“On se sert des réseaux sociaux en sachant qu’ils se servent de nous.
Être prudent dans l’usage, c’est être sage dans les conséquences”
Daniel Confland
Dès 2020, Emmanuel Macron avait déjà compris comment atteindre un public plus jeune en publiant de nombreuses vidéos sur TikTok pour répondre à des commentaires ou pour s’adresser directement aux internautes. Ainsi, le 7 juillet 2020, il s'est adressé aux bacheliers pour les féliciter et les encourager pour la suite de leur parcours.
Grâce à cela, il cumule aujourd’hui près de 4,5 M d’abonné·es sur Tik Tok. Il n’a pas non plus hésité à s'afficher aux côtés des vidéastes McFly et Carlito dans une vidéo Youtube parue en mai 2023, à moins d’un an de la présidentielle, qui cumule aujourd’hui 19M de vues intitulée “Concours d’anecdotes vs. le président de la république”.
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Cette vidéo a suscité de nombreuses réactions, plutôt critiques, qui ont dénoncées un indigne coup marketing de la part de Macron. Pour l’essayiste Mathieu Slama dans un article publié dans Le Figaro, cette vidéo est “sans précédent dans l'histoire de la communication politique [...] et dit quelque chose de grave sur la manière dont le pouvoir envisage désormais la communication et la fonction politique aujourd'hui.” Selon lui, “un cap a été franchi dans la dépolitisation de la parole politique.”
Encore aujourd’hui, Renaissance continue sa démarche à travers Gabriel Attal qui utilise l’application Bereal - réseau social sur lequel on doit partager une fois par jour un moment en photo avec ses ami·es - et pose souvent aux côtés souvent d’étudiant·es lorsqu’il est en voyage, ou campagne.
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En publiant des clichés plus spontanés, souvent en déplacement entouré de plusieurs personnes, le Premier ministre apparaît comme étant plus sympathique, plus “naturel”. Ainsi une sorte de proximité s’installe entre lui et les utilisateurs car il paraît plus sans filtres et plus “réel”. À la manière de Macron, il publie aussi de nombreuses vidéos sur Tiktok pour répondre à la jeunesse ou faire des annonces ou des explications.
Il a de plus été grandement vu sur cette application grâce aux édits – vidéos courtes, avec un son et des transitions, parfois des montages – qui gagnent de plus en plus en popularité et ont participé à sa notoriété sur les plateformes. Ces édits peuvent être parfois positifs lorsqu’ils mettent en valeur le Premier ministre, mais parfois aussi le tourner en dérision lorsque ces vidéos mettent en scène des relations Attal x Macron ou encore Attal x Bardella. Cela néanmoins a grandement participé à la popularité de Gabriel Attal qui est donc très apprécié sur Tiktok.
Le Rassemblement National a également énormément inclus les réseaux sociaux dans sa stratégie de propagande pour les élections européennes. Il a présenté Jordan Bardella, un candidat jeune et plutôt éloquent et ils ont eux aussi multiplié les extraits d’interview ou de reportage les mettant en valeur sur Tiktok. Jordan Bardella compte a présent 1,7 million d'abonné·es sur son compte. La politique de dédiabolisation de l'extrême droite a donc très bien fonctionné pour leur campagne grâce aux edits. Ces petits clips qui ont été créés par de nombreux “comptes fan” l’ont facilement rendu sympathique, voire attachant auprès des plus jeunes qui ne connaissaient pas forcément son programme.
Un “hymne” à la gloire de Bardella a même été créé et à été repartagé de nombreuses fois -2600 sur Tiktok
Néanmoins le Rassemblement National n’a pas attendu l’essor des réseaux sociaux pour s’afficher sur Internet. Dès 1996, le Front national crée son premier site web. Le parti y a vu l’opportunité de toucher un nouveau public, qui ne lisait ou ne regardait pas forcément les médias traditionnels. Effectivement, dans le passé les chaînes de télévision et de radio étaient davantage hostiles au fait d’inviter l'extrême droite sur leurs plateaux. Cela est malheureusement différent à présent. En effet,entre le 11 et le 19 juin 2024, selon l’ARCOM, le temps de parole du Rassemblement National sur BFMTV est de 11h22 , celui de Renaissance est lui de 10h45 contre seulement 8h57 pour LFI.
Ainsi, cela fait plus de 25 ans que le Rassemblement National propage ses idées sur différents médias alternatifs. Il a réussi à peu à peu mettre sur le devant de la scène médiatique des sujets clivants, en particulier l’immigration, obsession de l’extrême droite.
Le parti avait hélas compris depuis longtemps l’importance de l’enjeu qu’est Internet pour leur influence. En général à présent, la majorité des candidats s’expriment directement sur les RS pour prendre la parole plus librement, en passant par de simples tweets ou dans des émissions sur Twitch.
C’est là tout le problème, car le public est plutôt jeune sur les réseaux sociaux, et donc influençable. De plus, il existe un phénomène appelé “bulles de filtre”. Selon l’écrivain et journaliste Eli Pariser, les bulles de filtres sont des « univers uniques d’informations », qui sont “conçus par les algorithmes et les recommandeurs d’Internet pour créer un monde spécifiquement adapté aux goûts et aux dégoûts, aux préférences de chaque individu sur la base de ses comportements antérieurs.” (source d’un extrait de l’essai rédigé par Giovanna Hajdu Hungria da Custódia, étudiante en deuxième année à Sciences Po)
En clair, il suffit qu’un internaute sur les réseaux sociaux like ou commente quelques vidéos autour d’un même sujet ou parti politique, et il sera peu à peu “enfermé” et ne visionnera que du contenu similaire proposé par la plateforme. Ainsi, fort de sa présence active sur les réseaux sociaux, le RN – et plus généralement l’extrême droite – bénéficie beaucoup des plateformes pour influencer l’opinion publique. Cela pose problème car il se confortera dans ses idées et aura tendance à ne pas avoir à se confronter face aux idées des autres partis. C’est ainsi que la montée des extrêmes parmi les jeunes s’est peu à peu développée. Pariser affirme que « le problème politique le plus grave posé par les bulles de filtres est qu’elles rendent de plus en plus difficile l’expression d’un argument public ». En effet cela tombe sous le sens : si une personne d'extrême droite , pour le RN, par exemple sur X -anciennement Twitter- exprime son opinion, “risque” de se voir affiché dans le feed de personnes votant RN également et non pas de personnes votant NFP.
Ceci est d'autant plus problématique dans la mesure où le RN multiplie les fakes news. Il a été prouvé plusieurs fois que le RN divulguer des fake news: énonciations de faits inexacts comme ce fut le cas en juin 2024, la candidate Elsa Lafaye a d’ailleurs répondu après de fausses affirmations sur le Nouveau Front Populaire, l’utilisation de faux chiffres comme ce fut le cas en juin 2021 lors des départementales, La Ligue des droits de l’Homme a repris ces chiffres et les ont présentés comme faux.
De son côté, le parti politique LFI, nouvellement rattaché au NFP(nouveau front populaire) s'organise lui aussi sur les réseaux sociaux.
Jean-Luc Mélenchon a utilisé énormément cet outil de communication lors de la campagne présidentielle de 2022 tout comme son adversaire Emmanuel Macron. En 2022, à Nantes, il fait preuve de créativité en faisant un meeting immersif afin de toucher un maximum de monde par les réseaux sociaux, rassemblant près de 3 000 personnes en présentiel, le meeting est diffusé en direct sur X, Facebook, Youtube et Twitch.
Cette innovation est payante car malgré sa défaite, il obtient 21,95% ce qui correspond au meilleur score pour un candidat arrivé 3eme sous la Ve République.
Il se place devant le président du parti du RN Jordan Bardella sur différents RS avec 1,06 million d’abonnés sur Youtube 2,7 millions d'abonnés sur X et 2,4 millions d’abonnés sur Tik Tok.
Pourtant, Jean-Luc Mélenchon ne récolte pas autant d’admiration chez les jeunes que ses adversaires politiques.
Si ce n’est pas le chef du parti LFI qui suscite le plus de sympathie sur les RS ce sont les autres candidats de gauche qui eux trouvent une certaine notoriété grâce aux comptes fans et aux édits.
Sébastien Delogu après avoir brandi le drapeau palestienien dans l'Assemblée a eu une meilleure visibilité notamment sur les RS. Il fait partie des tendances sur TIKTOK et sur X, on le voit avec des édits de lui et des chatons, il est même affiché sur le Time Square à New York, il fait concurrence à ceux créés au profit de Bardella.
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“ Vous préférez manger des pépitos que de voter la loi des finances.
Pour être sérieux, il ne suffit pas d’avoir des cravates au travail!
Pour être sérieux il faut aussi aller au travail!”
Plusieurs vidéos courtes circulent mettant en scène les punchlines lancés par David Guiraud, ancien député de la 8ème circonscription du Nord, parfois accompagné d'effets sonores pour donner plus d’impact à ces propos.
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Très actif sur les réseaux sociaux, il est resté assez proche des jeunes en utilisant des références pop culture par exemple sur la page de son compte X, on peut voir une image tirée de One piece, manga le plus vendu en France. Dans le même état d’esprit,sur son compte Tiktok, David Guiraud reprend une réplique culte du film de Matrix, pour dénoncer que le gouvernement avait eu le choix entre la pilule bleu(bon choix) et la pilule rouge(mauvais choix) par rapport à la réforme des retraites.
Cette guerre des édits entre “droitistes”et “gauchistes” est beaucoup plus importante qu’elle en à l’air, comparé à ce que certains croient, les jeunes aussi s’informent, mais différemment selon une étude de l’Ifop, les 18-25 ans sont 17 % à s’informer sur Instagram, 10% sur Tik Tok et 16% sur X (comparé à 6% en 2017). Aujourd’hui, plus de 50 millions de Français·es utilisent au moins un média social et ce sont les 13-24 ans qui les utilisent le plus. Il existe des comptes qui permettent aux jeunes de s’informer sur l’actualité. Parmi les plus connus, @hugodecrypte qui compte sur la plateforme Tik Tok plus de 6 millions d’abonnés ou bien @lesprit.critique qui compte quant à lui plus de 590 000 sur Instagram. Les deux “influenceurs” possèdent chacun un compte instagram, youtube, tiktok et un podcast dans lequel ils parlent politique et actualité.
Ils [les jeunes] vont privilégier un contenu rapide et instantané que certains médias tels que Libération ou encore Le Monde se sont appropriés pour attirer cette tranche d’âge. Ce type de contenu en ligne peut amener les jeunes à continuer à s’intéresser à l’actualité en consultant plusieurs médias traditionnels sur lesquels ils ne seraient peut-être jamais allés par eux-mêmes.
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Les réseaux sociaux permettent aussi de dénoncer des sujets qui sont très peu ou pas du tout abordés par les médias mainstream, en particulier concernant l’actualité internationale. Rima Hassan a aussi utilisé les réseaux sociaux afin de mettre en lumière la cause palestinienne .Depuis quelques mois, la situation en Palestine suscite largement l’intérêt des internautes, avec le hashtag “#freepalestine”, qui compte actuellement plus 5,2 millions de publications sur TikTok. Ce qui est le cas de Rima Hassan qui a utilisé les réseaux sociaux afin de mettre en lumière cette cause. On peut également citer le génocide au Congo, dont l’hashtag “#freecongo” compte actuellement environ 110 400 publications. Les utilisateurs postent des vidéos avec ces hashtags afin de sensibiliser sur la violence que vivent quotidiennement ces populations en guerre.
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Les associations utilisent aussi les réseaux sociaux pour diffuser plus facilement des cagnottes et recevoir plus de dons. C’est le cas de l'association Save the Children, qui a mis sur sa page Instagram une cagnotte pour aider les enfants touchés par les conflits armés dans le monde entier ou encore l’association humanitaire Human Appeal qui lutte contre la pauvreté à travers des projets de développement durable. Mais maintenant, grâce aux réseaux sociaux, des familles palestiniennes peuvent aussi partager directement des cagnottes, sans passer par des intermédiaires : elles reçoivent de l’argent de la part de donneurs à travers le monde. Ils postent aussi des vidéos et des photos sur leur quotidien et dévoilent la vérité aux internautes qui peuvent habiter de l’autre côté du globe.
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Liens des cagnottes:
Fundraiser by B Ayoub : A Rescue Mission: Help a helpless Gazan family
Fundraiser by First Care e.V. : Ahmed Kanaa
Shayma Licer, Lisa Brindeau, Elona Cabuzel