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Lwakale Mubengay BAFWA

Historien et politologue, patriote progressiste et mondialiste originaire du Congo-Kinshasa ; Agrégé de l'enseignement secondaire supérieur, vit à Genève (Suisse)

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Billet de blog 19 octobre 2025

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Sauvons la RDC ! Et si Nairobi, une fois encore, annonçait bien le début de la fin !

Message de Kabila est clair : Je suis encore là, je consulte, je rassemble, j’évalue et je lance… Il ne cherche pas à convaincre ; il préfère inquiéter et y parvient avec brio. Car, à ce jeu, ce n’est pas le plus bruyant qui gagne. C’est celui qui a un coup d’avance. Avec la sortie de Sauvons la RDC, Kabila a déjà pris des longueurs d’avance

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Tshilombo sent le vent tourner... © Pi Tims

Lorsqu’alias Joseph Kabila ne parle pas, son silence inquiète Kinshasa ; logiquement, dès qu’il commence à parler et à se mobiliser, la panique est  totale dans la capitale du Congo de Tshilombo. En réunissant des hommes et des femmes de combat à Nairobi pour un conclave de l’opposition solennellement annoncé et largement médiatisé, alias Joseph Kabila ne tient pas une simple réunion ; pour Kinshasa de Tshilombo, c’est une déclaration de guerre. Le nouvel homme fort en carton du Congo traverse précipitamment le fleuve Congo, non pour une visite de courtoisie ; mais, dramatiquement, pour alerter, consulter et solliciter du soutien. Le mouvement baptisé « Sauvons la République Démocratique du Congo (RDC! » est une nouvelle plateforme politique qui a émergé à Nairobi, au Kenya. Il marque le retour d’alias Joseph Kabila sur le devant de la scène politique congolaise et, implicitement, cristallise la polarisation des forces entre le régime en agonie et une opposition sortant de sa léthargie et requinquée par la détermination d’un tigre effarouché et désormais défiant. Les deux pôles sont farouchement en émulation. Qui aura le dernier mot ?

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Nairobi n’est pas un lieu. C’est un signal ! © Lwakale Mubengay BAFWA

Le retour des ombres (fantômes harceleurs)

Dans l’histoire, il y a des villes qui deviennent, par concours de circonstances, des symboles forts. Ainsi, Nairobi, jadis florissant carrefour diplomatique, est aujourd’hui le théâtre d’un frisson politique pour Kinshasa, la Capitale, et pour « Fatshi Béton ». Car, là-bas, dans les salons feutrés de la ville, qui a vu naître la coalition politique - Cap pour le changement (CACH) - qui l’a porté au pouvoir ainsi que le pacte politico-militaire - l'Alliance fleuve Congo (AFC) et le Mouvement du 23 mars (M23) en quête de sa chute - c’est bien alias Joseph Kabila en personne qui y surgit auréolé en meneur de l’opposition contre le régime de Kinshasa. Loin d’afficher la pâle mine de revenant, c’est plutôt en stratège politique revigoré qu’il se pose. Il a désormais brisé le silence ; il fait des déclarations largement médiatisées, il rassemble au-delà de ses frontières partisanes. La menace se concrétise ; elle a de quoi inquiéter. Mais, son impact futur dépendra de l’ampleur des actions diplomatiques du revenant, de la portée de ses appels à la révolte populaire, de sa capacité autant à ameuter un seuil populaire significatif qu’à maintenir l’unité de son écurie face à la riposte du régime.

Le choix du terrain, Nairobi, ne s’est donc pas opéré au hasard, il est bien loin d’être neutre. Lieu de naissance de CACH et de l’AFC, Nairobi véhicule des sous-entendus à même d’apeurer ; qui ne laissent personne indifférente. C’est là que les oppositions à succès se sont levées. Kabila le sait. C’est à dessein qu’il rejoue, à son tour, l’affolant scénario. Il réactive les mémoires. Par conséquent, d’ores et déjà, le régime Tshisekedi s’enflamme, vacille entre déni et panique. Officiellement, ce conclave est un « non-événement », martèlent certains ténors du pouvoir encore régnant. Officieusement, « Fatshi Béton » déclenche une visite précipitée chez Denis Sassou Nguesso, le vieux sage de l’autre rive du Fleuve Congo. Car, en Afrique centrale, les coïncidences n’existent pas. Chaque mouvement, chaque silence, chaque lieu choisi est un message…

Nature et desseins affichés par « Sauvons la RDC ! »

 Ce qu’on peut déjà retenir et augurer sur ce mouvement n’est pas insignifiant :

  1. Origine et leadership
    • Le mouvement est né d'un rassemblement de figures de l'opposition et d'anciens cadres congolais à Nairobi sur l’invitation de l'ancien chef d’Etat congolais, alias Joseph Kabila, qui a présidé la réunion ;
    • Ce rassemblement inaugural a adopté « Sauvons la RDC » comme nom du mouvement et confié sa direction à son initiateur, alias Joseph Kabila, alarmé par sa condamnation à la peine capitale ;
    • Parmi les autres personnalités annoncées comme participantes ou membres de cette plateforme, on trouve notamment Raymond Tshibanda et l'ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo ;
    • Le choix de Nairobi, capitale du Kenya, laisse entrevoir des visées opiniâtres et émet des ondes subliminales ; il a même déjà suscité de vives réactions négatives velléitaires de la part du régime de Kinshasa et ravivé les tensions diplomatiques passées entre la RDC et le Kenya relatives à la crise dans l'Est congolais…
  2. Objectifs et revendications
    • Les initiateurs de « Sauvons la RDC » dénoncent la détérioration de la situation générale du pays, en particulier sur les plans sécuritaire, politique, économique et social. Le recul des acquis démocratiques étant relevé à travers notamment les travers d’une justice sélective, les violations massives de droits humains et l’exil des opposants et journalistes ;
    • Ils accusent le régime actuel de Félix Tshisekedi d'incurie notoire confirmée par l'échec à répondre aux besoins de la population ;
    • Corrélativement, ils appellent les Congolais à "dresser le front pour résister à l’institution de la dictature" et à "sauver la RDC";
    • Le mouvement a également exigé le retrait de toutes les troupes étrangères et des mercenaires du territoire national congolais…

En affichant sa détermination à poursuivre la mobilisation et l’élargissement pour conquérir une majeure partie de l'opposition et de la société civile, « Sauvons la RDC » annonce une nouvelle phase de confrontation politique en RDC, rompant avec le répit qui marqué jusque-là l’arène politique congolaise.

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Quand les ombres bougent, le pouvoir tremble ! © Lwakale Mubengay BAFWA

Message particulier d’alias Joseph Kabila

Par cette naissance de « Sauvons la RDC ! » de manière très visible et solennelle, avec beaucoup d'éclat, de publicité et de renfort médiatique, l’aversion entre l'ancien président, alias Joseph Kabila et le président actuel Félix Tshisekedi ne se limite plus à de simples tensions, marquées par des critiques et des accusations mutuelles, notamment concernant les échecs de la gouvernance, la situation sécuritaire dans le pays plus spécifiquement, ainsi que des flirts avec les agresseurs de la RDC. Le Congo entre carrément dans une zone de grandes turbulences. Et les signaux envoyés par alias Joseph Kabila sont un peu plus clairs que jamais : le passé revient. Et il veut donc dicter l’avenir. C’est un périlleux et inflexible affrontement direct qui se dresse en perspective :

  • Critiques de la gouvernance et de la gestion du conflit avec AFC/M23, Alias Joseph Kabila va appuyer publiquement ses critiques à Tshisekedi en insistant sur le fait qu’il a contribué à la résurgence du M23, à la faillite du pays et d’avoir amorcé l'implosion du pays. Ça fait vraiment mouche !
  • Volonté de se positionner comme acteur central, il semble chercher à se positionner comme une figure incontournable dans la résolution de la crise politico-sécuritaire. D’où ses larges consultations dès son retour sur le territoire congolais. Politiquement, financièrement et intellectuellement, il semble être bien à la hauteur de ses ambitions ;
  • Défis et provocations, certains analystes interprètent ses actions et déclarations comme un défi, une provocation, voire une vengeance, notamment à la suite de la levée de son immunité parlementaire et aux enquêtes visant son entourage. L’animal blessé est le plus dangereux !
  • Appel au "vrai dialogue" et à la "réconciliation", malgré la réquisition de la peine de mort contre lui par contumace, alias Kabila a appelé à un "vrai dialogue" inclusif avec toutes les composantes politiques ; il rejette ainsi les accusations de complot portées contre lui et se sent bien écouté...

En effet, alias Joseph Kabila conteste la légitimité et/ou la capacité de Tshisekedi à diriger le Copngo. Désormais convaincu qu’il est le seul à pouvoir lui barrer la route vers un glissement anticonstitutionnel, il cherche alors à reprendre une influence politique majeure, voire à préparer un retour au premier plan en vue d’un affrontement sans concession. Il en a l’air convaincu et résolu. Dans le contexte actuel d’une opposition politique, que Tshisekedi lui-même qualifie avec sarcasme et vive arrogance d’amorphe, celui qui a été aux commandes du Congo pendant plus de dix-huit ans s’apparente, en effet, à l’oiseau rare le plus à même de réserver, à l’apprenti dictateur, une réplique à la hauteur des enjeux. L’ancien chef d’Etat semble disposer des atouts idoines.

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Chaque conclave est une mise en garde. Chaque déplacement, un danger qui hante ! © Lwakale Mubengay BAFWA

Quelles perspectives sur l'évolution de la situation en RDC ?

 L'émergence de « Sauvons la RDC ! » et le retour d’alias Joseph Kabila sur la scène politique à travers cette nouvelle structure, aux aspirations faîtières très affirmées, pourraient avoir plusieurs implications sur l'évolution de la situation politique dans le pays :

  1. Restructuration de l'opposition :
    • Le mouvement vise à mobiliser, rassembler, unifier et structurer une frange importante de l'opposition autour de l'ancien chef d’Etat pour doter, enfin, la Résistance congolaise d’une plateforme à même de mieux coordonner ses actions pour peser efficacement dans les débats ;
    • Faire émerger un nouveau pôle de contestation suffisamment étoffé pour espérer réorienter les débats en cours, faire respecter les échéances constitutionnelles et mener la vie dure à un régime au crépuscule de son règne...
  2. Tensions politiques accrues :
    • Le retour d’alias Joseph Kabila et le lancement de « Sauvons la RDC ! » ont été perçus par le gouvernement de Kinshasa comme une ambition de déstabilisation du régime. Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a par exemple estimé que le mouvement s'était auto-exclu du dialogue national en cours. Déclarations oiseuses, s’exclament les fondateurs de « Sauvons la RDC ! » ; car, ils se sont fixés, parmi leurs objectifs majeurs et prioritaires, celui justement de juguler un régime jugé dictatorial ;
    • Positions qui promettent d'accentuer la crise politique, notamment en cristallisant la polarisation des affrontements entre le pouvoir en place, d’une part et, d’autre part l'opposition, en particulier avec à sa tête un ancien chef d'État ouvertement résolu à en découdre…
  3. Positionnement face au dialogue national :
    • Le mouvement a exprimé des réserves, voire un refus, concernant la forme actuelle du dialogue national envisagé par le régime, exigeant des postulants, au préalable, des déclarations publiques de condamnation des agresseurs de la RDC. Cette position pourrait compliquer les initiatives de résolution de la crise par le dialogue. Mais, « Sauvons la RDC ! » a déjà laissé entendre qu’il n’escompte pas des cadeaux de la part d’un régime réputé pour sa propension à s’imposer et à n’imposer que son seul point de vue… Selon ses initiateurs la naissance de « Sauvons la RDC ! » se justifie par son ambition de réintroduire le dialogue démocratique dans le pays.
  4. Influence régionale :
    • La tenue du conclave au Kenya et le soutien implicite ou explicite de certains acteurs régionaux au mouvement « Sauvons la RDC ! » pourrait exacerber les tensions diplomatiques entre la RDC et ses voisins, notamment le Kenya, déjà pointé du doigt par Kinshasa pour son rôle perçu dans la crise sécuritaire. La marginalisation régionale de Kinshasa risque donc de s’accentuer sous cette élan…
  5. Facteur AFC/M23 :
  • Il existe une convergence majeure d’intérêts entre alias Joseph Kabila et l’AFC/M23 ; dont les dirigeants sont des condamnés, à l’instar de l’ancien chef d’Etat, à des peines judiciaires maximales. Logiquement, tous ne jurent plus que par la chute du régime de Kinshasa. La tenue du conclave au Kenya, les apports matériels d’alias Kabila ainsi que le soutien implicite ou explicite de certains acteurs régionaux au mouvement, procurant des avantages considérables à « Sauvons la RDC ! », indiquent forcément l’imminence de l’épilogue des acrobaties du régime.
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Le Congo ne se gouverne pas seulement à Kinshasa. Il se joue dans les marges ! © Lwakale Mubengay BAFWA

En somme, l'affrontement en perspective semble se dérouler sur plusieurs fronts : politique (coalitions, discours), judiciaire (poursuites contre l'entourage de Kabila et lui-même), diplomatique (carnet d’adresses d’alias Kabila) et potentiellement sécuritaire (renforcement politique de l’AFC/M23 ou l’apport militaire de celle-ci à « Sauvons la RDC ! ». In fine, c’est « Sauvons la RDC ! » qui tire meilleur parti de cette évolution de la situation. A moins de trouver de nouveaux alliés dans la région ou ailleurs, l’équation s’avère de plus en plus ardue à résoudre pour Kinshasa dans l’emballement final en vue.

Le message d’alias Joseph Kabila semble limpide : « Je suis encore là, je consulte, je rassemble, j’évalue et je lance… » Il ne cherche donc pas à convaincre ; il préfère inquiéter et il y parvient avec brio. Son prochain coup est déjà lancé. Car, le Congo ne se gouverne plus seulement à Kinshasa ; son avenir se joue dans les marges, dans les silences, dans les ombres. Et dans ce jeu, ce n’est pas le plus bruyant qui gagne. C’est celui qui a déjà vu le prochain coup. Avec la sortie de « Sauvons la RDC ! », alias Kabila a déjà pris quelques longueurs d’avance, à confirmer bientôt. Tshilombo devra choisir : réprimer ou dialoguer. Mais l’histoire est formelle : refuser le dialogue, c’est précipiter sa chute. Et Nairobi, une fois encore, pourrait bien être le début de la fin.

Eclairage,
Chronique de Lwakale Mubengay Bafwa

  « Nairobi n’est pas un lieu. C’est un signal ! »

  « Quand les ombres bougent, le pouvoir tremble ! »

  « Le silence de Kabila est plus bruyant que les discours du régime ! »

  « Chaque conclave est une mise en garde. Chaque déplacement, une réponse ! »

  « Le Congo ne se gouverne pas seulement à Kinshasa. Il se joue dans les marges ! »

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