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Billet de blog 28 juin 2024

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Extrême droite, on est fait loin pour l’autre

Les 30 juin et 7 juillet, on vote. Et l’issue de ce scrutin aura une portée historique. Dans une semaine, l’extrême droite pourrait arriver au pouvoir, ce qui aurait de nombreuses conséquences, notamment pour les minorités racisées et LGBT+, pour les femmes, pour les écologistes, mais aussi pour les libertés publiques et individuelles en général. Avant le scrutin, voici le parti pris d'un collectif de stagiaires lycéen·nes à Mediapart, Oriol Nazarenko, Aliou BA, Héloïse Brissart. 

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Les 30 juin et 7 juillet, on vote. Et l’issue de ce scrutin aura une portée historique. En effet, dans une semaine, l’extrême droite pourrait arriver au pouvoir, ce qui aurait de nombreuses conséquences, notamment pour les minorités racisées et LGBT+, pour les femmes, pour les écologistes, mais aussi pour les libertés publiques et individuelles en général.

Grandir dans un monde où le FN détiendrait le pouvoir serait grandir dans un monde cruel, où exploiter des humain·es, les maltraiter, les considérer comme des objets et inférieur·es aux autres du fait de leur couleur de peau, ne serait pas jugé comme un crime contre l’humanité. Car oui, le parti persiste à refuser de considérer l’esclavage comme tel. De plus, il est contre la création d’un plan contre les discriminations en France, ce qui nous prouve à quel point le parti se sent détaché et désintéressé par ce sujet. Le RN tente désespérément de retirer cette étiquette de racistes qui leur colle à la peau mais a encore investi pour ces législatives au moins 45 candidats ayant tenu des propos racistes ou antisémites sur les réseaux sociaux.. Même si le parti arrive d’apparence à masquer ce racisme toujours présent, des tweets, publications ouvertement islamophobes et antisémites ou prises de paroles furtives nous confirment sa présence. Jordan Bardella déclarait il y a peu ne pas croire que « Jean- Marie Le Pen était antisémite », avant de revendiquer par la suite une « maladresse » de sa part.

Plus récemment il affirmait que « les Français d’origine étrangère » n’avaient rien à craindre s’il était amené à accéder au pouvoir. Cette qualification discrimine toute une partie de la population car elle les différencie du reste des citoyens français, et les empêche de s’intégrer pleinement à la société. Rappelons aussi les origines de ce parti, créé par des ennemis de la résistance, sympathisants du maréchal Pétain, et des anciens SS. Alors les propos de Marine Le Pen, interrogée sur BFMTV le 6 mai qui affirmait avoir « eu l’honneur de diriger un mouvement politique qui jamais dans l’histoire n’a eu dans son projet la moindre proposition raciste » posent questions vis-à-vis des racines antisémites historiques du parti. Au-delà de cela, ce racisme est au final l’expression débridée de leurs idées.

Illustration 1
Oriol Nazarenko
  • Droit des femmes 

Le 17 juin dernier, Jordan Bardella a publié une vidéo devenue virale (3,5 millions de vues sur TikTok), dans laquelle il s’adresse aux femmes de France, un électorat historiquement réticent aux idées d’extrême droite, bien que la tendance soit en train de s’annuler. Dans cette vidéo, le chef du parti à la flamme promet plusieurs mesures… déjà existantes. En effet, Bardella assure qu’il permettra la prise en charge totale des traitements liés au cancer du sein, chose qui a déjà été votée suite à la proposition d’André Chassaigne, député communiste. Par ailleurs, il pointe le souci de l’égalité femmes/hommes, sans proposer de réelle mesure permettant de réduire les écarts, notamment de salaire. Bardella affirme que le RN soutient la protection de la liberté à l’IVG, c’est vrai en France, mais faux au niveau européen puisqu’ils ont voté contre à Strasbourg. La vidéo est d’autant plus ironique que les principales attaques sexistes de ces deux dernières années à l’Assemblée nationale émanaient des rangs d’extrême droite, comme lorsque Jocelyn Dessigny lance à l’adresse de Mathilde Panot, députée insoumise « Arrête de parler. Poissonnière ! ». C’est aussi ce dernier qui avait estimé qu’une femme au foyer était « peut-être mieux à la maison à s’occuper de ses enfants ». Un autre, Christophe Bentz, candidat RN en Haute-Marne, estimait récemment que « l’IVG est un génocide de masse ». En bref, malgré sa volonté de se rapprocher d’un électorat féminin, le RN reste et restera misogyne. 

  • Écologie

Abordons maintenant la question de l'écologie. Nous savons grâce à diverses études scientifiques que nous sommes dans un moment décisif de l'histoire de l'humanité. Le GIEC a en effet dit en 2021 : “Nous n'avons plus que trois ans pour conserver un monde vivable”. Soit ça passe, soit ça casse. Or, le RN a depuis les dernières élections législatives de 2022 voté de nombreuses lois clairement anti-écologistes malgré « l’excellence environnementale » promise en 2021. Depuis, ils ont voté pour l’utilisation du glyphosate dans le secteur de l’agriculture en juillet 2022.

Il faut par ailleurs noter que diverses études ont mis en lien l’utilisation du glyphosate dans l’agriculture et l’augmentation de cas de cancers comme l’étude du Journal of the National Cancer Institute. Une autre de leurs mesures phares serait d’interdire les énergies renouvelables à un moment où celles-ci arrivent enfin à se faire une place dans les sources d’énergie en France et même dans le monde. Les membres du RN ont également voté contre la taxation des jets privés à un moment où l’on sait que le domaine de l’aéronautique est l’un des plus polluant, et des yachts qui à deux représentent environ 2% des gaz à effets de serre libérés en 2022. Une décision qui a donc un impact écologique fort mais également une image politique et économique puissante qui favorise toujours les ultras-riches. Aussi, malgré l’image qu’il essaye de donner en étant proche des producteurs français, le RN s’est opposé à une levée de fonds à hauteur de 10 milliards d’euros pour les agriculteurs après les revendications de ceux-ci. Voulez-vous vraiment que la septième puissance mondiale adopte des lois anti-écologie qui nuiront à notre vie et à celles des écosystèmes ? 

  • Éducation

Dans son programme de l’élection présidentielle de 2022, Marine Le Pen dit vouloir être le « premier soutien » des jeunes. Or, il n’y a qu’à se pencher sur le cas de l’éducation pour se rendre compte que son programme est tout sauf en faveur de la jeunesse. Effectivement les membres du RN veulent une école patriotique, une école qui file droit. Pour cela les matières jusque-là étudiées et fondamentales pour la culture générale et la suite des études telles que l’anglais, le sport, les arts plastiques seraient réduites et laisseraient place à un programme comptant quasi exclusivement trois matières  : mathématiques, français et histoire de la France. De plus, des sanctions économiques pourraient être appliquées aux familles en cas de mauvais comportement de leurs enfants. Certaines familles verraient donc la totalité de leurs allocations supprimées.

En plus des sanctions appliquées aux familles, les enfants pourraient voir leur vie chamboulée après une infraction. Effectivement, un·e élève de 6e ayant commis une infraction pourrait être placé dans un « centre spécialisé » restrictif jusqu’à la fin de sa scolarité. Aussi, la voie professionnelle jusque là accessible uniquement à partir de la 2de et plus rarement en 3e serait généralisée dès la 5e et les élèves en difficulté seraient alors orienté·es dès leur plus jeune âge et sans possibilité de retour en arrière dans une filière qui pourrait ne pas leur convenir. Un examen à la fin du CM2 serait également indispensable pour passer au collège. Leur programme amène également la question de la sécurité dans les établissements avec comme éléments de solution la multiplication de caméras dans les établissements scolaires avec une priorité pour ceux se situant dans les zones d’éducation prioritaire. En outre, les mesures plus récentes prononcées par Jordan Bardella montrent encore une fois un décalage entre les politiques et la réalité. Celui-ci a en effet dit qu’il obligerait les élèves à vouvoyer les professeurs et que les téléphones seraient interdits dans l’enceinte des établissements. Pour finir, le ministre de l’éducation nationale sous un gouvernement du RN pourrait être Roger Chudeau, qui a récemment considéré que la nomination de Najat Vallaud-Belkacem au ministère de l’éducation en 2014 était « une erreur, et pas une bonne chose pour la République » en raison de sa double nationalité. 

Voulez-vous vraiment d’un gouvernement qui envisage ce genre de mesures ?

  • LGBT phobies

Depuis quelques années, s’inscrivant pleinement dans sa stratégie de dédiabolisation, le RN s’affiche comme étant un parti gay-friendly (sympathisant LGBT). En effet, il se targue d’avoir le groupe parlementaire comptant le plus d’homosexuels dans ses rangs, assure ne pas vouloir revenir sur le mariage pour tous, rejette le terme "lobby-LGBT" qu’ils « laissent aux zemmouriens » selon les termes de Jean-Philippe Tanguy, ex-député RN. Mais qu’en est-il vraiment ? En 2012, Marine Le Pen parlait encore de "micro-lobby LGBT" fustigeant le mariage pour tous et soutenant les maires refusant de célébrer les unions homosexuelles. Il y a peu, le RN a soutenu la mise en place des zones "LGBT free"  (sans LGBT) en Pologne, à savoir des quartiers entiers où les personnes LGBT+ n’ont pas le droit de s’afficher comme telles.

De plus, des militants RN exposent de façon décomplexée leur homophobie, comme lorsque Gabriel Lousteau, fils d’un ancien cadre du RN et auteur d’une très violente agression homophobe, déclare « vivement dans trois semaines [lorsque l’extrême droite sera au pouvoir, ndlr] on pourra casser du PD ! ». Entre 2019 et 2024, les députés européens ont eu à se prononcer 9 fois sur des textes concernant les droits LGBT+, les députés RN ont voté à leur encontre à 8 reprises, selon l’association Flash our true colors, ils se positionnent par ailleurs contre la PMA pour toutes, mesure permettant aux femmes lesbiennes d’avoir des enfants. Les personnes trans sont également une des cibles principales de l’extrême droite, une haine qui s’est particulièrement décomplexée ces derniers mois, notamment avec la sortie ultra-médiatique du livre Transmania des écrivaines "féministes" Dora Moutot et Marguerite Stern, ouvrage transphobe et relayé par les sphères médiatiques d’extrême droite.

  • Médias

Parce qu’ils nous permettent toutes et tous de penser par nous-mêmes, parce qu’ils enquêtent sur les puissants et les contredisent parfois et parce qu’ils sont libres de dire ce qu’ils veulent, les médias sont systématiquement parmi les premières cibles de l’extrême droite lorsqu’elle accède au pouvoir. Partout où cette dernière gouverne, des reculs des droits de la presse s’observent. Première mécanique : les médias privés sont rachetés par des proches du pouvoir, comme en Pologne où le groupe privé PKN-Orlen, pétrolier dont l’Etat polonais est le principal actionnaire, possède près de 650 médias. Les gouvernements d’extrême droite ont quelquefois recours à des ingérences dans les médias de service public, comme en Italie, où Giorgia Meloni a fait de la RAI, groupe télévisuel public italien, des stations à son service, promouvant ses idées. Enfin, et peut-être la pire de toutes, la menace de l’allègement, voire de la suppression du secret des sources. En effet, les journalistes contactent et reçoivent des alertes de diverses sources, ces dernières parlent anonymement et sont protégées par la loi. Les sources sont indispensables au travail de journaliste : « On est évidemment ultra dépendants [de la protection des sources], on ne peut travailler que si on a des sources qui nous parlent et nous font confiance » témoigne Youmni Kezzouf, journaliste politique à Mediapart. Mais l’extrême droite a probablement pour but d’y porter atteinte. En effet, déjà fragilisé, ce secret des sources est particulièrement mis à mal partout où les alliés du RN gouvernent, dans le but de museler les médias, qui constituent un contre-pouvoir puissant. En France, le Rassemblement National dit vouloir privatiser l’audiovisuel public (France TV, Radio France, France Médias Monde), affaiblissant à cette occasion tous ces canaux, pourtant globalement salués pour la qualité de leur travail.

  • Lutte contre la pauvreté

Depuis quelques années, le RN tente de montrer une image d’eux proches des classes populaires et lorsqu’on voit les résultats du parti dans les zones rurales, où ils sont majoritaires, on voit que leur stratégie politique a fonctionné. Pourtant ce discours porté par le RN ne se traduit pas dans leurs votes et actions. Le RN a voté à l’Assemblée contre toutes les mesures sociales susceptibles d’améliorer notre vie quotidienne à tous. Il a voté contre l’augmentation du SMIC et des salaires. Le parti d’extrême droite est plein de contradictions, il assure que le pouvoir d’achat est un des enjeux majeurs de cette campagne des législatives alors même qu’il votait il y a peu contre le blocage des prix sur les produits de première nécessité à l’Assemblée nationale. Le parti est aussi contre la revalorisation des bourses étudiantes mais aussi contre la gratuité des fournitures scolaires pour les plus modestes. Jordan Bardella affirmait le 25 juin au cours d’un débat sur TF1 que les moins de 30 ans seraient exonérés d’impôts, ce qui voudrait dire qu’un millionnaire de moins de 30 ans ne paierait pas d’impôts mais un jeune de 31 ans dans le besoin si. Encore une mesure qui profite aux plus riches et désavantage ceux dans le besoin. L’extrême droite reste un parti qui préfère privilégier l’argent pour le patronat plutôt que pour la population. Que vous soyez jeunes, adultes, âgés, le RN n’est pas votre allié comme il tente de vous le faire croire. 

La jeunesse doit encore emmerder le front national et nous espérons que les 26% qui ne les emmerdent plus se rendront compte du danger que représenterait l’extrême-droite au pouvoir. Que ce soit pour les plus démunis, les femmes, les personnes LGBT+, la presse, l’enseignement, et pour la survie de la planète, ne votez pas pour le Front National. Et pour ceux qui se cachent derrière l’excuse du « on n’a pas essayé », sachez que si, d’autres pays d’Europe subissent en ce moment même la souffrance d’un gouvernement fasciste et il suffit d’allumer sa télévision pour voir que ce n’est pas concluant. Alors, le 30 juin et 7 juillet, notre avenir, celui des moins de 18 ans, est entre vos mains et nous espérons que vous ferez le bon choix pour notre bien à tous. 

Oriol Nazarenko / Aliou BA / Héloïse Brissart

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