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Billet de blog 3 septembre 2014

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Quand la lutte contre le chômage devient une guerre contre les chômeurs - François Rebsamen se trompe!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                                   « Toute politique, qui ne tire pas pleinement parti des possibilités, si réduites soient-elles, qui sont offertes à l’action, et que la science peut aider, à découvrir, peut être considérée comme coupable de non-assistance à personne en danger »

Pierre Bourdieu, La Misère du Monde, Seuil 1993

Septembre 2014, François Rebsamen dans un ton suspicieux, déclare "Il n'est pas possible, dans un pays qui est en difficulté, qui veut se redresser, qui porte le travail, d'avoir des gens" qui ne cherchent pas un emploi »

Il annonce vouloir "renforcer les contrôles" pour vérifier que les chômeurs inscrits "cherchent bien un emploi". Dans le cas contraire, une "sanction" est nécessaire, selon lui.  

Ce propos est diamétralement opposé à celui que tenait François Hollande, en Février 2012, alors candidat à la présidentielle : "Il n'est jamais utile pour un président sortant qui est en échec de s'en prendre aux plus fragiles", déclarait François Hollande à Créteil en février 2012. Il considérait que "ce n'est pas ceux qui sont les victimes qui doivent aujourd'hui être les responsables". 

  • Le contrôle ou le procès de l’ « Assistanat »

François Rebsamen n’est pas allé  jusqu'à employer le mot assistanat et ne formule pas exactement les mêmes propositions que ceux tenus par Nicolas Sarkozy qui proposait notamment de «créer un nouveau système où l'indemnisation ne serait pas une allocation que l'on touche passivement, mais une rémunération versée à condition de suivre une formation. »

Mais sur le fond, les propos tenus par François Rebsamen ce mardi ne sont plus si éloignés de ceux de Nicolas Sarkozy. 

Le débat sur le contrôle des chômeurs revient régulièrement sur le devant de la scène. En 2005, par exemple, la publication d'un décret qui permet de vérifier les dossiers fiscaux des chômeurs en cas de soupçon de fraude avait divisé la classe politique. L'UMP le jugeait "légitime", tandis que le PS estimait que « le gouvernement confirme que pour lui, la lutte contre le chômage est d'abord une lutte contre les chômeurs ».

  • De quoi ces propos ont-ils le nom ?

La sortie de François Rebsamen s’inscrit dans une vision politique développée par l’Union européenne en matière d’emploi depuis les années 1990 approfondissent ces évolutions et visent à les étendre à l’ensemble des États membres.

En outre, l’objectif de diminution du taux de chômage a progressivement cédé la place, dans les politiques européennes, à celui d’augmenter le taux d’emploi.

Celui-ci représente la proportion de la population âgée de 15 à 65 ans qui travaille, dans un emploi stable ou précaire, une ou quarante heures par semaine. Objectif selon certains : atteindre le “plein-emploi précaire”.

L’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) chantre du néolibéralisme dans les pays occidentaux, estime que le chômage est dû aux chômeurs eux-mêmes qui ne cherchent pas activement du travail ou qui n’acceptent pas des salaires bas.

Leur couper les vivres au bout de quelques mois devrait donc les inciter à “s’activer”. Par ailleurs, la Commission européenne insiste pour que les pays au taux de chômage élevé, dont la France, relèvent leur taux d’emploi. Alors que le chômage y dépasse les 10 %, il faut donc augmenter le nombre de personnes prêtes à travailler, y compris les préretraités, sans pour autant être sûr que de nouveaux emplois vont être créés. C’est donc davantage la concurrence entre salariés qui est renforcée que la lutte pour l’accès de tous à un emploi de qualité.

  • La lutte contre la fraude aux allocations en arme dissuasive

Chaque année, Pôle Emploi se dit victime de fraude aux allocations chômage. Selon les dires des rapports de Pôle-emploi « Fausse identité, multiplication des dossiers, revenus gonflés, ... Toutes les techniques sont bonnes pour récupérer « illégalement de l'argent ». En 2013, le montant de la fraude subie par Pôle Emploi a gonflé de pratiquement 50%, passant de 39,3 millions d'euros à 58,7 millions d'euros. La fraude évitée est de son côté estimée à 41,8 millions d'euros (contre 37 millions d'euros en 2012),

Si les montants en jeu sont en forte augmentation, c'est, d'après Pôle Emploi, parce que la détection des préjudices s'est améliorée

La suspicion est quasi général vis à vis des chômeurs, aidé par des médias du libéralisme zélé.

Ainsi on lit dans le Parisien en Juin 2014, « la facilité avec laquelle certains escrocs bernent Pôle Emploi intrigue. D'autant que la plupart des techniques des fraudeurs sont identifiées de longue date ». Et la Cour des Comptes et sur la même longueur d’onde.

Elle  recommandait notamment à Pôle Emploi de saisir davantage les juridictions pénales. En jugeant que les sanctions des préfets (comme la suspension des droits à l'indemnisation trop rares.

  • Surprenante la provocation

Quelques jours après la parution des derniers chiffres du chômage, et le jour où la presse révèle que l'actuel ministre de l’Économie et de l'Industrie, ne payant pas l'ISF en toute légalité, cette déclaration surprend par son ton provocateur.

Alors que plus de 3,4 millions de Français sont aujourd’hui sans emploi et subissent durement les conséquences d’une crise interminable, agiter le mythe du chômage de complaisance est une stratégie dangereuse qui ne peut aboutir qu’à jeter nos concitoyens les uns contre les autres.

Il y a urgence à s’attaquer au chômage, non aux chômeurs.

La politique d’emploi n’est surement pas compatible avec la recherche du plein emploi. On mesure à quel point certaines règles de l’Union Européenne appliquées aux pays mettent à mal le monde du travail, la capacité productive et donc les équilibres sociaux. Les chômeurs en sont les premières victimes.

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