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Visée de démantèlement par l’Accord en perspective à Washington, exclue des négociations préalables en vue de cet accord et actuellement en quasi stand-by sur le plan de la progression militaire sur le terrain, la coalition politico-militaire entre l'Alliance Fleuve Congo (AFC) et le Mouvement du 23 mars (M23), AFC/M23 sous le leadership de Corneille Nangaa, est momentanément en position délicate qui soulève de nombreuses interrogations. Notamment, elle se trouve ardûment confrontée à des choix stratégiques majeurs qui détermineront sa survie dans un proche avenir.
En effet, bien qu’étroitement soutenue par Hyppolite Kanambe, alias Joseph Kabila, l’ex-chef d’Etat qui a régné sans partage près de deux décennies sur le Congo, par le Rwanda et son brillant stratège Paul Kagamé ainsi qu’un peu plus discrètement par l’Ouganda dont le double jeu semble échapper à Kinshasa, l’AFC/M23 aurait-elle commis une grosse erreur stratégique en stoppant brutalement sa progression militaire sur le terrain lorsqu’elle avait le vent en poupe avec la conquête facile et rapide de Goma et de Bukavu ? Ou, le fait de se coller à la procédure tout en restant en marge des négociations directes de Washington est une subtilité lui laissant plus d’ouvertures d’action ; notamment de poursuivre des hostilités militaires sur le terrain sans prendre en considération les injonctions de Washington ? Mais alors, pourquoi ne pas maintenir la pression sur Kinshasa en poursuivant des conquêtes territoriales ; qui lui ont attiré de massives adhésions politiques ? Et, surtout, quelle suite face à cet Accord de Washington en perspective, tant que l’AFC/M23 occupe de larges et, probablement les plus riches, portions du territoire congolais ?
Entre stratégie militaire et diplomatie internationale
Acteur controversé dans le paysage politique et militaire de la République Démocratique du Congo (RDC), l’AFC/M23 se trouve à un tournant décisif de son existence ; car, l’Accord en perspective à Washington visant à instaurer une certaine stabilité régionale, l’a explicitement prise pour cible en l’excluant des négociations exploratoires. Sous la pression de Kinshasa, cet accord entend non seulement pacifier les relations avec la capitale voisine du Rwanda, mais aussi privilégier certains acteurs au détriment de groupes perçus comme des perturbateurs. Pour Kinshasa, l'AFC/M23 est à considérer comme responsable de nombreuses exactions dans l’Est du Congo. Son exclusion des pourparlers est un préalable qu’elle entend maintenir tant qu’elle peut profiter d’une moindre écoute conséquente et terrasser autant que faire se peut l’ennemi juré ; cependant, une marginalisation complète de l'AFC/M23 dans des tractations où son parrain, le Rwanda, est loin d’être un simple figurant semble chimérique et comporte des risques imprévisibles.
Le poids du soutien régional : Rwanda et Ouganda
L’AFC/M23 bénéficie d’un soutien politique et stratégique étroit de figures influentes telles que Joseph Kabila, le Rwanda, et le président rwandais Paul Kagamé, reconnu pour ses talents de stratège. Ces alliances lui ont permis de s’imposer comme un acteur majeur dans la région ; mais elles n’ont pas suffi à empêcher son exclusion des discussions préalables à l’Accord de Washington. Une question clé demeure : cette exclusion est-elle un revers stratégique ou, au contraire, une opportunité pour l’AFC/M23 de redéfinir différemment ses stratégies ? D’abord une évidence s’impose : le rôle du Rwanda et de son président, Paul Kagamé, reste central dans la stratégie de l’AFC/M23. Doté d’une vision stratégique reconnue sur le plan régional et international, Kagamé a su utiliser son influence pour soutenir indirectement ou directement des factions comme l’AFC/M23, dans le but de déstabiliser la région à son profit et, plus particulièrement, de maintenir de vives pressions géopolitiques sur Kinshasa. Son alliance avec Kigali offre donc à l’AFC/M23 une assise militaire et logistique solide dans toutes les éventualités imprévisibles et allège aussi bien le processus que ses dispositions à la prise d’importantes décisions stratégiques.
L’Ouganda, quant à lui, joue un rôle plus subtil, mais tout aussi déterminant. Le soutien discret apporté par Kampala et illisible au Congo, malgré les déclarations intempestives du général Muhoozi Kainerugaba, fils du président Yoweri Museveni et Chef des Forces de Défense du Peuple Ougandais (UPDF) depuis le 22 mars 2024, témoigne de l’ambiguïté géopolitique dans laquelle se trouve Kinshasa. Le double jeu mené par l’Ouganda, oscillant entre soutien tacite à l’AFC/M23 et coopération officielle avec Kinshasa, offre à la coalition politico-militaire de Nangaa et de Kanambe une marge de manœuvre supplémentaire. Ainsi, même marginalisé des négociations de Washington, cette coalition garde paradoxalement une marge de manigance sur la situation et une plus grande capacité d’action. Sa marginalisation des conciliabules de Washington lui en évite même d’être contrainte par d’éventuels accords défavorables.
Arrêt de la progression militaire, une erreur stratégique ou une subtilité tactique ?
L’une des décisions les plus discutées de l’AFC/M23 a été de ralentir et finalement d’arrêter brutalement sa progression militaire, notamment lorsqu’elle semblait en pleine ascension. Cette stratégie a surpris de nombreux observateurs ; car, elle est intervenue à un moment crucial, après la conquête éclair de Goma et de Bukavu et la coalition politico-militaire consolidait alors son contrôle sur des territoires stratégiques, notamment les portions probablement les plus riches du Congo. L’alliance avait ainsi le vent en poupe, bénéficiant d’une dynamique favorable tant au niveau militaire qu’au niveau politique. Ces avancées rapides lui avaient permis de rallier des adhésions politiques massives, consolidant ainsi son influence dans diverses strates et nombreuses régions du Congo.
Pourquoi cet arrêt soudain en pleine ascension ? Était-ce une erreur stratégique, privant l’AFC/M23 d’amplifier sa pression sur Kinshasa et au détriment du renforcement de ses gains territoriaux ? Ou était-ce une stratégie réfléchie, offrant à l’organisation une opportunité de se repositionner tactiquement et politiquement dans le cadre des négociations internationales ? Si l’on considère les implications de l’Accord de Washington en perspective, donner une image négative aux médiateurs en les ignorant ne s’apparentait pas à la bonne manière d’influer sur leurs attitudes et leurs éventuelles décisions pouvant profiter politiquement et diplomatiquement à l’AFC/M23.
Par ailleurs, cette décision pourrait être interprétée comme un calcul tactique visant à éviter un épuisement prématuré des ressources militaires et humaines. Avait-elle assez de moyens pour assurer une administration efficace de vastes zones si rapidement conquises ? Assurer ses arrières, afin de ne pas être pris au dépourvu est une assurance stratégique ! Par ailleurs, en restant en marge des négociations de Washington, l’AFC/M23 s’est aménagé une grande flexibilité stratégique pour réagir sans pression à l’évolution de la procédure jusqu’à l’Accord final de Washington, ou même pour réaffirmer son influence après la signature de l’accord. Néanmoins, cet arrêt à contre-courant de la logique conjoncturelle sur le terrain, pourrait être qualifié d’erreur stratégique ; parce qu’il a réduit considérablement la pression montante exercée sur Kinshasa et, inévitablement, offert un répit à la cleptocratie de Tshilombo pour restructurer ses forces et mobiliser des soutiens à l’international. En stoppant son avancée, l’AFC/M23 pourrait avoir perdu une précieuse occasion d’apporter un coup fatal au régime et, tout au moins, une opportunité de négocier à partir d’une position de force dans le cadre des pourparlers internationaux. Il suffit de la rêver à Kisangani ou au Katanga en ce moment, rien ne serait pareil !
Les implications de l’Accord en perspective à Washington
Prévue dans une échéance imminente, la signature de l’Accord en perspective à Washington, bien qu’étape cruciale pour retour à la paix au Congo et la stabilisation de la région, soulève des questions majeures quant à son impact sur l’AFC/M23. En effet, l’exclusion de l’AFC/M23 des négociations préalables à l’Accord semble répondre aux exigences de Kinshasa de marginaliser politiquement le plus coriace de ses adversaires ; visant ainsi à réduire son influence sur le plan national et international. Cependant, cette marginalisation soulève des interrogations sur la fiabilité, la viabilité et la durabilité de cet accord. Comment un traité peut-il garantir la paix au Congo ; lorsqu’il néglige un acteur majeur, qui contrôle de vastes portions significatives et stratégiques du territoire congolais ?
En fait, cette exclusion est d’autant inopportune qu’elle permet également à l’AFC/M23 de conserver une certaine indépendance stratégique et d’agir de manière unilatérale sur le terrain :
- une pression diplomatique réduite
En effet, en restant à l’écart des négociations en vue de l’Accord final de Washington, l’AFC/M23 pourrait endosser un rôle opportun d’opposition qui lui permettrait de critiquer l’accord et d’exploiter ses failles potentielles sur le terrain politique et militaire. Toutefois, cette stratégie opportuniste comporte des risques ; notamment celui de se voir marginalisée par les puissances internationales et régionales qui pourraient privilégier une approche unifiée.
- le dilemme territorial
L’AFC/M23 contrôle des régions riches en ressources naturelles, un atout majeur dans les négociations. Pourtant, en ne poursuivant pas ses conquêtes territoriales, elle pourrait perdre l’élan politique qui lui avait permis de renforcer ses alliances internes et externes. La pression sur Kinshasa, bien que momentanément réduite, reste une carte essentielle que l’alliance pourrait choisir de jouer à nouveau.
Des perspectives géopolitiques volatiles et un avenir incertain
La survie et avenir de l’AFC/M23 dépendra de sa capacité à équilibrer ses ambitions territoriales avec la réalité des négociations internationales. Si elle parvient à s’insérer dans le processus autour de l’Accord en perspective à Washington, elle peut transformer son marginalisation initiale en un avantage stratégique déterminant. Face aux nombreuses éventualités conjoncturelles ci-dessus la survie et l’avenir prévisibles de l’AFC/M23 semblent dépendre de plusieurs facteurs clés, dont les plus saillants sont :
- sa capacité à maintenir ses alliances avec de puissants acteurs régionaux déjà son escarcelle comme le Rwanda et l’Ouganda ;
- sa stratégie militaire, s’agissant de poursuivre des conquêtes territoriales ou de se repositionner en vue de négociations ;
- son aptitude à naviguer dans les dynamiques politiques et géopolitiques complexes liées à l’Accord de Washington…
Au vu de la complexité et de la volatilité des dynamiques régionales et des négociations en cours, au moins deux tendances se dessinent :
une réorientation nécessaire
Pour rester dans la course vers le renversement de l’ethnocratie de l’hédoniste Tshilombo et acteur pertinent dans le processus de stabilisation de la région, l’AFC/M23 devra réévaluer ses stratégies militaires et diplomatiques. Elle pourrait notamment opter pour une stratégie de pression continue sur Kinshasa, couplée à des initiatives diplomatiques visant à intégrer les négociations internationales là où c’est nécessaire. Cette combinaison lui permettrait de renforcer sa position tout en évitant l’isolement ;
une influence durable ?
Malgré l’âpreté des défis, l’AFC/M23 conserve une envergure et une attraction régionales significatives grâce à ses alliés, à ses gains territoriaux et à ses ressources naturelles en abondance. La clé de son succès résidera dans sa capacité à convertir judicieusement les défis auxquels elle sera confrontée en opportunités stratégiques, tout en adaptant ses tactiques aux évolutions géopolitiques…
En somme, l’AFC/M23 est à un tournant crucial de son histoire. Qu’elle choisisse de maintenir une pression militaire, de privilégier une approche diplomatique ou de combiner les deux, son avenir dépendra de sa capacité à naviguer dans un environnement complexe et en constante mutation. Surtout face à la dynamique de l’Accord en perspective à Washington, elle devra faire preuve de flexibilité et de pragmatisme pour trouver sa place et se garantir un avenir. Par exemple, rester en marge des négociations pourrait sembler désavantageux, cela pourrait également offrir une liberté d’action stratégique non négligeable. Cependant, le maintien des pressions vives sur Kinshasa par des conquêtes territoriales est la recette idéale pour renforcer sa position négociatrice, tout en attirant davantage d’adhésions politiques. Mbisi e kendaka epayi mayi e kotiola ; mwasi a landaka nse ndako y mosolo ; Congolais a lukaka lifo ya biléi na bokonzi...
Eclairage,
Chronique de Lwakale Mubengay Bafwa