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Lwakale Mubengay BAFWA

Historien et politologue, patriote progressiste et mondialiste originaire du Congo-Kinshasa ; Agrégé de l'enseignement secondaire supérieur, vit à Genève (Suisse)

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Billet de blog 18 décembre 2025

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Congo : développer une conscience citoyenne et critique comme stratégie de libération

Viser la refondation de la société congolaise par la promotion des valeurs de vertu et la mise en exergue des figures publiques ou anonymes qui incarnent l’intégrité, la résistance et l’innovation sociale, afin d’inspirer la jeunesse et de briser les clichés de réussite fondés sur la corruption, la débauche, le clientélisme ou la violence fratricide...

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✍️1ère Tribune : ֎ Nous ne sommes plus des ombres !

Nous sommes l’aube qui refuse la nuit !

Chaque voix compte !

Chaque pas libère !

Peuple du Congo, levons-nous !

La vérité est notre flambeau !

La justice, notre horizon

  • Quand la conscience s’éveille, les chaînes tombent !
  • La critique n’est pas une menace, c’est une naissance !
  • Le peuple n’est pas un décor. Il est le moteur !
  • Le Congo ne ploie pas. Il se relève !
  • Nous sommes les auteurs de notre histoire, pas ses victimes !

Introduction

Le Congo, riche de ses ressources naturelles et de sa diversité culturelle, demeure depuis des décennies prisonnier de multiples formes de domination : politiques, économiques, et sociales. Pour sortir de ce cercle vicieux infernal, nous nous alignons avec ceux qui prônent le développement d'une conscience citoyenne et critique comme une des clés d’émancipation. En effet, développer une conscience citoyenne et critique en république démocratique du Congo (RDC) est une véritable stratégie de libération parce qu’elle permet aux citoyens de sortir de la passivité, de contester les structures oppressives et de devenir acteurs de leur propre destin. Sans cette prise de conscience, les cycles de domination politique et économique se perpétuent frénétiquement. Mais, pourquoi ce choix, et en quoi constitue-t-il une réelle stratégie de libération ?

Illustration 1
Conscience éveillée, joug brisé ! © Lwakale Mubengay BAFWA

Pourquoi développer une conscience citoyenne et critique ?

Le joug, sous lequel la RDC ploie depuis des lustres, est multidimensionnel : politique, économique, social et mental. La conscience citoyenne et critique est un des leviers de libération à ces quatre niveaux de joug  pour diverses raisons :

  1. Héritage historique lourd : l’indépendance en 1960 s’est faite dans un contexte de crise et d’ingérences étrangères. Les régimes autoritaires et les guerres successives ont affaibli les institutions et le contrat social[i]. Un bon réarmement moral est une voie idéale et royale vers un nouveau pacte social et vers une refondation institutionnelle harmonieuse et efficace ;
  2. Compréhension des mécanismes d’oppression: le développement de la conscience citoyenne et critique est un processus incluant l’information et l’apprentissage de la réflexion critique. L’objectif étant de doter le pays d’une population informée et critique ; donc, à même de s’interroger et d’identifier les causes profondes de ses difficultés : corruption, mauvaise gouvernance, manipulation des masses, exploitation des ressources par des intérêts étrangers, etc. Cette capacité de discernement est la première étape pour refuser la fatalité et exiger des changements structurels ;
  3. Raffermissement des institutions fragilisées : malgré l’adoption par referendum de la Constitution en 2006 et l’option en faveur de la décentralisation, la gouvernance du Congo reste néanmoins centralisée et les contre-pouvoirs réels faibles ; si les voies d’y faire recours ne sont pas subtilement ou impitoyablement obstruées. Une citoyenneté critique est nécessaire pour exiger l’application réelle de ces mécanismes[ii];
  4. Renforcement de la participation démocratique: une bonne et illuminée conscience citoyenne permet à chacun de se sentir et de se comporter en acteur de la société, non de rester simple spectateur. Ce qui favorise la participation aux processus électoraux, le contrôle citoyen des institutions, et la revendication de droits fondamentaux. Plus les citoyens sont critiques, moins ils sont enclins à accepter passivement l’injustice ;
  5. Rupture avec la culture de la soumission: historiquement, le joug colonial puis les régimes autoritaires successifs ont entretenu une culture de la peur et de la résignation. Développer la conscience citoyenne et l’esprit critique, c’est encourager l’émancipation de tous, l’audace personnelle pour remettre en question l’ordre établi et proposer des alternatives ;
  6. émergence d’une élite responsable: une société, où chacun a une claire conscience de sa place et de son rôle de citoyen, pousse ses leaders à rendre des comptes et encourage l’émergence de nouvelles générations de dirigeants intègres, formés à l’éthique et au service du bien commun ;
  7. Généralisation du modèle des mouvements citoyens : des initiatives comme LUCHA montrent que la mobilisation citoyenne peut influencer le débat national et international, en partant de revendications locales (eau, éducation, justice) vers des luttes pour l’alternance politique[iii];
  8. Quête d’un développement endogène : comme le rappelle une célèbre citation de Joseph Ki-Zerbo[iv]: « On ne développe pas, on se développe », la participation citoyenne est le moteur du développement. Sans implication active, les projets restent imposés d’en haut et échouent[v]
  9. Briser la résignation et l'aliénation mentale: des décennies de mauvaise gouvernance, d'exploitation et de conflits peuvent engendrer un sentiment d'impuissance, de fatalisme ou de dépendance vis-à-vis de la camarilla ou des puissances étrangères.  La conscience citoyenne et critique est une étape qui permet de rendre compte que le statu quo n'est pas inéluctable. Elle substitue la résignation par la culpabilité et l'action. Elle permet aux citoyens de se percevoir non plus comme de simples sujets passifs, mais comme les acteurs majeurs du destin de leur nation ;
  10. Démanteler l'impunité politique: les régimes au service du joug s’entretiennent par la corruption et s'appuient sur l'ignorance et la passivité de la population pour opérer sans conséquences. Sous l'effet de la conscience citoyenne et critique, ils sont forcément remis en question et confrontés à l'éveil de la vigilance populaire. Les citoyens remettent alors en cause les discours officiels et la propagande. Ils exigent la transparence dans la gestion des ressources (contrats miniers, budgets publics, etc.). Ils Sanctionnent les mauvais dirigeants par le vote ou la mobilisation pacifique ;
  11. Récupérer la souveraineté économique: le Congo est immensément riche ; mais cette richesse ne profite qu’à une petite caste locale et à des intérêts étrangers. La majorité de la population est abandonnée dans la pauvreté la plus noire (le paradoxe de l'abondance). L'un des effets d’une conscience critique consiste à permettre de comprendre les mécanismes de l'exploitation (structure des contrats, évasion fiscale, etc.).  Les citoyens, ainsi instruits et organisés, peuvent faire pression pour une meilleure redistribution et l'ajout de valeur locale aux matières premières ; favorisant l'émergence d'une économie au service de la nation et non de l'extérieur.

Comment développer cette conscience citoyenne et critique ?

Développer la conscience citoyenne et critique ne s'opère pas par épisode mineur et isolé ; il fait plutôt appel à un processus forcément long et structuré, nécessitant l'implication de la société civile, des éducateurs et des médias :

  1. Réforme de l'éducation : intégrer dans le cursus scolaire, tant au niveau primaire, secondaire qu’universitaire des modules sur l’histoire du pays, les droits et devoirs du citoyen, la pensée critique et l’analyse des médias. Car, l’éducation est la clé de toute transformation durable de la société ;
  2. éducation civique et éthique : renforcer les programmes qui enseignent l’éducation civique et critique dès le plus jeune âge afin que l’enfant sache tôt le rôle des institutions, les principes d'éthique et de redevabilité ;
  3. Module d’histoire critique : insérer à tous les niveaux l’enseignement de l'histoire des pays, mettant en évidence les périodes sombres, de manière honnête et non partisane, pour que les citoyens déchiffrent les racines structurelles des problèmes qui ont façonné le monde et influent aussi sur les réalités en cours (post-colonisation, néocolonialisme, ingérence) ;
  4. Alphabétisation fonctionnelle : s'assurer que les citoyens peuvent lire et comprendre les textes fondamentaux (lois, constitution) pour ne pas être manipulés. Promouvoir la lecture critique des médias et des discours politiques ; encourager et soutenir l’émergence des médias alternatifs ;
  5. Mettre à contribution les médias: valoriser les médias indépendants et la liberté d’expression ; car, les médias libres et la pluralité d’opinions aident à la diffusion d’information de qualité, la lutte contre la désinformation et stimulent le débat public. Ils sont la colonne vertébrale de la critique. Il faut les protéger et les soutenir financièrement pour qu'ils puissent enquêter sur la corruption et les abus de pouvoir.  Éducation aux Médias et à l'Information (EMI) sert à apprendre aux citoyens à distinguer l'information fiable de la désinformation (fake news), souvent utilisée par les acteurs malveillants pour semer ou hisser la confusion et la division ;
  6. Engagement citoyen, associatif et communautaire: générer des initiatives patriotiques et inciter à l’engagement associatif et communautaire ; car, les associations, mouvements citoyens et organisations communautaires sont des espaces d’apprentissage, de mobilisation et de solidarité. Ils favorisent la prise de parole, la responsabilisation collective et l’action ;
  7. Mobilisation collective: encourager les mouvements citoyens (LUCHA, Filimbi, etc.) qui transforment l’indignation en action organisée.  Créer des espaces de dialogue locaux où les citoyens participent aux décisions ;
  8. Décentralisation effective: responsabiliser les communautés locales dans l’administration de leurs institutions et dans la gestion ressources.  Mettre en place des mécanismes et processus rigoureux de redevabilité contraignant les élus à rendre des compte directement aux citoyens[vi] ;
  9. Culture de la vérité et de la transparence: briser les logiques ethniques, les réseaux clientélistes et les réflexes de peur en attisant, en valorisant et en soutenant toutes les voix critiques.  User ainsi des arts, poésie et  médias pour éveiller les consciences et mobiliser les émotions collectives ;
  10. Mobilisation de la société civile: les initiatives et actions concrètes dans cette optique sont multiples et variées. Partant de création et soutien des organisations de base, on peut évoquer l’incitation aux associations de quartier, aux syndicats et ONG qui militent pour des causes spécifiques (droits de l'homme, environnement, bonne gouvernance).  On peut citer l’appel à former des leaders locaux et des experts en techniques d'organisation, de négociation, de plaidoyer et de surveillance des actions gouvernementales (le "contre-pouvoir citoyen").  L’utilisation des arts et de la culture sous-entend le recours à la musique, au théâtre et à la littérature comme vecteurs pour dénoncer l'injustice, infuser des discours de résistance et forger une identité nationale positive et critique ;
  11. Promouvoir des modèles de réussite éthiques: mettre en avant des figures publiques ou anonymes qui incarnent l’intégrité, la résistance et l’innovation sociale, afin d’inspirer la jeunesse et de briser les clichés de réussite fondés sur la corruption, débauche, clientélisme ou la violence…

Conclusion

En conclusion, la conscience citoyenne et critique est l'arme la plus puissante dans la lutte pour la libération ; car, elle internalise l’engagement et l’élan pour le changement  en transformant le résident passif en citoyen responsable, capable de demander des comptes et d'imaginer un avenir différent. C'est une stratégie de libération qui commence par la libération de l'esprit. Développer une conscience citoyenne et critique au Congo, c’est semer les graines d’une libération authentique. En refusant la passivité et l’aliénation, le peuple congolais peut se réapproprier son histoire, ses ressources et son avenir. Il s’agit d’un long processus ; mais, c’est sans doute la voie la plus sûre pour briser les chaînes invisibles qui entravent le développement et la dignité du Congo. Pour aller un peu plus loin sur cette thématique, nous publierons un plus tard une tribune intitulée : Exemples d'initiatives de développement de la conscience citoyenne et critique en Afrique pour montrer comment la conscience critique se traduit en action concrète pour la libération et la bonne gouvernance.

Eclairage,
Chronique de Lwakale Mubengay Bafwa

  • Pas de paix sans vérité. Pas de progrès sans conscience."
  • "Le silence est complice. La parole est pouvoir."
  • "Citoyens debout, le joug tombe."
  • "Conscience critique, Congo libre."
  • "Nous ne demandons pas la liberté. Nous la construisons."

[i]. Le cœur stratégique d’une Afrique à refonder, par Arnauld Akodjenou, dans la série Réflexion – Conscience – Action, 16 août 2025

[ii]. Ibid

[iii]. Trajectoire d’une résistance citoyenne et recomposition de l’action collective, dans Mouvements et Enjeux Sociaux - Revue Internationale des Dynamiques Sociales, MES-RIDS, nO140, vol. 1., Mai - Juin 2025

[iv]. Joseph Ki-Zerbo (1922-2006) fut un brillant historien et homme politique panafricaniste burkinabé, figure majeure de la décolonisation et un intellectuel de haut niveau, il a beaucoup œuvré pour l'éducation et l'indépendance africaine. Par cette sentence, Ki-Zerbo souligne l'importance du développement endogène, c'est-à-dire un progrès qui vient de l'intérieur des sociétés, par éducation et auto-prise en charge, plutôt que par des modèles imposés de l'extérieur, résumée par son concept d'« Être avant d'avoir ».

[v]. La participation citoyenne à la gouvernance locale et développement des entités territoriales décentralisées, par Ruffin Makengo Kuhusu, dans LE CARREFOUR CONGOLAIS, Université de Kinshasa, vol 8 (janvier 2024) pp 17-52

[vi]. La participation citoyenne à la gouvernance locale et développement des entités territoriales décentralisées, par Ruffin Makengo Kuhusu, dans LE CARREFOUR CONGOLAIS, Université de Kinshasa, vol 8 (janvier 2024)  pp 17-52

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