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Billet de blog 2 décembre 2014

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Lettre à celles et ceux qui nous méprisent

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« La plupart des mépris ne valent que des mépris.  ». Montesquieu

Ma grand-mère qui vit ses dernières heures ou ses derniers jours n’est pas née dans ce beau pays.

Mon père n’est pas né dans ce beau pays,

Ma mère n’est pas née dans ce beau pays,

Je ne suis pas né dans ce beau pays, et même si mon accent et mon nom m’ont très souvent valu des « tu viens d’où ? »,

Mais je lui ai donné avec leur maman, ce que j’ai de plus cher, deux enfants totalement d’ici, nés à quelques pas de là où j’écris cette lettre.

Malgré ces réalités, je considérais mon appartenance à la France et la légitimité de mon intérêt pour son avenir comme bétonnées.

J’ai milité quand la France était attaquée sur son territoire et dans le monde quand elle défendait des causes justes et j’étais dans la rue quand des CRS ont été la cause de la mort du jeune Malik Oussekine en 1986, quand des  groupuscules nazis inféodés au FN, ont jeté Brahim Bouarram dans la Seine lors d’une manifestation du 1er Mai, quand le jeune Mohamed de 9 ans, s’est fait tirer dessus par un raciste à Saint Florentin dans l'Yonne, quand la bête immonde symbolisée par AL-QAIDA, à sévit à New-York, comme tous les français, à exprimer ma tristesse et mon indignation quand l’innocent Hervé Gourdel s’est fait décapiter dans les montagnes Algériennes et quand les humanistes, les épris de justice, les militants de la paix se sont indignés quand les populations de Gaza subissaient les bombardements d’Israël dans une guerre asymétrique.

A chaque fois, je ne me suis pas senti visé et j’ai puisé cette énergie qui permet de ne pas céder à l'horreur dans l’histoire de cette France qui m’a tant convaincu.

J’ai pourtant, dans mon engagement citoyen et politique, la très ferme impression d’être d’ici même plus que beaucoup.

Puis est arrivée la Charte de la diversité. Valeurs affirmées par certains dont l’héritage de souche est beaucoup plus pur que le mien, né sous d’autres cieux.

En effet, je suis de cette gauche « bien-pensante » (quand est-ce que la gauche ne l’est pas ?) qui pense que l’égalité de toutes et tous passe par leur droit de choisir par eux/elles-mêmes leurs croyances, convictions et vêtements.

Je suis de cette gauche qui pense que la marginalisation des femmes ou hommes à n’importe quelle fin est inacceptable et devient même obscène quand c’est à des fins électoralistes.

Je ne suis pas politicien, simplement passionnée par la politique. Je manque de cynisme, vous voyez. Beaucoup trop pour être politicien.

Ceux que je fréquente dans mon organisation politique, sont définitivement plongés en politique. Ils courtisent les votes de ces mêmes qu’ils méprisent.

Je parle de nous.  Ce « nous », est celui de mes enfants qui portent mon nom, de ces femmes et hommes libres qui ont compris avec des actes et dans les faits que nous sommes une richesse pour le patrimoine républicain.

Mais voilà qu'ils nous oublient dès l’instant que la question de nous représenter par nous même se pose.

Mais voilà qu’à cet instant nous devenons des agressifs, des non intégrés, des communautaristes, des poujadistes, et ceux qui nous stigmatisent se rangent du côté de ceux dont l’opinion manque souvent, avouons-le, de fondements empiriques. De ceux qui ont ressorti des mots comme « antisémites » ou «incompatibles » avec la laïcité quand il s’agissait des discours de Sarkozy et ont parfois entretenu des relations ambiguës avec les propos de Manuel Valls sur les Roms.

En psychologie, il y a un mécanisme de défense bien connu qui veut qu’une victime s’identifie soit à l’opprimé, soit à l’oppresseur. C’est le syndrome de Stockholm étendu à la politique. J’espère ne jamais avoir à le soigner.

J’ai décidé de ne pas m’identifier à cette pratique et cette vision de l’humain et de continuer de me battre pour nous, le nous qui inclut tous les exclus du récit républicain et de l’égalité dans tous ses sens et dans l’égalité politique particulièrement, ceux du 9-3 ou des Sablons, celles qui portent le voile en se conformant aux règles du vivre ensemble, celles et ceux comme de mes nombreux amis et amies et camarades de lutte, et bien d’autres dont l’identité de souche ne se sent pas menacée par la diversité.

Fils de famille de résistants au colonialisme (appelé protectorat), solidaire de celles et ceux qui lui font face, et positionné à gauche, j’ai appris à refuser cette pensée irriguée par l’idée coloniale et me battre contre  l’arrogance et l’insulte envers celles et ceux qui ne sont sollicités que pour leur bulletin de vote et stigmatisés après.

Parce que je ne me bats pas seulement pour mon existence, qui n’est pas menacée ici, mais aussi celle de mes enfants, qui n’auront jamais, je l’espère, à réaliser que leur peuple n’est pas le leur.

 « Le mépris est une pilule qu'on peut avaler mais qu'on ne peut mâcher. » Molière

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