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Lwakale Mubengay BAFWA

Historien et politologue, patriote progressiste et mondialiste originaire du Congo-Kinshasa ; Agrégé de l'enseignement secondaire supérieur, vit à Genève (Suisse)

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Billet de blog 25 octobre 2025

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Bras de fer fatal : entre Tshisekedi et Kabila, la guerre à l'Est sera l'arbitre !

Légitimité de Tshilombo mise à mal par Kabila, qui exhorte à son dégagisme via son nouveau levier : Sauvons la RDC. Tandis que Tshisekedi rejette le dialogue inclusif, il négocie avec le M23, qu'il dit manipuler par le Rwanda. Nourri par la faillite populaire du régime, 3% contre 53% des sondés, le suprême duel tourne déjà au profit de Sauvons la RDC avant même l'emballement frontal en perspective

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ACTU EXPLIQUÉE 21.10 - PRÉSIDENCE ASSEMBLÉE NATIONALE : TSHILOMBO OPTE POUR LE BEAU-FRÈRE DE KAMERHE © Télé Tshangu

La République Démocratique du Congo (RDC) s'enfonce dans une crise politique profonde, polarisée par l'opposition frontale entre Félix Tshisekedi et son prédécesseur, alias Joseph Kabila. L'ex-chef d’Etat lance l'offensive du « dégagisme » sur fond du chaos sécuritaire de l’échec multidimensionnel de la gouvernance de son successeur, de l’effondrement général des conditions de vie au Congo, le coût économique de la crise finit de creuser le fossé entre légalité et légitimité. « Le roi est désormais bien nu ! » Dorénavant, son pouvoir est totalement éventé. Face au salutaire et incontournable dialogue inclusif, les fanfaronnades ostentatoires du régime prennent des allures du bluff. Face à un régime si nettement délégitimé par sa mégestion, son antécesseur, avec ses atouts réunis pendant près de deux décennies de règne, a de quoi exploiter et surfer sur le mécontentement populaire et les échecs diplomatiques pour pimenter l’affrontement et l’élever au niveau d’un duel inéluctablement fatal. A qui l’ultime victoire ? Gare à celui qui gaspillera trop tôt ses armes létales ! L’annonce d’un éventuel retour de Kabila à Kinshasa complexifie l’équation, libère autant d’audace qu’elle sème la panique. Qui, in fine, a peur de qui ?

💢 Un évocateur : confiance et audace de Seth Kikuni et leurs perspectives

L'attitude de Seth Kikuni suite à sa participation à la réunion de lancement de la plateforme d'opposition « Sauvons la RDC » initiée par l'ancien chef d’Etat Joseph Kabila, tout récemment condamné à mort en RDC, et ses virulents griefs publics à l’encontre du régime de Kinshasa, notamment sa dénonciation sa guérilla contre l'opposition et la société civile, ont diverses interprétations :

Exégèse de l'attitude de la confiance, du courage et de l'audace

  • Affichage de l'unité et du défi de l'opposition : en rendant public le compte rendu de la réunion et en critiquant ouvertement le régime, tout en annonçant les activités de son nouveau mouvement sur le terrain, Seth Kikuni semble vouloir démontrer la solidité de la nouvelle plateforme « Sauvons la RDC » et son intention de s'opposer frontalement au régime ;
  • Volonté de mobilisation et de transparence : le fait de partager publiquement les résolutions et d'annoncer crânement, voire fièrement son propre retour à Kinshasa se perçoit comme une volonté de mobiliser l'opinion publique congolaise et la communauté internationale, en jouant la carte de la transparence face aux actions de l'opposition ;
  • Stratégie de l'affrontement : l'annonce solennelle de son retour à Kinshasa pour appliquer les résolutions malgré le contexte de harcèlement laisse apparaître des desseins délibérément d’affront ou d’hostilité ouverte visant à braver ce qu'il dénonce comme état de terreur et justice de répression visant à faire taire les voix discordantes…

Perspectives d’affront présagés

Cette attitude de défiance, de courage et d’aplomb envisagée peut présager divers scenarii et plusieurs perspectives sur la scène politique congolaise :

  • Fin de léthargie et, corrélativement, durcissement de l'opposition : l'initiative, portée par un acteur résolu se positionnant ouvertement contre la répression, donne un signal fort de durcissement de la posture de l'opposition. Kikuni affiche sa volonté à incarner une résistance intrépide face aux risques d'arrestation ou de condamnation, comme celle qu'il a déjà subite, l’année passée, d'un an de prison pour « incitation à la désobéissance civile et propagation de faux bruit » ;
  • Risque accru de répression : cependant, cet aplomb a des conséquences directes. Les faits montrent que Seth Kikuni a été interpellé à son retour à l'aéroport de N'Djili suite à sa participation à la réunion (même s'il a été libéré après audition). C’est certainement en cela que réside l’enjeu : cette résolution d’affronter publiquement le régime tortionnaire le risque élevé d’arrestation et l'absence d'immunité face à des services de sécurité furieux avec les opposants qui défient ouvertement le régime ;
  • Pression pour le dialogue : la plateforme « Sauvons la RDC ! » semble avoir trouvé un excellent créneau pour ratisser large la mobilisation populaire : appeler à un dialogue inclusif, que prônent déjà, entre autres les institutions religieuses (CENCO et ECC) largement majoritaires au Congo, va laisser peu de monde indifférent ; il escompte même faire des émules. L'audace de Seth Kikuni, forçant le régime à ouvrir l’espace du débat démocratique prend les allures d’un tactique largement payante…

💥 Un clivage fatal : dialogue rejeté, légitimité contestée

Inéluctablement, le Congo s'enfonce dans une crise politique profonde et dévastatrice, qui tend à polariser par l'opposition frontale entre l’usurpateur Tshilombo et son complice de prédécesseur, alias Joseph Kabila. Le refus de Tshisekedi à accéder aux demandes en faveur d'un "dialogue politique inclusif" réclamé par l'opposition et les confessions religieuses, couplé à la contestation persistante de sa légitimité, crée un terrain propice à l'escalade.

Dans ce contexte très tendu, l'ancien chef d'État, alias Joseph Kabila, lance la plateforme politique "Sauvons la RDC", dont l'objectif affiché est le "dégagisme" de son successeur. Un sondage communautaire, organisé par TELE TSHANGU, donne 53 % des voix des sondés à « Sauvons la RDC ! » comme voie royale pour sortir le Congo de la crise en cours. Cette enquête, témoigne de l’ampleur du mécontentement populaire et du défi majeur lancé au régime.

Car, logiquement, le soutien à Tshilombo qui, pourtant qualifie le M23 de "marionnette" du Rwanda et ne cache son mépris envers de discordantes voix internes, insiste sur la souveraineté et la dignité de la RDC tout en maintenant des canaux de négociation indirecte sur la crise de l'Est, ne recueille que trois affligeants pourcents (3%). Son double discours réconforte ainsi l'opposition, qui dénonce aussi sa stratégie incohérente face aux agressions extérieures.

⚔️ Terrains d'affrontement en perspective : justice, rue, et crise de l'Est

Les lignes de bataille en perspective se dessinent sur deux fronts principaux :

  • Le front judiciaire et politique (Kinshasa) : le pouvoir utilise l'appareil judiciaire pour fragiliser l’opposition, notamment son dangereux adversaire désormais déclaré, alias joseph Kabila. Les accusations de connexion avec le M23 et de trahison par liaisons téméraires avec des puissances  envahisseuses étrangères, particulièrement avec le Rwanda, l’ont exposé à des poursuites et laissent entendre l’exécution des peines prononcées. En parallèle, Tshisekedi tente de diviser l'opposition en tendant la main à certaines factions dites "républicaines" pour former un front uni contre la rébellion. Fort de ses réseaux de longue date au sein de l'appareil sécuritaire et administratif, alias Kabila tend à transformer le mécontentement populaire en une force de déstabilisation politique ;
  • Le front sécuritaire (Est de la RDC) : c'est le talon d'Achille du régime. La persistance du conflit, largement attribuée à la mauvaise gouvernance et à l'incapacité à mettre fin à la guerre, n’est pas le seul levier à la portée de l'opposition ; mais, particulièrement alias Kabila sait en user avec beaucoup de dextérité. Si la situation sécuritaire globale continue de se détériorer dans le pays, la pression dans l’Est du pays est une menace ouvertement existentielle pour un régime dont l’autorité territoriale se réduit comme la peau de chagrin. Corrélée à la précarité croissante dans le pays et aux cuisants échecs répétitifs au niveau diplomatique, l’assise sécuritaire rend la transition politique irréversible et imminente…

💸 Le coût économique : le carburant et catalyseur du dégagisme

L’autre danger majeur pour le régime de Tshilombo réside dans l'impact économique catastrophique de la crise à l'Est ; dans la mesure où celle-ci draine les ressources pour financer la guerre et aggrave la pauvreté :

L'effondrement local : les zones de conflit, notamment dans le Nord-Kivu, sont le théâtre d'une désintégration économique de grande ampleur et aux conséquences durables. En effet, paradoxalement et tragiquement, le régime a ordonné la fermeture des succursales bancaires, coupant l'accès des millions d’agents au système financier. La paralysie des chaînes d'approvisionnement et l'effondrement du commerce local hypothèquent le tout système économique national. Des millions de déplacés internes ont perdu leurs moyens de subsistance, alimentant en outre, une crise humanitaire massive.

La malédiction des minerais : des sites miniers, parmi les plus riches du pays, sont de plus en plus sous le contrôle des groupes armés, dont le M23, qui s'enrichissent aux dépens du régime, privant celui-ci de recettes fiscales et douanières substantielles. Le manque à gagner et les dépenses militaires, l'effort de guerre, détournent des fonds cruciaux ; le risque de faillite s’accroît ;

Le défi : l'échec à sécuriser le territoire et à contrôler les richesses minières conforte le discours de l'opposition sur l'incompétence du régime et renforce l'idée qu'un changement de pouvoir est la seule issue à la crise…

💡 A qui le dernier mot : la sécurité et l'adhésion populaire en juges de paix ?

Qui aura le dernier mot ? La réponse dépend de deux facteurs déterminants :

Camp ♦ Critères pour la victoire finale

♠ Félix Tshisekedi

Sa survie politique dépend de sa capacité à inverser la dynamique militaire dans l'Est (y compris la diplomatie régionale), à maintenir la cohésion de sa coalition de l'Union Sacrée avec l’appui des pressions judiciaires et économiques contre alias Joseph Kabila et à gagner la bataille de l’adhésion populaire ;

♥ alias Joseph Kabila/Opposition

Capitalisant sur la faillite sécuritaire du régime et l’effondrement économique, le succès du "dégagisme" repose sur sa capacité à fédérer largement l'opposition autour d'une plateforme crédible et à mobiliser la rue durablement pour exiger un dialogue ou une transition.

En l'absence d'une amélioration rapide et tangible de la situation sécuritaire et humanitaire, le vent du mécontentement populaire, canalisé par l'ancienne garde, pourrait bien forcer la main de Tshilombo, malgré son discours teinté de patriotisme par ses pathétiques hypocrites appels à la souveraineté. Des détournements rocambolesques des deniers publics, la prévarication et le clientélisme ont trop érodé sa crédibilité. La RDC est à la croisée des chemins, où la légalité des institutions se heurte de plein fouet à la légitimité populaire.

Eclairage,
Chronique de Lwakale Mubengay Bafwa

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