Depuis son accession au sommet de la République démocratique du Congo (RDC) en janvier 2019, Félix-Antoine Tshilombo navigue dans un environnement politique tumultueux et complexe, marqué par une succession de crises qu’elles soient sociales, politiques, institutionnelles, sanitaires ou sécuritaires. Loin de l’affaiblir, elles semblent servir une stratégie calculée de consolidation de son pouvoir. L’analyse de cette stratégie de crises adoptée par le receleur du hold-up électoral de 2018, révèle une gestion habile des tensions internes et externes, avec pour objectif principal, son maintien à la Présidence de la République et la virtualité de prolonger son mandat, soit par le biais du report ou du contrôle du calendrier électoral. Pourtant, certains se livrent ici à des exégèses erronées en termes de signes de fin de règne ou de symptômes d’un système en panne. En réalité, par une lecture attentive, on déchiffre plusieurs indices permettant de déceler le recours méthodique à ces convulsions, sciemment provoquées et entretenues, comme instruments de gouvernance pour se maintenir au pouvoir et pour ourdir gaîment, mais avec assurance et justification, le glissement.
Le sort du Congo et les conditions de vie des Congolais sont bien loin d’être des priorités aux yeux de l’usurpateur ethnocrate et hédoniste Tshilombo. Ce pays peut être amputé des portions considérables de son territoire au profit de mentors de l’hédoniste cleptomane et conditions de vie de ses gouvernés baisser jusqu’au niveau le plus exécrable, ses primes obsessions resteront toujours ailleurs ; probablement, de manière bien concertée avec son tuteur Paul Kagamé, malgré les apparences. En perspicace lanceur d’alertes, nous avons été en première ligne pour prévenir les Congolais des desseins des Occupants lorsqu’ils ont recruté Félix-Antoine Tshilombo pour lui confier les rênes du Congo[i]. Malgré la relance de nos appréhensions par d’autres, notamment par Honoré Ngbanda Nzambo Ko Atumba ou, et de manière continue, itérative et plus incisive, par Fabien Kusuanika, pour leur conférer des échos plus consistants, les Congolais demeurent dans leur léthargie coupable. Mais alors, quand s’en relèveront-ils ; car, le danger se précise ?
La genèse d’une stratégie de crises
Le contexte de l’arrivée au pouvoir de l’usurpateur Tshilombo est tout sauf anodin ; il laisse donc entrevoir des conséquences, pour le moins significatives, voire, potentiellement dangereuses. Héritier d’Étienne Tshisekedi - proche compagnon du dictateur Mobutu, puis figure emblématique de l’opposition congolaise contre celui-ci - le nouveau maître de Kinshasa et de la RDC s’est imposé à la faveur d’un hold-up électoral aujourd’hui admis par tous les protagonistes de la scène politique congolaise et, même, par la communauté internationale. À peine installé dans le fauteuil de chef d’Etat, il doit composer avec une coalition fragile, son propre cartel, Cap pour le changement (CACH) avec le Front Commun pour le Congo (FCC), dirigé par son mentor et complice, son prédécesseur l’imposteur Hippolyte Kanambe, alias Joseph Kabila ; qui s’est ainsi organisé expressément pour continuer à exercer son influence déterminante sur les institutions. Le 29 janvier 2019, avec le désaveu au Parlement du Premier Ministre de la coalition CACH-FCC, Tshilombo réussit à tourner la page de sa coalition avec son prédécesseur Kanambe.
Ainsi, en moins de deux mois, l’imposteur fait sauter tous les verrous que son prédécesseur avait mis en place avant de lui céder le pouvoir, en janvier 2019 et qui avait permis la première transition du pouvoir sans effusion de sang dans l'histoire du Congo. Malgré une arrivée au pouvoir décriée mais, plus que jamais soutenu par les Américains et l'Union européenne, Tshilombo réussit finalement à isoler son tout-puissant prédécesseur, l’imposteur Kanambe ; qui espérait ainsi revenir aux affaires aux élections suivantes de 2023. Désormais, les calculs de l’usurpateur s’orientent vers le glissement.
C’est dans ce contexte explosif que, de part et d’autre, les crises sont devenues autant des instruments de négociation et d’ajustement assidu pour influer sur les rapports de force. Tshilombo a ainsi dû, en permanence, jouer d’équilibres subtils, jongler entre alliances politiques mouvantes, contestations populaires, et pressions internationales, pour préserver son pouvoir et croître son autorité. Il semble avoir trouvé, dans la stratégie de crises, le levier efficace et idéal pour s’émanciper de ses encombrantes tutelles originelles et baguette magique pour braver les entraves à sa continuité.
Provocation et entretien de crises comme outils politiques
Depuis son accession au sommet de la République démocratique du Congo (RDC) en janvier 2019, Félix-Antoine Tshilombo navigue dans un environnement politique tumultueux et complexe, marqué par une succession de crises qu’elles soient sociales, politiques, institutionnelles, sanitaires ou sécuritaires. Loin de l’affaiblir, elles semblent servir une stratégie calculée de consolidation de son pouvoir. L’analyse de cette stratégie de crises adoptée par le receleur du hold-up électoral de 2018, révèle une gestion habile des tensions internes et externes, avec pour objectif principal, son maintien à la Présidence de la République et la virtualité de prolonger son mandat, soit par le biais du report ou du contrôle du calendrier électoral. Pourtant, certains se livrent ici à des exégèses erronées en termes de signes de fin de règne ou de symptômes d’un système en panne. En réalité, par une lecture attentive, on déchiffre plusieurs indices permettant de déceler le recours méthodique à ces convulsions, sciemment provoquées et entretenues, comme instruments de gouvernance pour se maintenir au pouvoir et pour ourdir gaîment, mais avec assurance et justification, le glissement[ii]. Plutôt que de subir ces marasmes, il en tire, au contraire, profit pour renforcer sa position. Ces crises sont autant d’opportunités pour :
- délégitimer les opposants. L’amplification des tensions institutionnelles et politiques, souvent entretenue par des alliances changeantes et des jeux de pouvoir opaques, sert à désorienter l’opinion et à justifier la nécessité de décisions cassantes ainsi que de mesures fortes et stabilisatrices. Face à chaque vague de contestation ou de revendication, le pouvoir accuse alors ses détracteurs d’être les instigateurs du chaos, les marginalise ou les coince dans des postures défensives ;
- renégocier de nouvelles alliances ou revigorer les anciennes. Les situations d’instabilité sont souvent mises à profit pour redéfinir les équilibres à l’Assemblée nationale, dans le gouvernement ou au sein des institutions stratégiques ;
- contrôler l’agenda politique. La récurrence de mesures exceptionnelles, telles que la prolongation de l’état d’urgence ou la centralisation du pouvoir exécutif au détriment des autres institutions, souligne une stratégie visant à renforcer l’emprise présidentielle sous couvert de gestion de crise. En invoquant l’urgence ou l’exceptionnalité, la Présidence gagne des dérogations ou des reports, surtout en matière électorale ;
- affaiblir les contre-pouvoirs. Le recours est fréquent à des discours alarmistes, qui mettent l’accent sur des menaces internes ou extérieures, afin d’instaurer un climat de peur propice à la mobilisation autour du chef de l’État et à l’érosion du débat démocratique. Les institutions de contrôle, telles que la justice ou la Cour constitutionnelle, se retrouvent ainsi prises dans la tourmente ; ce qui limite corrélativement leur capacité à exercer un véritable contrôle sur l’exécutif…
Pris ensemble, ces indices esquissent le portrait d’un pouvoir qui s’appuie sur la stagnation volontaire des situations d’instabilité et d’incertitude pour légitimer sa perpétuation et préparer le terrain à des glissements politiques, au détriment des dynamiques démocratiques et de l’amélioration des conditions de vie des Congolais. Ainsi, la gestion des crises, loin d’être une contrariété, devient alors un ressort de la stratégie du régime. Elle permet d’installer une dynamique de gouvernance par l’urgence, où chaque nouvelle difficulté justifie une concentration accrue de pouvoir.
La recomposition des alliances et la neutralisation des oppositions
C’est dans la recomposition des alliances que le stratège Tshilombo a opéré son premier grand coup de maître. Il a su user de la stratégie de crises pour renverser la coalition initiale et recomposer le paysage politique. Il a aussi procédé de manière très subtile, tantôt en alternant des alliances, occasionnellement en provoquant brutalement des ruptures, souvent en multipliant des opportunités de rapprochements, quelquefois en privilégiant des cooptations et, incessamment, par d’humiliantes marginalisations… Les crises sont ainsi au service d’une politique de survie comme instrument de sélection, où seuls les acteurs les plus flexibles ou les plus conciliants parviennent à préserver leur postes, leurs places et leur influence auprès de celui qui se veut maître de tout, un omnipotent…
Face à cette manière encombrante d’inonder la scène politique par des menaces d'ébranlement des institutions, les oppositions, quant à elles, peinent à se structurer dans une dynamique de riposte appropriée et leur neutralisation, quasi permanente, se fait déjà par étouffement de leurs propos ; lorsqu’ils sortent du contexte de la menace conjoncturelle. Leur discours est alors relégué à l’arrière-plan, occulté par l’agitation cynique d’urgences et la rhétorique du « sauvetage national ». Les mouvements sociaux, faute de visibilité et de relais institutionnels, ne parviennent pas, non plus, à se faire entendre pour réussir à s'affirmer et à mobiliser durablement.
Une communication de crise s’appuyant sur la mobilisation et la diversion
Sous l'angle d'une stratégie de gestion de crises pour se maintenir au pouvoir et préparer le glissement, la communication du régime de Tshilombo se caractérise surtout par l'accent excessivement mis sur les crises sécuritaires, économiques, sociales pour justifier corrélativement des mesures impopulaires, embrigader le soutien de la population et détourner réciproquement l'attention des questions épineuses ou des problèmes irrésolus. La communication politique du régime s’avère même être le point focal de la stratégie. Elle est alors conçue et martelée de manière à transformer chaque épisode de crise en opportunité de légitimation et de consolidation du régime. Concrètement, elle s’articule autour de plusieurs axes :
- insistance sur l’urgence et la gravité des menaces. Qui permet de présenter le chef de l’Etat comme l’unique à même d’être le rempart face au chaos. Il instaure alors un climat où toute remise en question des décisions apparaît presque irresponsable ou dangereuse ;
- recours aux discours officiels pour conditionner l’opinion. Par des axes narratifs soigneusement calibrés, le régime s’emploie à réorienter l’opinion publique vers des enjeux de stabilité, d’unité nationale et de protection contre des forces externes ou contre des oppositions accusées de connivence avec les ennemis de la Nation et qualifiées de déstabilisatrices pour les marginaliser et justifier la mise en place de mesures exceptionnelles à plusieurs niveaux...
Ce schéma s’accompagne d’une utilisation habile des médias stipendiés et de relais institutionnels fanatisés instrumentalisés. Le narratif officiel met alors en scène un leader suprême d’exception, encensé par des louanges excessives ; notamment en le présentant comme avenant, visionnaire, protecteur et pragmatique ; car, réagissant avec fermeté à chaque crise et se posant en garant du progrès. Cette communication, souvent très centralisée, sert aussi à détourner l’attention des faiblesses du système institutionnel, en focalisant le débat sur les actions salvatrices du pouvoir exécutif.
Par ailleurs, par des allusions excessives à ces crises dans des discours et dans des débats publics, le régime escompte ainsi façonner une perception de normalité autour des exceptions pour rendre, in fine, banales les prolongations de mandats ou les reports des échéances électorales. La qualité de la communication permet de présenter ces prolongements ou renouvèlements comme des réponses nécessaires et idoines aux circonstances extraordinaires. En conséquence, les contestations et les revendications des opinions réfractaires sont systématiquement dépeintes comme des menaces à l’ordre public ou à la souveraineté nationale. Ce qui permet de marginaliser et de décrédibiliser les voix dissidentes.
Ainsi, par cette ingénierie discursive et médiatique, la stratégie du régime vise moins à résoudre les crises qu’à les instrumentaliser pour mieux maintenir son contrôle politique, préparer le terrain à d’éventuels glissements et désamorcer toute tentative de contestation structurée. Toutefois, malgré son habilité, ce narratif n’est pas sans limites. A mesure que les crises s’enchaînent, la crédibilité du discours officiel s’érode et les populations expriment un besoin croissant de transparence et de responsabilité.
Cristallisation des appréhensions autour d’une démocratie à suspens
La peur des glissements a fini par développé le syndrome d’une démocratie sur le fil. En effet, le glissement électoral s’inscrit dans la logique de la crise permanente au Congo. Au fil des années, la RDC a vu ses élections constamment reportées, ses calendriers modifiés, ses institutions paralysées par des querelles d’exégèse juridique ou des difficultés logistiques souvent attribuées à la situation sécuritaire. Le spectre du glissement plane sur chaque échéance électorale, cristallisant les craintes d’une démocratie en suspens.
Pour l’astucieux Tshilombo, le glissement n’est pas seulement un risque, mais l’un de ses outils potentiels de son maintien au pouvoir. La multiplication des crises offre des prétextes pour repousser indéfiniment les élections, invoquer la nécessité de réformes, ou justifier une prolongation exceptionnelle du mandat présidentiel. Les arguments invoqués et ventilés sont : la menace sécuritaire à l’Est du pays, l’instabilité institutionnelle, les défis techniques liés à l’organisation du scrutin, ou encore les interventions étrangères.
Dans cette stratégie, comme affirmé ci-dessus, la maîtrise de la communication est essentielle. Chaque crise est l’occasion de réaffirmer la légitimité du pouvoir, de mobiliser la population autour d’un projet commun, ou de placer le chef d’Etat au cœur de tout comme caution de l’union et détourner ainsi l’attention des failles institutionnelles. L’exécutif s’applique à présenter chaque report comme un acte de responsabilité, voire de patriotisme, tout en minimisant la portée politique de la manœuvre. Et les médias, la plupart instrumentalisés, participent à la construction d’une image de président protecteur, garant de la stabilité et du progrès.
Perspectives et possibles scénarios futurs
Il est important de rappeler que l’usurpateur Tshilombo n’a jamais été normalement élu par les Congolais et au vu de ses turpitudes si multiples et si variées, il ne le sera sûrement au grand jamais. En 2019, il accède au pouvoir au détour d’un lamentable deal - compromis à l’africaine[iii] - volant sa victoire triomphale à Martin Fayulu. Néanmoins, pour la première fois dans l'histoire de la RDC, la passation de pouvoir se fit par une transition pacifique. L’ethnocrate s’est ensuite fait reconduire en 2023 à la suite d’un véritable gangstérisme électoral. Au vu de l’ampleur observable du tripatouillage, le peuple en est resté à jamais médusé. Le contexte politique actuel est donc celui de son second et dernier mandat selon la Constitution actuelle ; ce qui rend les spéculations sur un « glissement » d'autant plus pertinentes pour l'opposition politique.
À l’approche des prochaines échéances électorales, la RDC reste suspendue aux décisions de celui qui joue le rôle de son chef d’État. Les scénarios possibles oscillent entre la tenue d’élections régulières, le report en raison d’une crise majeure - la guerre à l’Est et la balkanisation de fait qu’elle génère en est une - ou une modification profonde du cadre institutionnel. La capacité des acteurs politiques en lice et de la société civile à s’organiser pour imposer au régime un véritable débat démocratique est quasi nulle à ce jour. Cette perspective est pourtant déterminante pour l’avenir de la RDC. L’affrontement limité au simple bavardage ferait justement l'affaire du régime ; qui n’attend plus que cela...
La stratégie de crises mise en œuvre par l’ethnocrate hédoniste Tshilombo s’inscrit dans une logique de son maintien continu au pouvoir et de pilotage d’un glissement électoral motivé. Mais, si elle permet de gérer l’instabilité et de consolider la position du régime, elle comporte néanmoins des risques majeurs pour la démocratie congolaise. Elle fragilise les fondements démocratiques, limite le débat public et favorise la personnalisation du pouvoir. À long terme, cette stratégie peut générer une défiance généralisée envers le régime et nourrir les velléités d’un révolution populaire, qui peut tout emporter. Le défi, pour les acteurs politiques et de la société civile, est désormais de transformer cet état de crise en opportunité de renouveau politique, et imposer, enfin, à la voyoucratie un juste respect des institutions républicaines et principes démocratiques.
Eclairage,
Chronique de Lwakale Mubengay Bafwa
[i]. « Par son deal avec Kanambe, Tshilombo consolide l’occupation du Congo par Tutsi-power », par Lwakale Mubengay Bafwa, dans le blog de L. M. Bafwa, Le Club de Mediapart, 7 juillet 2019.
[ii]. Le terme « glissement », dans la sphère politique congolaise, renvoie à l’allongement non prévu des mandats électoraux, un phénomène qui attise les passions populaires et entretient les soupçons de manœuvres politiques.
[iii]. « L'élection s'est achevée finalement par une espèce de compromis à l'africaine. Je ne vois pas pourquoi on le remettrait en cause aujourd'hui. Félix Tshisekedi est devenu président dans une configuration très particulière et propre à la République du Congo », avait déclaré le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, le lundi 4 février 2019.