Lwakale Mubengay BAFWA (avatar)

Lwakale Mubengay BAFWA

Historien et politologue, patriote progressiste et mondialiste originaire du Congo-Kinshasa ; Agrégé de l'enseignement secondaire supérieur, vit à Genève (Suisse)

Abonné·e de Mediapart

104 Billets

0 Édition

Billet de blog 10 décembre 2025

Lwakale Mubengay BAFWA (avatar)

Lwakale Mubengay BAFWA

Historien et politologue, patriote progressiste et mondialiste originaire du Congo-Kinshasa ; Agrégé de l'enseignement secondaire supérieur, vit à Genève (Suisse)

Abonné·e de Mediapart

Tribune 5 : illusion des sauveurs providentiels venant d’ailleurs !

L'histoire tumultueuse du Congo démontre que des puissances impérialistes occidentales y agissent avant tout en fonction de leurs propres intérêts géopolitiques et économiques (accès aux minerais stratégiques, influence régionale), et non par pur altruisme. L'attente d'une intervention « salvatrice » venant de ces prédateurs ignore le passif de l'ingérence séculaire au Congo...

Lwakale Mubengay BAFWA (avatar)

Lwakale Mubengay BAFWA

Historien et politologue, patriote progressiste et mondialiste originaire du Congo-Kinshasa ; Agrégé de l'enseignement secondaire supérieur, vit à Genève (Suisse)

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

👉 Congo de Lumumba ploie depuis des lustres sous un cruel joug ourdi par un complot international : six tribunes qui posent le diagnostic, dévoilent les mécanismes d’asservissement, et esquissent les voies de sortie par le réveil de conscience et l’auto-reconnaissance des élites. #DépossessionStructurée#Tribune5#TribunesPourLeCongo# ConscienceCivique#RéveilCongolais#JusticeEtSouveraineté#CongoDebout

Illustration 1
Aucun sauveur ne viendra de l’extérieur pour sortir le Congo du naufrage ; prenons-nous en charge ! © Lwakale Mubengay BAFWA

🌍 Le mirage des interventions salvatrices extérieures

À chaque crise, plusieurs Congolais se tournent vers l’extérieur, espérant qu’une puissance étrangère vienne, par pitié, briser le joug sous lequel ils ploient depuis des lustres. Certains jubilent à l’idée que les Etats-Unis, un gouvernement européen ou une organisation internationale s’implique directement dans la crise congolaise. Mais cette attente est un mirage.

Les interventions étrangères ne réclament pas la souveraineté du Congo : elles visent leurs propres intérêts. Ressources stratégiques, influence géopolitique, sécurisation de leurs marchés : voilà leurs ardents desseins. Pour eux, le Congo n’est pas un partenaire ; mais un terrain d’opérations :

1. Axe historique : leçons du passé et souveraineté

Rappelons que l'histoire de la république démocratique du Congo (RDC) est déjà marquée par des ingérences et des interventions qui n'ont pas apporté une stabilité durable ; elles ont  même parfois aggravé la situation :

  • Cas de la post-indépendance (Lumumba) : l'assassinat de Lumumba et l'ingérence des Occidentaux, surtout lors de la Crise congolaise des années 60, visaient des intérêts stratégiques (minerais, Guerre Froide) et non la sécurité ou le bien-être du peuple. Les interventions passées ont été des sources et catalyseurs, de la déstabilisation ;
  • Épopée des interventions récentes : les grands mandats de paix, tels que la MONUSCO, la plus grande et la plus longue mission de l'ONU, au vu de l'ampleur considérable des ressources mobilisées face aux conflits, ont plutôt eu des impacts préjudiciables. Leur mandat est critiqué comme étant trop restrictif ou inefficace pour briser le joug

Défense : l'histoire prouve que les puissances externes agissent avant tout en fonction de leurs propres intérêts géopolitiques et économiques (accès aux minerais stratégiques, influence régionale), et non par pur altruisme. L'attente d'une intervention « salvatrice » ignore le passif de l'ingérence.

2. Axe politique et pratique : la logique des puissances impérialistes

Même décennies après la Guerre froide, l’impérialisme occidental n’a rien perdu de sa vitalité ; bien au contraire, le jaillissement des puissances émergentes, de la Chine notamment, revitalise les  tensions géopolitiques :

  • Argument trumpiste (Monroe révisé), celui de priorités nationales : les dirigeants comme Donald Trump, ou tout autre chef d'État occidental, fonctionnent sur une doctrine de l'Amérique d'abord ou de la priorité nationale. Leur engagement dans des conflits lointains et complexes n'est envisagé que si un danger menace directement leurs intérêts ou  s’il y a un gain économique, géopolitique ou autre à soutirer de la situation. La crise congolaise, bien qu’au paroxysme de la tragédie, est une évidence paradoxale ; car, elle a été orchestrée et est sauvegardée parce qu’elle est au faîte de leurs priorités majeures ;
  • Raison du coût humain et financier : une intervention directe même pour piller, comme jadis, est trop coûteuse en vies humaines et en argent. Les déboires en Irak et Afghanistan ont instruit et les opinions publiques occidentales sont réticentes à l'idée d'envoyer des troupes dans un conflit asymétrique et complexe comme celui de la RDC…

Défense : les interventions militaires directes sont désormais politiquement et financièrement non rentables pour l’Occident. Son nouveau paradigme impérialiste repose dorénavant sur la sous-traitance régionale. C’est une forme moderne de domination où une puissance lointaine engage des pays voisins pour conquérir et exercer leur emprise sur le pays cible, en exploitant ses ressources par procuration. Le stratagème crée ainsi une colonisation moins visible. Ce qui permet d’éviter un conflit armé direct et mal vu...

2. Axe de la souveraineté et de la résilience interne (la vraie solution)

L’illusion, d’un sauveur providentiel venant d’ailleurs, s’oppose, et cela va de soi, à la fondamentale quête d’une solution interne : basée sur ses élites :

  • Argument de la légitimité : seul un mouvement de changement initié, dirigé et porté par les Congolais eux-mêmes peut assurer une solution légitime et durable. Un gouvernement imposé ou fortement influencé par une puissance étrangère manquera de légitimité aux yeux de la population et sera vulnérable aux accusations de néocolonialisme ;
  • Argument de la « fenêtre de tir» : attendre une intervention extérieure crée une dépendance et une passivité dangereuses au sein de la population et inhibe le patriotisme élitise. Ce qui étouffe la conscience incitatrice des forces vives de la Nation à prendre leur destin en main. Le salut du Congo ne peut venir que de ses fils, conscients de la gravité de la situation, s’auto-reconnaissant en leurs capacités, moyens d’action et vertus ainsi qu’au clair avec l'âpreté de la mobilisation patriotique...

Défense : l'espoir en l'extérieur est un mirage ; car il déresponsabilise les acteurs internes. La seule solution durable est l'appropriation nationale du processus de changement, de la bonne gouvernance et de l'État de droit. L'aide extérieure peut être un adjuvant ; mais jamais le moyen principal...

L'attente d'un sauveur étranger (qu'il soit Trump, un Etat européen ou l'ONU) est un mirage dangereux. Car, historiquement, les interventions étrangères au Congo n’ont toujours servi que les intérêts des puissances marionnettistes avérées, jamais la cause congolaise. Aujourd'hui, il est impossible de ne pas s’apercevoir que le Congo est victime de l’agression par procuration. Plutôt que d’appeler paradoxalement et lamentablement au secours les commanditaires de notre tragédie, il urge de voir que la vraie bataille pour un Congo stable et souverain doit être menée par ses enfants.

⚙️ Les mécanismes de construction et maintien de l’illusion

Il est en effet crucial de comprendre comment l'illusion d'un sauveur étranger peut être générée et entretenue ; surtout lorsque ceux qui tirent les ficelles de l'agression par procuration en sont aussi les instigateurs. Les mécanismes par lesquels ces acteurs externes, marionnettistes, génèrent et entretiennent l'illusion d'une solution venant de l'extérieur du Congo, tout en y maintenant la crise et la tragédie, sont diverses, complexes et opèrent à plusieurs niveaux : politique, économique et psychologique :

1. Le contrôle du récit et de l'information (politique/médiatique)

Les acteurs externes s’assurent d’influencer la perception de la crise pour orienter les attentes des Congolais vers l’impératif d’une solution externe. La propagande médiatique des marionnettistes entretient ainsi l’idée que le salut viendra de l’étranger, et non de l’auto-organisation nationale :

  • Délégitimation du leadership national : les médias ou les rapports (parfois financés par ces acteurs) mettent l'accent sur la corruption et l'incompétence des leaders congolais. Si le problème est présenté comme une défaillance interne totale, il est clair que la solution doive venir d'un acteur jugé mieux qualifié ou plus compétent : l'étranger ;
  • Mise en avant des initiatives étrangères : c’est le levier le plus, sans cesse, actionné. Les commanditaires valorisent et médiatisent à outrance toute intervention, toute résolution de l'ONU, ou toute visite occidentale à laquelle on colle allègrement l’étiquette de haut niveau. Gestes présentés comme des moments clés, laissant percevoir qu'une solution décisive est imminente grâce à la pression internationale ;
  • Minimisation des solutions internes : toute initiative congolaise, qu’elle soit l’œuvre d’experts individuels ou structurés en think tank, surtout venant de l'opposition, qui ne correspond pas aux intérêts des marionnettistes, est ignorée, discréditée, inexplorée ou rendue invisible dans les médias internationaux et locaux sous-influence…

2. Le maintien de la dépendance (économique/aide)

Les crise économiques, l’instabilité politique et la fragilité du régime sont des leviers puissants pour créer la dépendance vis-à-vis des tuteurs à desseins organisés en institutions internationales et donateurs attitrés :

  • Le chantage à l'aide et aux prêts : le discours humanitaire appuyé sur l’aide ou le prêt, masque des agendas économiques et stratégiques. L'aide humanitaire et les prêts (FMI, Banque Mondiale) sont souvent conditionnés à des réformes politiques ou économiques qui, bien que parfois nécessaires, peuvent aussi servir à maintenir une influence. La peur de perdre cette perfusion financière sournoise renforce l'idée qu'il faut se plier aux desiderata de l'extérieur pour survivre ;
  • Le piège du négoce minier : l'exploitation rudimentaire et anarchique des minerais bruts, souvent au cœur de l'agression par procuration, crée une oligarchie partisane du statu quo et dépendante des acheteurs étrangers. Cette camarilla devient allègrement vite porte-parole local de la nécessité de « coopération » avec l'extérieur et s’active pour décourager toute démarche d'autonomie complète…

Mécanisme clé : en contrôlant les finances et les flux de ressources, les marionnettistes se donnent ainsi les moyens efficaces pour bien bloquer l'État congolais dans la défaillance et l'empêcher de développer la pleine souveraineté économique qui pourrait financer sa propre armée, une gestion idoine et ses projets, rendant l'aide extérieure quasi obligatoire.

3. L'usure psychologique et le désespoir (émotionnel / sociétal)

L'intensité et la durée des tragédies finissent par générer un sentiment d'impuissance qui prépare le terrain à l'espoir d'une solution miraculeuse :

  • La fatigue du conflit : des décennies de violence, de guerre, d’errance et d'instabilité parviennent à épuiser la population. Les gens, fatigués de lutter sans cesse et sans résultat, sont psychologiquement plus enclins à s'en remettre à une force supérieure (l'Occident, l'ONU, Dieu) perçue comme la seule capable de mettre un terme à l'horreur ;
  • La démoralisation sélective : les marionnettistes soutiennent allègrement ou poussent machiavéliquement des acteurs locaux à saper activement les bons élans ou sursauts patriotiques, les idoines initiatives d'auto-défense ou les mouvements citoyens ; renforçant ainsi le cycle d'échec interne et l'idée que seul l'étranger peut réussir ;
  • Le modèle du "droit d'ingérence" : le discours international sur la responsabilité de protéger (R2P), bien qu'ayant une base légitime, peut être détourné. Il insinue que si un État échoue à protéger ses citoyens, c'est à la communauté internationale de le faire. Cela nourrit l'espoir d'une ingérence morale et juste pour juguler la crise ;
  • La diplomatie conditionnelle : chaque soutien diplomatique est assorti de contraintes qui affaiblissent la souveraineté congolaise ;
  • La manipulation des pseudos élites locales : depuis ou à l’exception de Lumumba et Laurent-Désiré Kabila, des générations de dirigeants congolais sont encouragés à croire que leur légitimité dépend de l’appui extérieur, qui leur garantit leur poste, et non de leur peuple…

En combinant le contrôle de l'information, la dépendance économique et l'usure psychologique, ces mécanismes orientent une partie importante de l'opinion publique congolaise, naïvement ou sournoisement, vers la recherche d'un sauveur étranger. Ce faisant, ils garantissent que l'énergie des citoyens se focalise sur l'attente d'une aide externe plutôt que sur la construction d'une résistance et d'une souveraineté internes, qui seraient les plus grandes et menaces réelles contre les intérêts des commanditaires.

🔍 Le résultat

Le peuple reste dans l’attente, paralysé par l’illusion d’un sauveur. Ce qui réconfortent la coterie régnante à se contenter de jouer les intermédiaires, assurée que leur pouvoir dépend de l’appui extérieur. Et le Congo continue de s’enfoncer dans la dépendance, incapable de s’assumer pleinement…

L’appel

Congolais, il est plus que temps de prendre conscience de l’urgence de changer de paradigme, de briser cette illusion anesthésiante que le salut du Congo viendrait d’ailleurs. Sûrement faux ! Aucun Trump, aucun Macron, aucun mécène étranger ne sauvera le Congo. Leur implication ne fait que prolonger la dépendance et renforcer l’asservissement du pays. Le Congolais a beau être un chic type, épris d’amitié, passionnément attaché à la paix, pacifiste par essence ; mais, lorsque l’humiliation dépasse toutes les limites du logiquement acceptable, il devient impérieux de montrer à ses bourreaux que l’on a aussi les mains pour agir et la tête pour réfléchir…

Le salut du Congo ne viendra pas de l’extérieur. Il viendra de nous-mêmes, lorsque nous aurons décidé de nous reconnaître, de nous organiser, et d’assumer notre destin.

Eclairage,
Chronique de Lwakale Mubengay Bafwa

🎭 Aucun sauveur ne viendra de l’extérieur pour sortir le Congo du naufrage ; prenons-nous en charge !

#PasDeMessieExtérieur

#IllusionDuSauveur

#AutoOrganisation

#CongoDoitSeLever

#DépendanceProlongée

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.