant dans l'Est de la RDC dans des institutions pour les réinsérer dans la société, ainsi que la normalisation des relations entre la RDC et ses voisins, notamment les bilatérales avec le Rwanda ;
    • autres médiations. D'autres acteurs, comme le Qatar ou le Togo, ont également entrepris des efforts de médiation pour trouver une solution pacifique au conflit. Ils butent aussi sur des sabotages tactiques…
  3. des appels aux soutiens internationaux et multilatéraux :
    • Nations-Unies. La RDC sollicite activement le soutien du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, notamment par des appels au cessez-le-feu, au retrait des forces rwandaises et à l'adoption de résolutions condamnant l’agression. Elle a également présenté sa candidature en vue un siège au Conseil de sécurité pour 2026-2027 ; signe de sa volonté d'influencer davantage les décisions internationales. Candidature retenue ;
    • partenaires occidentaux. Le Congo cherche vivement à obtenir le soutien politique et financier de pays comme les États-Unis et la France, qui ont réaffirmé leur attachement à l'intégrité territoriale de la RDC ;
    • organisations régionales et continentales. L'Union Africaine (UA), la SADC et la Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale (CEEAC) sont également des leviers et cadres où la RDC se mobilise et cherche intensivement à mobiliser des solutions "africaines aux problèmes africains"…
  4. inclusion par des dialogues internes. Tshilombo a clairement exclu tout dialogue direct avec l’AFC/M23, qu'il considère comme un groupe terroriste et simple pantin stipendiaire soutenu par le Rwanda et son service. Par conséquent, il exige leur désarmement et leur retrait comme préalable à toute discussion. Par contre il s’ouvre à certaines têtes d’affiche de l’opposition non-armée. Il s’est notamment rapproché de Muzito et Martin Fayulu. Celui-ci a prestement trouvé, en « Camp de la Patrie», une douce et séduisante formule pour couvrir sa tardive allégeance…

Toutefois, les probabilités de succès de cette approche sont, pour le moment, difficiles à évaluer ; car, à l'accoutumée, l'approche diplomatique présente toujours des avantages et des défis plutôt assez fugaces. Ici, ce qui rend ses chances de réussite mitigées dépend de plusieurs facteurs, dont :

  • légitimité internationale. En privilégiant la voie diplomatique, la RDC s'aligne sur les principes du droit international et peut escompter un soutien plus large et plus légitime de la communauté internationale ;
  • pression sur le Rwanda. Par ses sollicitations, le Congo a déjà obtenu la multiplication des condamnations et des appels au retrait des forces étrangères de son territoire ; ce qui peut exercer une pression diplomatique sur le Rwanda, l'incitant à peut-être revoir ses priorités ;
  • prévention d'une escalade généralisée. Face à des opinions publiques vivement alertées, conscientisées et mobilisées, cette diplomatie agissante vise à mettre la communauté internationale devant ses responsabilités et l’invite à prévenir une guerre ouverte et régionale à même de générer de graves conséquences matérielles, économiques, humanitaires désastreuses pour tous ;
  • implication de multiples médiateurs. La diversité des acteurs de médiation, notamment Angola, CAE, Qatar, Togo, et ainsi de suite - chaque médiateur apportant une perspective et des leviers différents - pourrait, en théorie, offrir plus de chances de trouver des solutions…

Initialement, Tshilombo s’est beaucoup appliqué à créer les conditions d’une coopération régionale renforcée et agissante. D’où, notamment, l’adhésion de la RDC à la CAE. Même élan au niveau international, où le Congo s’active à exposer partout les causes profondes des conflits sur son territoire et solliciter des soutiens pour pacifier et stabiliser la situation globale du pays. Il a ainsi essayé de privilégier la normalisation de ses relations avec tous ses voisins, celles avec le Rwanda de Paul Kagamé en priorité. Cependant, il a été déçu par les performances et l’attitude des alliés, surtout celles de la Force Régionale de l'EAC (EACRF) ; Notamment lorsque celle-ci s'est abstenue de s’attaquer au M23. En conséquence, Tshilombo a été contraint à se tourner vers d'autres partenaires accessibles ; spécialement vers le Burundi, l'Angola, l’Afrique du Sud et  la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC). Malgré tous ses efforts et sollicitations, sa démarche affiche des limites :

  • faiblesse de l'appareil militaire congolais. L'incapacité de la RDC à reprendre militairement le contrôle de l'Est du pays réduit son poids dans les négociations et la rend plus dépendante des interventions exterieures. Les observateurs soulignent de "profondes failles dans l'appareil militaire congolais, miné par la corruption" ;
  • scepticisme lié aux précédents échecs. Les multiples accords de cessez-le-feu, qui se sont effondrés dans le passé, ainsi que les échecs de précédentes initiatives diplomatiques, à l’instar de l’impétueux rapprochement Kinshasa-Kigali de 2019-2021, alimentent un certain scepticisme quant à la viabilité des efforts actuels ;
  • divergences d'intérêts régionaux. Les intérêts des différents pays de la région sont complexes et parfois divergents ; ce qui rend très improbable l'obtention d'un consensus et l'application effective des accords conclus. Certains acteurs régionaux étant sentis comme ayant leurs propres agendas dans l'Est du Congo ;
  • manque de volonté politique des parties prenantes. Le succès de la diplomatie dépend en grande partie de la volonté des principales parties au conflit, en particulier de Tshilombo lui-même, du Rwanda et de l’AFC/M23, de s'engager de bonne foi dans les pourparlers et de respecter les engagements. Ce qui est loin d’être le cas ;
  • persistance de l'insécurité et de la crise humanitaire. Malgré les efforts diplomatiques, la situation sur le terrain reste précaire, avec des violences continues et des déplacements massifs de populations, ce qui rend difficile la mise en œuvre de solutions durables ;
  • nécessité d'efforts internes. Certains analystes estiment que la solution aux problèmes congolais ne viendra pas uniquement de l'extérieur et que des efforts significatifs sont nécessaires au niveau interne ; notamment en matière de dialogue entre acteurs, de gouvernance, de justice et de renforcement des institutions étatiques…

En conclusion, l'approche de Félix-Antoine Tshilombo, axée sur la diplomatie et la médiation internationale, est une stratégie nécessaire pour une issue pacifique. Cependant, ses chances de succès sont étroitement liées à la capacité de la communauté internationale à exercer une pression effective sur toutes les parties impliquées, à la volonté des acteurs régionaux de mettre de côté leurs propres intérêts au profit de la paix, et à une amélioration significative de la situation sécuritaire et de la gouvernance interne en RDC. Or, ici, les intérêts égoïstes et les stratégies machiavélistes priment sur tout. Tshilombo ne semble pas avoir des coudées franches pour restaurer l’intégrité territoriale et l'autorité de l’Etat sur tout l’ensemble du Congo. Au contraire, c’est bien son poste, enjeu de la mobilisation désormais résolue de Nangaa et d’autres forces moins en vue, qui vacille plus que jamais. La suite réelle de la crise se conjugue dans l’enlisement…

Vers un contexte d’enlisement dans la crise et une querelle de la légitimité

Les divergences entre Tshilombo et Nangaa sur la manière et la légitimité de qui peut restaurer la souveraineté et l'intégrité territoriale du Congo dans la conjoncture actuelle plongent la RDC dans une crise profonde, en grande partie à cause de désaccords sur la conception même de la légitimité du pouvoir et de la méthode à adopter pour assumer l'autorité de l'État. D'un côté, Tshilombo, s'appuyant sur le cadre institutionnel et invoquant la communauté internationale parmi ses soutiens, revendique la continuité de l'État central et la légalité républicaine comme seules voies acceptables pour préserver l'unité nationale et recouvrer l'intégrité territoriale du Congo. En conséquence, il prône alors la neutralisation des rebelles et le recours au dialogue inclusif sous son initiative pour rétablir la souveraineté du pays. Il argue que l'État central détient la légitimité historique et constitutionnelle de l’autorité de l’Etat…

De l'autre côté, révolutionnaires, Corneille Nangaa et l’AFC/M23 adoptent une logique de rupture.  Jugeant que le régime de Kinshasa est failli, illégitime et incapable de répondre aux aspirations basiques d’un peuple en totale précarité infrahumaine et de le protéger. C'est pourquoi, l’AFC/M23 se réclame de la légitimité populaire et, ainsi, s'autoproclame l’alternative légitime et la mieux indiquée pour combler la déchéance de l’ethnocratie hédoniste de Tshilombo. Partant, la restauration de l'intégrité territoriale et de la souveraineté du Congo ne peut passer que par celui qui est à même de prendre le contrôle effectif de tout le territoire congolais et recouvrer la souveraineté ainsi que l’autorité de l’Etat partout ; mais en dehors du schéma institutionnel profondément vicié actuel.

S’appuyant sur leurs probants succès militaires en cours, sur leur enracinement local observable, sur l’étalage avéré de leur aptitude à gouverner ainsi que sur des soutiens régionaux probants dont ils jouissent, ils justifient dans ce contexte leur légitimité de fait et l’opposent à l’illégitimité flagrante d’un pouvoir central aux abois.

Cette confrontation de deux légitimités – l’une institutionnelle et hypothétique, l’autre insurrectionnelle et confirmée – bloque toute prompte sortie de la crise. Aucune des parties ne reconnaissant l’autre comme interlocuteur valable et, inversement, chacune accusant l’autre d’aggraver l’instabilité instaurent un antagonisme irréconciliable. Le soutien de puissances régionales, la méfiance à l’égard des solutions imposées depuis l’étranger et l’absence de perspective de compromis acceptable entretiennent alors un enlisement politique et sécuritaire irréversible. Au cœur de cette polarisation d’incompatibilités, c’est la population congolaise qui demeure otage. Prise en étau depuis des lustres par le nombrilisme surdimensionné d’impénitents autolâtres, elle est corrélativement confrontée à une crise de confiance envers les institutions ; d’autant que la vérité des urnes n’a jamais été respectée dans le pays, alors que les mouvements rebelles sont accusés de couvrir les agressions étrangères responsables d’un véritable génocide de Congolais.

Le débat entre les partisans de Nangaa et ceux de Tshilombo repose ainsi sur une divergence fondamentale quant à la manière, dont les uns et les autres comptent procéder pour restaurer l’intégrité et la souveraineté du Congo. Arguant que seule une rupture avec les pratiques de voyou, qu’elle reproche au régime en place, permettra une paix durable, l’AFC/M23 défend une restauration par la force, hors du cadre institutionnel actuel. De l’autre, le pouvoir central privilégie la légalité républicaine et la continuité de l’État comme solutions pour sortir du cycle de crises. Aussi, tant que la question de la légitimité – qu’elle soit issue des urnes, des armes ou du terrain – ne sera pas résolue à travers un dialogue national inclusif, tout essai de recouvrer la souveraineté et l’intégrité territoriale ou de restaurer l’autorité de l’Etat sur tout le Congo dans ses frontières reconnues, demeurera subséquemment sujet à contestation, perpétuant, de ce fait, la fragmentation de la population et générant la méfiance et l’instabilité chronique qui minent à jamais la RDC.

Eclairage,
Chronique de Lwakale Mubengay Bafwa

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