- Le buzz à tout prix
Le buzz à tout prix. Le chroniqueur Eric Zemmour, habitué des propos racistes, se lance désormais sur les pas de Dieudonné. Samedi 4 octobre, Eric Zemmour était l’invité de l’émission de France 2 « On n’est pas couché », à l’occasion de la sortie de son nouveau livre, Le Suicide français, et a osé dire « Pétain a sauvé les Juifs français »
S’il fallait retenir deux choses dans l’actualité médiatique de ces dernières semaines (hors affaires Sarkozy), on peut citer sans conteste les succès d’édition et l’impunité d’Eric Zemmour, la nouvelle norme sociale.
1. Succès. Son dernier souhait titré «Le Suicide Français» rencontre un succès d’édition, et pulvérise le record de vente de « Merci pour ce moment» de Valérie Trierweiler nous apprend la presse. C’est bien pour son portefeuille, reste le prix Pulitzer (et le Femina à Trierweiler) pour parfaire ce nouveau soundtrack.
2. L’impunité. Il est omniprésent dans les médias et semble jouir d’une impunité sur son contenu (GPA, l’immigration, les étrangers etc), sur ses formules teintées de révisionnisme, excelle dans le rabâchée médiatique, un modèle piqué de trous de l’extrême droite, un vrai champion de poncifs décoratifs maintes fois reproduits contre les "étrangers", la marque de fabrique de l’«horloge parlante de l’extrême droite».
La raison évoquée dans les cafés web, sur les ondes et à la télé est imparable: "Oui mais, il fait de l’audience!". Mot clé: L’audience! Si l’on s’arrête au «succès d’audience», ou «d’édition», il faudrait de facto (je suppose) ouvrir les vannes de la tolérance médiatique à tous les prêcheurs du dimanche, qu’importe si le contenu n’est pas en phase avec le socle de l’acceptable, tant qu’il y a de l’audience…
Alors, faut-il s’inquiéter des conséquences éventuelles de ces thèses dans l’espace public? Non, je ne le pense pas (si j’ose dire), d’ailleurs, le fondamentalisme de la ManifPourTous, cette autre fratrie-Zemmour, participe elle aussi à l’édification de cette nouvelle idéologie structurante dans notre société, avec de très bons relais dans la presse, particulièrement sur les chaines d’info (sur BFMTV, iTélé etc). Dans ce tableau idyllique du Djihâdisme médiatique, manque à l’appel l’autre groupuscule, la fraction rivale de ce nouvel "État médiatique", de dangereux marginaux toujours très actifs dans ce réseau social: le clan «Soral & Dieudonné».
Le qualificatif « Djihâdisme » appliqué à ceux qui l’usent à hue et à dia avec amalgame tel une profession de foi, et en toute liberté sur nos plateaux télés (et à la radio), cet qualificatif s’impose. En effet, leur interprétation du Concile de la République est fondée par l’établissement d’une nouvelle société, un Khalifat à leur image, Ils prônent l’édification d’une société basée sur des croyances, professent des contrevérités via des vidéos de propagandes en boucle sur les chaînes d’info, posent des mines de contrevérités sur le chemin de nos croyances républicaines, fascinent les djihâdistes en herbe lors de processions populaires dans les rues de grandes villes (Manifpourtous !) et, sont capables de se donner la mort sur la place publique par conviction religieuse. (exemple: le suicide du dihâdiste théoricien de l’extrême droite, partisan de la Manifpoutous à Notre Dame de Paris- le 21 mai 2013)
Précision: Il n’est pas question de restreindre une quelconque "liberté d’expression" comme semble le penser Philippe Bilger dans Le Figaro, encore moins d’établir une «loi contre Eric Zemmour», et surtout pas des plumes et goudron les adeptes de ce nouveau Khalifat de l’audience. Ce billet constate et interroge si besoin, sur la permission octroyée à ces portes étendards de l’extrême droite française.
Oui, le Djihâdisme est une menace bien identifiée, une bête bicéphale très visible à l’extérieur, mais sournoise et presqu’invisible à (de) l’intérieur. Il faut peut être l’accepter (je suppose encore une fois), et je crois qu’il nous sera difficile de refuser à d’autres djihâdistes le droit d’éditer des pamphlets à succès ou, de crier à la discrimination médiatique.
- Zemmour verse dans le révisonnisme
Souvent les termes « révisionnisme » et « négationnisme » sont confondus. Le révisionnisme a, depuis les années 70 et l’arrivée des négationnistes tel Faurisson, pris le sens d’une négation de l’histoire. Hors, le révisionnisme est, ou était, la révision classique de l’histoire au gré de la découverte de nouvelles archives. Le terme négationnisme a été ensuite créé par l’historien Henry Rousso en 1987 pour signifier la négation de l’existence de la Shoah, puis par extension la négation, la contestation ou la minimisation d’autres faits historiques. Dire que Pétain a sauvé des Juifs est une honte. Honte pour les familles décimées par le Maréchal. Honte pour ceux qui cachés ont pu survivre et refaire une vie. Mais c’est surtout, si on laisse l’émotion de côté, une honte car cela est faux historiquement.
Le premier statut des Juifs, en date du 3 octobre 1940, prévoit d’enfermer les étrangers juifs dans des camps d’internement au sud du pays comme celui de Gurs où ils seront rejoints par des convois de Juifs déportés par les Allemands depuis des régions que le IIIe Reich considère comme définitivement annexées, comme l’Alsace, la Lorraine et même, pour certains, de Belgique. Il est renforcé neuf mois plus tard par le statut du 2 juin 1941 qui autorise les préfets à pratiquer l’internement administratif de Juifs de nationalité française. En 2010, les historiens découvrent, 70 ans après, jour à jour, le statut des Juifs du 3 octobre 1940. Nous avions alors interrogé Richard Odier, président du centre Simon Wiesenthal, qui avait déclaré que ce document était « une confirmation vis-à-vis des non spécialistes de l’antisémitisme de Pétain ». Selon lui, « il circule encore une idée fumeuse tentant de minimiser le rôle du Maréchal pour en faire un vieillard sénile. Ce document fait taire ce type de discours qui restent présents, et cela malgré la déclaration de Jacques Chirac de 1995, qui apparaît aux yeux du grand public comme la reconnaissance d’une collaboration active et non subie avec le régime nazi. Encore récemment, François Fillon, lors de la commémoration de l’attentat de la synagogue de Copernic a condamné les propos antisémites de Raymond Barre. On revient de loin, mais on ne peut être que positif.»
On aura vu ce samedi soir Léa Salamé extrêmement rigoureuse accuser Eric Zemmour de pratiquer « la haine de soi » .
Depuis l’ouverture des archives en 1997, et surtout suite à la loi sur les archives de 1979, qui voit la question du délai avant consultation être codifié, les historiens et plus difficilement les citoyens ont pu accéder aux sources. La folie administrative révèle son aspect tristement merveilleux, tout est consigné.
Eric Zemmour ose citer Alain Michel : il faut du culot ! L’historien a expliqué comment la France ne s’est pas vidée de tous ses Juifs. Oui, tous les Juifs de France n’ont pas été déportés. Seulement 25%. Seulement… Quand on frise les 100% en Lituanie ou en Pologne. Mais grâce à Pétain ? Certainement pas. Grace à l’organisation des réseaux de résistance et aux Justes. C’est tout. Il ose aussi parler de « Doxa » en citant Robert Paxton, l’historien américain qui a écrit le premier ouvrage faisant référence sur l’antisémitisme organisé de l’Etat Français, La France de Vichy.
En réalité, Eric Zemmour utilise ici un ressort classique de l’extrême droite française, jetant dans le bruit du débat une phrase apparemment simple, et qui demande le temps de la connaissance pour révéler la profondeur de son imposture.
(*) Extémités