Intégration des étrangers et droit de vote : Peut on parler d’intégration sans droit de vote des étrangers en France ? Quel destin commun ?
Amis de la démocratie, ne vous inquiétez pas, les étrangers sont des citoyens comme les autres : il ne feront pas de la thèse de Roland Topor "Je respecte trop la démocratie pour risquer de la dérégler en votant" la leur . Ils voteront!
«Le multiculturalisme ne fait pas partie des valeurs de la République. La France doit toutefois reconnaître l'héritage légué par les migrants au fil des âges, et leur participation quotidienne au dynamisme de notre nation.»
Extrait de la «feuille de route» pour «la refondation de la politique d'intégration
«On veut changer la manière d'aborder l'intégration, On s'oriente vers une politique fortement ancrée sur l'égalité des droits et la lutte contre les discriminations» explique le Premier Ministre suite au rapport sur l’intégration.
- Préambule
Il y a deux cents vingt ans, les Hommes de la Constituante, bien souvent issus du clergé d'ailleurs (Talleyrand, Grégoire...) se battirent pour que les juifs de France deviennent des citoyens à part entière. Il leur fallut deux ans pour convaincre une majorité d'attribuer la citoyenneté française à tous les juifs de France. Depuis le 27 septembre 1791, il était acquis que la citoyenneté française conférait les mêmes droits civils ou politiques, sans faire de distinction suivant "l'origine étrangère" des uns ou des autres. Le seul régime politique qui fit une exception à ce principe fut celui de... ce que vous savez.
C'est quoi une origine étrangère ? Que fera-t-on pour les citoyens métis, nés de mariages dits mixtes ? Et comment fera-t-on avec ceux qui ont acquis leur citoyenneté après une adoption à l'étranger ? A partir de quand faudra-t-il "dater" l'origine étrangère? Aux parents ? Grand-parents ? Arrière-grands-parents ? procédera-t-on à des tests ADN pour mesurer le taux sanguin de nationalité d'un citoyen en cas de doute ?
Toutes ces questions nous emènent au récent rapport sur l'intégration soumis au Premier Ministre.
Je vais aborder l’aspect de l’intégration sous l’angle de la citoyenneté et du droit de vote. Dans l'ensemble de l'article je vais utiliser le terme "étrangers" pour désigner celles et ceux vivant en France et qui n'ont pas la nationalité française.
La question du droit de vote des étrangers extracommunautaires se rappelle à l'ordre du jour de l'action gouvernementale, dans un contexte où l'attention est focalisée sur les questions sociales et économiques.
Depuis 30 ans, la gauche fait et défait les scénarios sur une question qui devrait être vue sous des angles relativement connus et consensuels. Sans se focaliser sur une vision citoyenne pure, les étrangers non communautaires si tant est qu'ils soient revendicatifs en masse ou par le biais de leurs représentations, d'une reconnaissance par le droit de vote à des élections locales, on est en droit de se poser la question de l'intérêt politique du PS à prioriser l'accès à des populations faisant partie intégrante de la communauté nationale à un droit de vote en version light. Les "étrangers"; résidents en France depuis plusieurs générations sont des acteurs économiques, socioculturels et participent à la vie démocratique à des échelles diverses. Mais cet apport n’a de valeur que s'il est comparé à une autre réalité. Celle de leur place en France comparativement au rôle qu'ils jouent vis-à-vis de leurs pays de départ. Et là se pose la question du message à passer à travers cette volonté d'accorder ce droit aux ressortissants extracommunautaires.
En 1981, plusieurs voix se sont élevées et ont accompagné la victoire de François Mitterrand pour accorder le droit de vote aux étrangers résidents en France qui majoritairement étaient maghrébins. Cela coïncidait avec des campagnes de soutien aux luttes des peuples du Maghreb contre des régimes antidémocratiques. Le message délivré par cette revendication en France était plus à destination de ces régimes en leur montrant que des franges de leurs peuples s'initient à l'exercice de la démocratie, même si elle reste au niveau local. Un citoyen à qui on apprend que sa voix compte devient plus problématique à gérer et sa considération, surtout s'il représente une source non négligeable de devises pour l'économie du pays de départ. Ce message dans ce contexte de luttes pour la démocratie était dans l'air du temps et répondait à une vision politique qui pouvait influer sur le cours des choses notamment dans le rapport entre le Sud et le Nord de la Méditerranée. Un train est passé et que reste-t-il comme opportunité pour resservir ce message et en faire une priorité? L'immigration et particulièrement maghrébine devrait être considérée plus dans la politique de coopération et les équilibres entre la France et les pays du Sud que sur le simple aspect de la citoyenneté made in France. Les ressortissants étrangers en France - je parle des Maghrébins - devraient être considérés sur trois dimensions : la dimension économique, la dimension socioculturelle et la dimension démocratique.
- Dimension économique
D'une part, ils cristallisent les échecs de plusieurs décennies de politiques économiques alors qu'ils sont venus à la demande de la France pour faire face à une croissance et répondre aux besoins de l'industrie française (automobile, mines...). Ils concentrent les problèmes du chômage et de la précarité (le chômage touche 3 fois plus d'étrangers que de citoyens de «souche»). Ils sont montrés du doigt par une France qui ne leur reconnait pas une forte participation à son développement économique et souvent en étant sous-employés et sous-payés par rapport aux travailleurs de «souche» (par le FN, la droite non gaulliste entre autres...). Et d'autre part ils représentent un apport non négligeable dans les économies de leurs pays d'origine. Les apports en devises et la contribution au développement local sont très importants (devise; immobilier; tourisme; agriculture...).
- Dimension socioculturelle
Le modèle français d'intégration laisse peu de place à la préservation de l’identité culturelle. Aux yeux de la population française, l'intégration est synonyme d'assimilation. Donc, aux yeux des étrangers, c'est plus un reniement de leur identité d'origine qu'une reconnaissance de leur différence qu’on leur demande. Ce problème est réel et est vécu douloureusement au sein des familles et des groupes sociaux issus de l'immigration...
Stigmatiser une fête communautaire ou une tenue vestimentaire ou s'attaquer à un pays arabe relève de la même chose: ne pas reconnaitre la différence et humilier une communauté. Les jeunes issus de l'immigration qui n'ont pas acquis la nationalité française, ne le feront pas car ils considèrent que cette nation n'est pas la leur... Et cela ne sera pas résolu par un droit de vote au rabais. Car il voudrait dire que vous ne méritez pas plus que ça!
- Dimension démocratique
Ces ressortissants à qui on souhaite accorder le droit de vote, même si certaines luttes associatives avaient inscrit cette demande dans leurs revendications, qui est à regarder en relation avec l'exercice de la citoyenneté dans les pays de départ. La majorité de ces ressortissants n'a jamais voté dans son pays. Ou bien par absence de représentation des étrangers dans les institutions des pays d'origine (pas d'élections pour les communautés à l'étranger) ou par abandon d'une citoyenneté entachée par des politiques de corruption et antidémocratiques des régimes en place dans les pays d'origine. Ces ressortissants seraient-ils plus citoyens vis-à-vis d'une élection locale que vis-à-vis d’une reconnaissance démocratique dans leurs pays d'origine? J’en doute. Et le PS dans tout cela? Au vu de ces éléments, et qui nécessitent sûrement plus de développement, le PS a tout intérêt à plutôt repenser la politique de coopération et la rendre plus dynamique pour soutenir la croissance dans les pays de départ et créer par conséquent des emplois en encourageant les programmes sur l'affectation des revenus de l'immigration.
Il s'agit là d'une politique qui permet de résoudre les problèmes d'intégration en concentrant les efforts sur les actions qui suscitent l'adhésion de ces ressortissants plutôt que de se polluer avec des choix politiques sans intérêt pour ces populations.
Le droit de vote nécessite la construction d’un destin commun et de le reconnaitre. Ce droit est octroyé à des ressortissants européens qui partagent le même destin que les Français. Ce destin est au sein d'une Europe politique, économique, culturelle, sociale et sociétale. Ce qui n'est pas encore le cas avec la majorité des pays de départ de l'immigration. Ce n'est pas une stigmatisation que je relève, c'est un constat. Avant de donner ce droit de vote, il faudrait penser à quel destin nous aurons avec nos partenaires du Sud: c'est la priorité... Une fois les rails de ce destin posés, viendrait peut- être le temps de l'outillage. Et le droit de vote n'est qu'un outillage parmi d'autres.
- Dimension institutionnelle
Il s’agit d’un débat sur lequel il faut de la pédagogie et qu'il ne faut pas instrumentaliser. il appartient au peuple souverain de décider de cette ouverture du vote. La question n’est pas tant de chercher à obtenir un consensus dans l’opinion publique sur la question de ce droit de vote des étrangers que d’expliquer la portée et sa contribution à une République réconciliée avec tous ses citoyens. On peut modifier l’opinion des individus vis-à-vis de cette question à l’aide de discours et politiques publiques élargissant d’une part la notion de citoyenneté et d’appartenance. En ce sens, on ne peut continuer à ignorer la place des étrangers dans la vie de nos communes en refusant de leur donner les mêmes droits et devoirs politiques. Il s'agit avant tout d'une question d'égalité d'accès au droit de vote pour tous. À cet égard, Je le vois comme un pas indispensable vers une réconciliation nationale. Et qu’y a-t-il de plus démocratique à vouloir inclure dans la vie politique une partie de ses acteurs. Plus que jamais, en associant pleinement les étrangers à la vie citoyenne locale, cette mesure représenterait un facteur d’intégration et de cohésion sociale considérable.
- Conclusion
« Dans les quartiers, les enfants d’immigrés installés depuis des années en France, qui eux sont né en France et sont Français, sont désintéressés de la politique. Ils voient que leurs parents ne sont pas reconnus, alors qu’ils sont là pour certains depuis des dizaines d’années, qu’ils font partis de cette France. Du coup, il ont du mal eux-mêmes à se sentir reconnus par la République. Le vote des étrangers aux élections locales c’est un outil d’intégration, pour les immigrés comme pour leurs enfants, qui eux sont Français. » disait Mohamed Mechmache, président fondateur du collectif Assez le Feu.
Abraham Lincoln disait "Un bulletin de vote est plus fort qu'une balle de fusil". Ces enfants s'ils votent, ils ne tireront pas d'autres balles ailleurs pour des causes récusables!
Je termine en paraphrasant Pierre Desproges :"l'immigré ne croit pas au père Noël, il vote". Alors donnez lui ce droit!