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Lwakale Mubengay BAFWA

Historien et politologue, patriote progressiste et mondialiste originaire du Congo-Kinshasa ; Agrégé de l'enseignement secondaire supérieur, vit à Genève (Suisse)

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Billet de blog 31 décembre 2018

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Faux, pseudo ou vrai intellectuel, où te situes-tu réellement ?

Le Congolais a tendance à s'affubler intellectuel soit pour prendre de la hauteur par rapport à ses compatriotes, soit pour satisfaire son ego. Le vocable „intellectuel“ est, en effet, ambigu dans son acception congolaise. Mais, débouchant ou pas sur une autorité scientifique reconnue, être intellectuel c’est d’abord vouloir assumer un rôle socio-politique par la force de sa pensée !

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Faux, pseudo ou vrai intellectuel, où te situes-tu ?

Débouchant ou pas sur une autorité scientifique reconnue, être intellectuel c’est d’abord vouloir assumer un rôle socio-politique par la force de sa pensée !

Chères TOUTES,

Chers TOUS,

Que l'on me permette de ne pas faire l'économie d'une mise au point quant à l'emploi du terme „intellectuel“ d'autant plus que le Congolais a tendance à s'affubler ce qualificatif – soit pour prendre de la hauteur par rapport à ses compatriotes, soit pour satisfaire son ego. Une façon de dire que le vocable „intellectuel“ est, en effet, ambigu dans son acception congolaise. N'observe-t-on pas dans notre pays que toute personne sachant lire et écrire ou maîtrisant la langue française est tout de suite présentée ou, qui plus est, se présente comme un „intellectuel“. Un compatriote que je cite de mémoire ne dit pas autre chose lorsqu'il qualifie ce genre de personne d'“intellectuel de papier“, c'est-à-dire celui qui se contente d'afficher partout et devant tout le monde la qualité et la grandeur de ses diplômes, cause ou dit n'importe quoi, mais n'agit pas.

Le substantif „intellectuel“ est utilisé, ici, dans son sens spécifique lié à l'engagement: Voltaire (affaire Callas, 1762, "Traité sur la tolérance“, 1763) et Zola (affaire Dreyfus, „J'accuse“, 13 janvier 1898, journal l'Aurore). Point ne m'est besoin d'ajouter que „le substantif intellectuel serait historiquement redevable à ces deux affaires“, pour paraphraser ici Eddie Tambwe Kitenge bin Kitoko. Pour Jean-Paul Sartre ((In Plaidoyer pour les intellectuels, In Siuations VIII, Paris: Galimard, 1972, p. 377): „Un écrivain, un savant, un professeur d'université ne deviennent intellectuels que dès lors qu'ils s'engagent, dès lors qu'ils sortent de leur tour d'ivoire pour se mêler de ce qui ne le regarde pas“. En d'autres termes, ce qui compte dans cet ordre des choses, c'est „le projet d'influencer la société, la volonté de s'engager dans le débat public“. Et le même auteur d'ajouter: „le savant qui travaille à la mise au point d'une bombe atomique n'est pas un intellectuel, il est un scientifique. Mais, dès lors que, conscient du danger qu'il fait courir à l'humanité, il engage ses confrères à signer avec lui un manifeste contre l'emploi de cette bombe, il devient un intellectuel, car il s'engage“.

Et Régie Debray ne dit pas autre chose lorsqu'il écrit à propos de la „haute intelligentzia“- substantif qu'il préfère à celui d'“intellectuel“ -, je cite: „un savant ou un professeur d'université ne peut pas“ faire partie de la „grande intelligentzia, s'il demeure à l'intérieur de son horizon professionnel, alors qu'un avocat, un médecin, un artiste ou un explorateur en seront pour autant qu'ils ont acquis en dehors mais à cause de leur activité professionnelle, une individualité publique susceptible de faire autorité“.

Un "intellectuel" apporte, via son esprit alerte et visionnaire, les pistes qui, aujourd'hui, profilent le lendemain de la chose publique.

Et pour terminer, je fais mienne, au risque de me répéter, „cette histoire d'un réfugié chinois qui rencontre un journaliste occidental en pleine période de répression maoïste (Henri Leuwen", In Le Monde du 26-27 février 1978):

Le réfugié chinois au journaliste:

  • "Mon éducation s'est arrêtée à la fin des études secondaires..."!

Le journaliste occidental:

  • Vous ne vous considérez donc pas comme un intellectuel..." ?
  • Si, rétorque le Chinois, je me considère comme un intellectuel parce que je tente, par ce que j'écris, d'influencer les gens“. 

Et Eddie Tambwe Kitenge bin Kitoko, de qui je tire cet échange, d'ajouter: „Le projet des intellectuels est d'essence morale, par conséquent politique; il vise, en définitive, à la direction des autres. Il vise à corriger des directions déjà prises par ailleurs. C'est pourquoi l'intellectuel, pour apolitique qu'il se voudrait, se trouve projeté dans le champ public, dans le champ politique au sens aristotélicien de l'organisation de la société“.

Pour Robin Massangana Diamaka, la „tâche“ de l'intellectuel „s'avère ardue, car il est l'interprète; il comprend les faits de société et par sa démarche - tantôt inductive, tantôt déductive -, il s'érige fatalement en pilier incontournable dont la voix s'élevant éclate les 'non-dits', les 'non-vus', les 'non-pensés'. Ces 'non' qui pèsent sur la société: que dire, que faire, comment le faire? Sa révolte est claire face à l'inefficacité, au manque d'efficience, à l'inaction“.

Bonne Année à TOUTES et à TOUS !

Iseewanga Indongo-Imbanda

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