Entre quête de sécurité, enjeux humanitaires, défis diplomatiques et litiges politiques en République démocratique du Congo (RDC), la capitale française a accueilli, le 30 octobre 2025, une conférence internationale consacrée à la paix et à la prospérité dans la région des Grands Lacs. Cette initiative, portée par la France et soutenue par plusieurs partenaires européens et africains, visait à répondre à la détérioration de la situation dans la RDC et à relancer une dynamique diplomatique pour stabiliser l’ensemble de la région. Malgré la gravité des enjeux, plusieurs chefs d’État voisins, dont ceux du Rwanda, de l’Ouganda, du Kenya et du Burundi, bien qu’invités, ont brillé par leur absence ; soulevant des interrogations sur l’efficacité réelle de l’événement et la portée de ses conclusions. Y a-t-il un lien de cause à effet entre la manière dont s’est déroulé ce sommet et la main tendue de Félix Tshisekedi à Paul Kagame, l'invitant, au Global Gateway Forum de Bruxelles, à conclure la paix des braves ?
Si on reconnaît qu’avec la gouvernance de Tshisekedi, la crise humanitaire au Congo, l’invasion meurtrière toujours en cours du pays par ses voisins et le génocide des Congolais ne sont plus des problèmes orphelins ; force est aussi de relever l’absence d’impact réel des initiatives diplomatiques de Kinshasa sur la résolution escomptée de la crise. Quels facteurs peuvent expliquer ce revers criant en dépit de l’ampleur exorbitante des moyens mobilisés en vue d’une autre issue ? D’aucuns allèguent que Tshisekedi lui-même entretient expressément cette crise pour se maintenir au pouvoir et orchestrer un glissement anticonstitutionnel de son régime… Sur base de quels arguments donner du crédit à cette allégation ? Sinon, avec quels parades réfuter cette assertion ? L’insuccès diplomatique enregistré jusqu’à présent par Kinshasa relèverait-il de l’incompétence dans la manière de procéder ou dépend-il d’autres causes ? Lesquelles ?
🧩 Situation humanitaire en RDC : données et ampleur des besoins
La RDC fait face à une crise humanitaire d’une ampleur exceptionnelle. Selon les dernières estimations des agences onusiennes et des ONG, plus de 7 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, dont une majeure partie en errance permanente depuis des décennies, principalement dans les provinces de l’Est (Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri). Les conflits armés persistants, l’insécurité alimentaire et les épidémies récurrentes exacerbent la vulnérabilité des populations civiles. Depuis des lustres, le nombre de personnes nécessitant une assistance humanitaire urgente dépasse constamment les 20 millions ; tandis que les infrastructures sanitaires et éducatives sont largement sinistrées.
La conférence de Paris s’est fixé pour objectif de mobiliser des fonds supplémentaires afin de renforcer la réponse humanitaire aux sinistrés. Toutefois, malgré les annonces de contributions, le déficit de financement reste criant face à l’ampleur réelle des besoins. Les promesses, souvent conditionnées à des améliorations sur le terrain, peinent à se traduire en engagements concrets. Les organisations humanitaires dénoncent un manque de coordination et de prévisibilité dans l’allocation des ressources, ce qui limite l’impact des interventions sur le terrain.
🔩 Mobilisation de fonds : un effort insuffisant face à l’ampleur de l’urgence
La mobilisation des fonds lors de la conférence a été présentée comme un succès diplomatique par ses initiateurs, mais l’analyse des chiffres révèle une réalité plus nuancée. Les engagements financiers annoncés sont loin de couvrir les besoins recensés par les acteurs humanitaires. De plus, une partie de ces fonds consiste en la réaffectation de budgets existants, sans nouveaux apports significatifs. Cette situation souligne la difficulté de maintenir l’attention internationale sur une crise chronique, évoluant à des échelles effarantes ; mais éclipsée par d’autres urgences mondiales.
Le manque d’engagement financier des États africains voisins, dont la présence était jugée cruciale, a également contribué à relativiser l’impact de la conférence. La question de la distribution et de la gestion transparente des fonds demeure un point de friction, certains bailleurs exprimant des doutes quant à la capacité des autorités congolaises à garantir une utilisation correcte et efficace des ressources.
💘 Dimension diplomatique : impact de l’absence des chefs d’État voisins
L’absence nettement remarquée des principaux chefs d’État voisins, directement ou indirectement impliqués dans la crise congolaise – notamment celle de Paul Kagame (Rwanda), Yoweri Museveni (Ouganda) et Évariste Ndayishimiye (Burundi) - a été interprétée comme un signe de défiance envers l’initiative française et un révélateur des tensions persistantes dans la région. Cette défection a affaibli la portée politique de la conférence et limité les avancées possibles sur la scène régionale.
La diplomatie multilatérale s’est trouvée entravée par l’absence de dialogue direct entre les acteurs clés du conflit. En l’absence de ces acteurs déterminants, les discussions ont essentiellement porté sur des principes généraux, sans avancées concrètes sur les dossiers sensibles tels que la démobilisation des groupes armés ou la coopération transfrontalière en matière de sécurité. Ce contexte a renforcé le sentiment que la conférence de Paris, malgré ses ambitions, n’a été qu’un exercice de communication sans impact opérationnel immédiat sur le terrain, ni perspective positive.
⚒️ Lien entre le sommet de Paris et la main tendue de Tshisekedi à Bruxelles
Quelques jours avant la conférence de Paris, le président congolais Félix Tshisekedi avait lancé, lors du Global Gateway Forum, un appel au dialogue à son homologue rwandais Paul Kagame, l’invitant à une reprise des négociations bilatérales en vue de conclure la « paix des braves », selon sa propre expression. Ce geste, salué par des partenaires internationaux, visait à désamorcer les tensions croissantes entre Kinshasa et Kigali, accusé d’agression et soutien aux rebelles actifs dans l’Est de la RDC.
La proximité temporelle entre l’appel de Tshisekedi et la conférence de Paris soulève des questions sur la coordination - ou le manque de coordination – entre ces multiples initiatives diplomatiques qui, ici et là vont en se répétant. Si certains analystes y voient une tentative sincère de relancer le dialogue régional, d’autres dénoncent des calculs opportunistes et une forme de double discours ; la diplomatie congolais, elle-même, végétant entre appels à la paix et accusations publiques contre ses voisins. Cette ambiguïté complique la lecture des intentions réelles de Kinshasa et affaiblit la cohérence de sa stratégie diplomatique.
🕷️ Tshisekedi entretient-il la crise à des fins machiavéliques : ourdir le glissement ?
Nombreux sont ceux qui voient Tshilombo multiplier des subterfuges pour son maintien et lui prêtent de perfides calculs d’entretenir cette crise pour renforcer son pouvoir et orchestrer le glissement anticonstitutionnel. Ces allégations invitent au questionnement sur le rôle exact de Tshisekedi dans la persistance de la crise. Certes, des arguments soutenant avec autorité cette thèse sont légion ; mais, ceux l’infirmant ne manquent pas non plus.
Arguments en faveur d’une crise entretenue pour des raisons politiques :
- Mobilisation de l’opinion publique : certains arguent que la rhétorique anti-rwandaise et la dénonciation des ingérences étrangères servent à fédérer la population autour du régime et détourner l’attention des détournements, des difficultés économiques et sociales internes ;
- Consolidation du pouvoir : en maintenant un état de crise, le régime justifie la prolongation des mesures d’exception, la centralisation du pouvoir exécutif et le verrouillage plus étroit de l’espace politique ;
- Recherche de soutien international : l’insistance sur la dimension régionale du conflit permettrait à Kinshasa de solliciter une aide accrue des partenaires internationaux et de légitimer sa position, en tant que détentrice de la légalité formelle, sur la scène diplomatique…
Arguments réfutant l’idée que Tshisekedi entretienne exprès la crise :
- Complexité des dynamiques régionales : la diversité et multiplicité des groupes armés, l’implication d’acteurs étatiques et non étatiques, ainsi que les diverses rivalités historiques rendent illusoire l’idée d’un conflit entièrement instrumentalisé par le pouvoir congolais ;
- Vulnérabilité structurelle de la RDC : la constance des tensions régionales, les faiblesses institutionnelles au Congo, la corruption et le manque de contrôle sur certaines parties du territoire limitent la capacité du gouvernement à influer sur la dynamique du conflit ;
- Pressions internationales : la communauté internationale exerce une pression croissante sur le régime pour qu’il avance vers la paix, ce qui rend risqué toute tactique fondé sur le maintien d’un état de crise…
🏹 Failles et limites de la diplomatie de Tshilombo
Comment évaluer objectivement les causes des échecs diplomatiques constants de Tshilombo, à l’instar du fiasco du sommet Paris pour la paix et la prospérité dans la région des Grands-Lacs : incompétence ou autres facteurs ? Plus spécifiquement, l’échec manifeste de la diplomatie congolaise lors de ce forum de Paris ne saurait être attribué seulement à l’incurie de ses émissaires. Plusieurs facteurs structurels et contextuels expliquent les difficultés de Kinshasa à obtenir des avancées tangibles :
- Fragmentation des alliances régionales : les intérêts divergents des États voisins, la méfiance mutuelle et la compétition pour le contrôle des ressources minérales du Congo, notamment entre le Rwanda et l’Ouganda, entravent la construction d’un consensus régional ;
- Poids des acteurs extérieurs : l’implication de puissances étrangères, tant africaines qu’occidentales, complexifie le jeu diplomatique et limite la marge de manœuvre de l’establishment congolais ;
- Faiblesse des institutions congolaises : la diplomatie de la RDC souffre d’un manque de continuité, de cohérence et de professionnalisation, ce qui nuit à l’efficacité de ses démarches sur la scène internationale ;
- Absence de leviers d’influence : la RDC, malgré son immense étendue territoriale, ses monumentales ressources naturelles et son énorme poids démographique, peine à s’imposer comme un acteur majeur, incontournable, dans les négociations régionales, en raison tant de la carence de prestige de ses leaders que de son instabilité chronique…
Du fiasco de la Conférence de Paris pour la paix et la prospérité dans la région des Grands-Lacs, quels enseignements et perspectives déduire pour le retour à la paix dans la région des Grands Lacs ? Ce sommet, malgré ses ambitions louables, illustre les limites de la diplomatie de sommet face à la complexité des crises régionales. L’absence des principaux acteurs, les chefs d’État des pays voisins directement impliqués dans la guerre au Congo, celle de la représentation des rebelles congolais occupants une partie importante du territoire national, la faiblesse de la mobilisation financière et le manque de cohérence des initiatives diplomatiques ont réduit l’impact de l’événement. Certes, la situation humanitaire en RDC demeure dramatique ; mais elle est consécutive, entre autres, à l’état permanent de guerre qui y sévit que l’inverse. Envisager l’amélioration de la situation humanitaire implique, ipso facto, le règlement du conflit.
Pour progresser vers la paix, il est indispensable de renforcer la coordination régionale, d’impliquer davantage les acteurs locaux et de restaurer la confiance entre les parties prenantes. La communauté internationale devrait également veiller à ce que l’aide humanitaire et les initiatives diplomatiques soient mieux articulées et alignées sur les besoins réels des populations. Enfin, il appartient au régime congolais régnant de clarifier sa stratégie, d’assainir sa gouvernance et de s’engager résolument dans le dialogue tant interne que régional ; condition sine qua non pour briser le cycle de la violence dans la région des Grands Lacs.
Eclairage,
Chronique de Lwakale Mubengay Bafwa