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Billet de blog 5 avril 2016

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Lettre d'un déçu du PS à Jean-Christophe Cambadélis

Combien sommes-nous, qui subissons le fardeau de l'écrasement réel, qui succombons à l'ingénierie du prétexte, qui en franchissant la porte du Parti Socialiste, sommes retrouvés dans de nouveaux déserts.?

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LETTRE OUVERTE À JEAN-CHRISTOPHE CAMBADÉLIS, 1ER SECRÉTAIRE DU PARTI SOCIALISTE FRANÇAIS

J'ai décidé de publier cette lettre adressée à Jean-Christophe Cambadelis quelques jours après le Congrès de Poitiers.

Ma décision est une mise au point par rapport aux récentes déclarations du 1er Secrétaire sur la présence éphémère du PS dans les quartiers. Présence rare accueillie souvent par un rejet sans précédent !

Cher Jean-Christophe,

"C'est un joli nom Camarade

Qui marie cerise et grenade 

Aux cent fleurs du mois de mai

Pendant des années Camarade 

Avec ton seul nom comme aubade

Les lèvres s'épanouissaient"

Si  j'ai  commencé  cette  lettre  par  ces paroles  de  Jean  Ferrat,  c'est  parce  que très  probablement  dans  pas longtemps, je ne serais plus le camarade de personne au Parti Socialiste, malgré la beauté de ce mot "Camarade".

Militant de base, j'ai porté le fer dans les plaies du moment dans le parti: l'entre-soi, la sous-représentation de la diversité, les cumuls des mandats contraires à nos statuts..

Tout cela dans un contexte de montée de la xénophobie, du Front National, de surenchère de la droite  sur les thématiques racistes, d'«apathie» de notre parti et de la division d'une gauche qui se cherche, et surtout d'une défiance des citoyens et des militants face à des politiques du moins incomprises voire même contraire aux engagements.

Nietzsche, dans "Ainsi parlait Zarathoustra", a métaphorisé le fardeau d'écrasement culturel, social ou politique, sous l'image des bosses d'un chameau. Le chameau symbolisant tous ceux qui portent le fardeau du réel dans la traversée du désert qu’est leur existence.

Combien sommes-nous, qui subissons le fardeau de l'écrasement réel, qui succombons à l'ingénierie du prétexte, qui en franchissant la porte du Parti Socialiste, sommes retrouvés dans de nouveaux déserts.

Combien sommes nous rentrés dans une longue traversée du désert, désert des envies d'émancipation personnelle, désert d'action sur le cours des choses, désert de représentation et d'enfermement dans le fort des discriminations?

Avant de franchir ces portes du "désert du réel socialiste ",  j'ai éprouvé de nombreux lieux et paysages de luttes pour les libertés, abreuvé d'autres sources qu'à nos oasis qui s'appauvrissent en continu.

J'ai vécu dans un monde où toute nostalgie est proscrite, tant il a mené à son propre assèchement.

J'ai franchi ces portes, en étant conscient que c'est de l'intérieur qu'on peut rendre compte de l'état de ce désert. Je me suis dit comment se saisir de la problématique historique par excellence qui est celle de l'émancipation lorsque nous sommes nés dans ce qui ne peut être considéré que comme zone de compétences aride, lorsque notre unique horizon, de quelque côté qu'on se retourne , n'est que dunes ou hologramme de dunes ?

Rien n'est plus doux que redonner l'espérance pour les malheureux, qui subissent et portent les fardeaux de l'écrasement et du mépris,

Rien n'est plus noble que de redonner le courage à celle ou à celui qui a besoin de ressources qui réaniment son espérance pour un meilleur avenir.

Ces joies en perspective ont irrigué mes voeux d'une meilleure destinée et d'une agréable sensation d'être utile pour de vrai.

Un jour, à sa sortie de son desert, j'ai fait ce choix de le suivre. Il s'agit de François Hollande. J'ai lu des choses qui m'ont parlé !

J'ai lu que ce mot camarade peut avoir un sens, moi qui venait de ses expériences des années 70 qui l'ont travesti. J'ai cru comme l'écrit encore si bien Jean Ferrat

C'est un joli nom Camarade

Dans mon cœur battant la chamade Pour qu'il revive à jamais

J'ai lu que le Parti prône l'humain et j'ai vu qu'il lui arrive de fermer le yeux sur les naufragés de la mer méditerannée ou les autorisés à dormir dehors de nos églises transformées en squats de fortune,

J'ai lu que le Parti fait place nette à ses diversités et j'ai vu que peu de nous soient autorisés à y accéder,

J'ai lu que le Parti tord le cou à toute forme de baronnie et j'ai vu que près de 20 mille ans d'années mandats sont accaparés par des barons séculaires,

J'ai lu que le Parti était prêt pour le changement et que son renouveau est son salut et j'ai vu que le délai d'attente de désignation d'un nouveau candidat est digne d'un rendez vous pour un voyage vers la planète Mars.

J'ai lu qu'une femme , un homme, un handicapé, un arabe, un africain, un asiatique, un blanc, un noir, un croyant, un laïc ... J'ai lu que ce ne fait qu'un : le citoyen ... Et j'ai vu que cette majorité ne l'est que dans les statistiques de l'INSEE et qu'elle ne sera vue que par sa présence dans les listes electorales ,

J'ai lu que le Parti ne laisse aucune place à aucun calife d'où qu'il vienne et j'ai vu que certains ne doivent rien à un dictateur africain dans leur façon d'exercer le pouvoir

Oui j'ai lu tout cela et de mon désert je suis sorti plein d'espoir ..l'espoir du changement c'est maintenant érigé en emblèmes de lendemains qui chantent.

C'est sur cette influence que je me suis appuyé pour surmonter tous les obstacles et ne jamais me laisser abattre par l'adversité.

Oui camarade, je suis fier de ce que j'ai lu mais désespéré de ce que j'ai vu et de ce que je vois! Alors j'ai dénoncé ces quelques dérives parmi tant d'autres ..

J'ai dénoncé le mépris de mes camarades néEs quelques parts et qui doivent supporter les fins de non recevoir de la part de barons sédentarisé.

J'ai dénoncé les 109 d'années mandats d'un Sénateur-Maire et Président de toutes les présidences fonctionnelles possibles dans son département, 

J'ai dénoncé les 85 années mandats d'une éternelle candidate en absence de bilan dans un canton où elle ne met les pieds que lors des élections,

J'ai dénoncé l'entre-soi que toi même tu as dénoncé en déclarant : "Nous sommes trop dans l'entre-soi. Nous sommes coupés des préoccupations quotidiennes des Français",  en recommandant aux militants de "se tourner vers les Français et arrêter de se regarder le nombril".

J'ai attiré l'attention sur le fai que perdre 40 milles adhérents, c'est faire disparaitre de la scène l'équivalent d'EELV, du PRG, du MODEM et du PG !

Serais-je sorti du Parti Socialiste et violé les statuts en m'exprimant sur ces plaies qui font fuir nos concitoyens des partis et de la politique ?

Me serais-je auto-exclu du Parti et de ses instances? Rien de tour cela en tout cas dans les statuts. Mais il en est autrement.

J'ai porté avec d'autres que tu as associé à la direction du parti, une motion militante qui n'a pas pu atteindre le quorum pour l'être automatiquement.

Nous avons réalisé le score de 7% dans notre département, la Sarthe.

La motion majoritaire, légitimée par 71% des voix, finit par décider d'imposer nominativement nos représentants de notre motion sans nous laisser le choix de les désigner nous mêmes. Plus grave encore, elle m'interdit d'être désigné par la motion dont j'étais mandataire et membre de l'équipe d'animation nationale, et donc d'accéder aux instances fédérales.

Tout cela au motif d'avoir parlé !

Je suis exclu des instances contre la volonté de ma motion sans que je sois exclu du parti. Aucun article des statuts, seul référentiel commun, ne prévoit une telle situation.

Je reviens vers toi Camarade.

Devrais-je accepter le verdict de l'absurdité ou me résoudre à cette devise de Napoléon qui stipule qu' “en politique une absurdité n'est pas un obstacle.”?

Devrais-je me soumettre à la loi du dominant même quand il viole les statuts à maintes reprises, ce qui est devenu, une habitude dans la constance et que “La constance d'une habitude est d'ordinaire en rapport avec son absurdité.” comme le disait Marcel Proust?

Devrais-je accepter une punition déguisée là où d'autres et je ne citerai qu'un exemple sont allés très loin dans l'outrage en demandant de faire chuter le gouvernement Valls sans qu'ils soient inquiétés et se retrouvent au CN (Gérard Filoche)?

Si cela te paraît normal, j'acquiescerai et en tirerai les conséquences.

Depuis 1975, mon premier combat pour le droit du peuple palestinien à son État, dans les frontières de 1967, en passant par les années dans les geôles de Hassan II, les destructions psychologiques dans les centres de détention clandestins, la victoire de Francois Mitterrand à mon arrivée en France , la marche pour l'égalité, les luttes auprès des immigrés des foyers Sonacotra, les combats anti-racistes, les soutiens aux familles dont les enfants ont été victimes d'assassinats racistes,  le petit Mohamed, 9 ans, Brahim Bouarram, 29 ans, et tous les autres combats...

Un seul idéal : un monde juste

Une seule forme de lutte : réformer cette société pour qu'aucun citoyen ne soit laissé sur les bords du chemin Un seul outil : la démocratie

Un seul cadre : la République

Une seule voie : celle de la liberté, celle du vivre-ensemble, celle de la justice sociale, celle de l'éthique.

Camarade, tel un ami, éclaire-moi , comme le dit très justement Christian Bobin dans son "l'inespéré" :  " Les amis éclairent votre solitude sans l'interrompre."

Et je termine comme j'ai commencé par Jean Ferrat :

"C'est un nom terrible Camarade

C'est un nom terrible à dire Quand, le temps d'une mascarade Il ne fait plus que réélit

Que venez-vous faire Camarade Que venez-vous faire ici

Ce fut à cinq heures dans Prague Que le mois d'août s'obscurcit"

Mohamed Bentahar

Fédération de la Sarthe

Candidat au Conseil National et Conseil Fédéral Numéro 

Carte d'Adhèrent : 907202

Depuis le 4 Mars 2016,  j'ai quitté le PS

Ma lettre de démission est publiée : https://blogs.mediapart.fr/m-bentahar/blog/040316/je-quitte-le-parti-socialiste-un-parti-ancre-dans-lecosysteme-de-lechec

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