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Billet de blog 8 novembre 2014

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Les espoirs de François Hollande pour 2017

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 « Les défaites d'un homme ne jugent pas les circonstances mais lui-même »

Le Mythe de Sisyphe – Albert Camus (1942)

A mi-mandat, le chef de l'Etat conditionne sa candidature en 2017 aux résultats économiques. Il a trente mois pour changer le cours de l'histoire. Mais, pour espérer y parvenir, plusieurs conditions épineuses devront être réunies.

Dans la mythologie grecque, et depuis l'époque des poèmes d'Homère, Sisyphe est le plus astucieux des hommes : il développe la navigation et le commerce, mais se montre avare et trompeur et tue des voyageurs.

Sisyphe n'est pas qu'un mythe. Sisyphe est incarné par François Hollande à l'Elysée. Il avait lui-même osé la comparaison avec ce personnage contraint de pousser inlassablement un rocher jusqu'au sommet d'une montagne, sans jamais y parvenir.

Pour cela il utilise une métaphore de l'engagement et de la persévérance.

Et pourtant. Deux ans et demi après sa victoire, François Hollande semble toujours condamné à un « combat sans fin ». Les résultats se font attendre. Le « changement » promis n'est pas perceptible.

Marine Le Pen a laissé entendre qu’elle a déjà zappé François Hollande de 2017 et se concentre sur son prochain adversaire de droite cette fois ci ! Elle rêve même d’être en tête au 1er tour de la présidentielle !!

Le propos de Cécile Duflot « Si tu n'y crois plus François, si tout ce pourquoi tu as censément milité, tu penses que c'est périmé, arrête, laisse-nous faire ! » à l’endroit de François Rebsamen serait-il transposable sur François Hollande ?

Cohen Bendit demande à François Hollande d’annoncer qu’il ne se présente plus même avec des résultats.

“Hollande, c’est fini”  fait son chemin ouvertement à gauche, qui se posent les questions sur ce que ça change pour la fin du quinquennat ? Titre l’Atlantico dans son numéro du 14.10.2014. Une partie de l’électorat de la gauche socialiste s’interroge sur cette fin « prévisible » de François Hollande pour 2017.

C’est la première fois, qu’en présence du président en place, des éléments de son propre camp s’interrogent ouvertement sur « l’après »… Sous François Mitterrand en 1994-1995 la question se posa naturellement parce qu’il était clair que le président de la République ne repartirait pas pour un troisième septennat.

Sous Jacques Chirac en 2005-2006 la situation était la même.

En revanche pour Giscard en 1979 et Sarkozy en 2010, à deux ans de la fin de leur mandat, nul ne songeait dans leur propre parti à contester leur « droit » quasi-automatique, à leur propre succession.

Même dans la situation de « premier président de cohabitation » à l’été 1986, personne au PS n’osa imaginer que François Mitterrand ne pourrait se représenter en 1988.

Même moqué tous les soirs à la télé par les « Guignols », Jacques Chirac revêtu de la tunique de « Super-menteur » en 2000, ne fut lui aussi remis en cause à droite pour une candidature à un second mandat.

C’est dire combien François Hollande est désormais fragilisé jusque dans son propre camp.

Un constat accablant et la cause, pour beaucoup et la gauche doit se trouver un autre leader pour 2017.

  • Que lui resterait-il ?

« On peut poser en principe que pour un homme qui ne triche pas, ce qu'il croit vrai doit régler son action ».
Le mythe de Sisyphe – Albert Camus (1942)

Il reste trente mois à François Hollande pour réécrire l'histoire. Trente mois pour sauver son quinquennat et se sauver lui-même.

Trente mois pour « ne pas repartir sous les lazzis (*) », selon la formule d'un ministre, convaincu que le président « n'a pas dit son dernier mot ». Lui, en tout cas, s'en croit toujours capable. Et s'accroche à quelques espoirs, si ténus soient-ils. L'un est économique ; l'autre, d'ordre personnel ; le troisième, très politique. Mais, pour rebondir, il aura besoin de quelques conditions:

  • Des résultats en attente

François Hollande même s’il a peut-être douté de sa politique, il n'en changera plus car il n’aurait plus le temps, d’ici à 2017, de produire des effets. Il n'a plus le choix puisque cela reviendrait à n'avoir ni les fruits espérés de la politique menée, ni ceux de la nouvelle.

François Hollande ne peut pas se contenter de montrer qu'il fait du mieux qu'il peut. Il a un besoin impératif de résultats pour démontrer, enfin, la pertinence des décisions qu'il a prises.

Notamment sur le front de l'emploi, alors qu'il a échoué à inverser la courbe du chômage en 2013 et a conditionné sa candidature à une baisse.

« Le jour où ça arrivera, se projette un proche, un petit coin de ciel bleu s'ouvrira. » C'est un pari sur le temps.

Le pacte de responsabilité et le contexte économique européen y suffiront-ils dans les deux ans et demi à venir ? Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie, a avoué que les réformes « donneront leurs fruits dans deux ou trois ans au mieux, et leur plein effet dans dix ans ».

Trente mois, c'est long, mais cela passe aussi très vite. L'équation est d'autant plus compliquée qu'il faut que le climat s'améliore suffisamment tôt et fort pour que les Français y croient, et surtout ressentent l'amélioration. Et, même dans cette hypothèse, il reste à voir s'ils créditeront François Hollande de cette embellie.

L'incertitude se double d'un écueil : quoi qu'il en soit, on voit mal comment François Hollande pourrait échapper à un nombre de chômeurs supérieur en fin de quinquennat à ce qu'il était mi-2012.

Sa stratégie tient en un mot : « espérer ».

Obama disait en se lançant dans sa course à la présidence du plus grand Etat du monde, « Refus d’admettre la réalité, colère, marchandage, désespoir : je ne suis pas sûr d’être passé par tous les stades décrits par les experts. A certain point, je sis cependant parvenu à accepter mes limites et, d’une certaine façon, mon caractère mortel....J’ai fait l’exercice, j’ai lu des romans, j’ai fini par prendre du plaisir à la course de la Terre autour du soleil, au simple fait que les saisons se succèdent sans que j’y sois pour quelque chose ».

C’est cette acceptation de la réalité qui conduira surement François Hollande, en levant un peu la pression du résultat coûte que coûte, qui aiderait le Président à aborder cette deuxième partie du quinquennat plus sereinement.

Un besoin de se libérer de la pression par le bas niveau de ses espérances, renforcé par une crédibilité à retrouver, basé sur l’énergie qui lui est connue qui lui permettront de dégager les horizons.

C’est certain, durant les quelques mois qui vont suivre, aucune révélation aveuglante ne rejaillira de la machine économique. La modicité des espoirs des gens, et la similarité de leurs convictions, quelques soient leurs point de départ, leurs origines, leur région ou leur classe sociale, sont là, bien là !

  • Une image à reconstruire

Dans l'attente des résultats, François Hollande doit retisser un lien avec les Français, dont c'est peu dire qu'il s'est distendu.

A mi-mandat, François Hollande est à cet égard en lambeaux. L'homme n'est pas détesté mais c'est peut-être pire encore : il est sorti des écrans radars. Il génère une indifférence cruelle, comme « zappé » par des Français auxquels il ne parvient plus à parler et qui, pour la plupart, ne l'écoutent même plus. Parler de la France ne suffit plus.

Il doit « parler de la France aux Français », les yeux dans les yeux !

L'image du président, si affaibli que toute la gauche mise presque ouvertement sur le post-hollandisme, s'est abîmée à une vitesse vertigineuse.

La faute à son impuissance, à sa manière d'exercer le pouvoir, à son langage trop technocratique mais aussi au livre de Valérie Trierweiler, qui a semé le doute sur la personnalité réelle du président.

Les Français ne savaient que trop qui était Nicolas Sarkozy - ils l'ont rejeté pour cela. Mais ils ne savent plus bien, aujourd'hui, qui est François Hollande. Sa carte d'identité est brouillée.

Le défi est titanesque pour un politique qui a toujours fait l'impasse sur son récit personnel. Sans compter que la première moitié du quinquennat ne s'effacera pas d'un trait de plume et qu'il est malaisé de retrouver une empathie tout en cherchant, dans le même temps, à peaufiner une stature d'homme d'Etat, elle aussi, écornée - sauf sur l'international.

La très grande majorité des Français estiment que toute personne souhaitant travailler devrait pouvoir trouver un emploi lui assurant de quoi vivre. Que les gens ne devraient pas déposer le bilan parce qu’ils tombent malades ou perdent leur emploi. Que chaque enfant a droit à un enseignement de qualité, et que ce même enfant doit pouvoir faire des études même si ses parents ne sont pas riches. Ils veulent un air et de l’eau purs, du temps avec leurs enfants. Et pouvoir une fois vieux, prendre leur retraite dans la dignité et le respect.

Ce n’est pas demander la Lune. Et s’ils comprenaient que leur réussite dans la vie dépendait en premier lieu de leurs efforts, s’ils n’attendaient pas du gouvernement qu’il résolve tous leurs problèmes et s’ils n’aiment pas voir gaspiller l’argent de leurs impôts, ils n’en pensaient pas moins que le gouvernement se devait de les aider.

François Hollande devrait dire aux Français que le gouvernement ne peut pas résoudre tus leurs problèmes mais, avec quelques changements dans l’ordre des priorités, il peut assurer à chaque enfant une vraie chance dans la vie et relever les défis auxquels ils sont confrontés en tant que nation.

François Hollande devrait proposer la réécriture du récit français post-crise. Des réflexions sur les valeurs et les idéaux qui valorisent la politique,  sur la façon dont le discours actuel divise les Français.

François Hollande devrait rappeler et s’y tenir, qu’il est contre la politique qui favorise constamment les riches et les puissants au détriment des français de la classe moyenne et qu’il s’engage à ce que le gouvernement donne une chance à chacun.

François Hollande devrait rappeler que la recherche scientifique et la lutte contre le réchauffement de la planète sont des gages pour défendre l’espèce humaine. Il doit rappeler que la liberté d’expression, politiquement correcte et incorrecte, devraient être garanties. Il doit rappeler  que le gouvernement ne devrait pas imposer des convictions religieuses, quelles qu’elles soient, y compris les chrétiennes, aux non-croyants.

François Hollande devrait rappeler que la France est une terre multiculturelle en gardant sans cesse l’esprit  que des générations d’hommes et de femmes au sang mêlé ont été stigmatisés, toujours conscient des manières subtiles et moins subtiles dont l’appartenance à une race et à une classe sociale continue à modeler les vies des Français.

François Hollande devrait se remémorer ce que disait le documentaire de Madame Benguigui, avant qu’elle soit ministre, intitulé « Le Plafond de verre ». Elle pointait les ravages de la « désintégration » républicaine qui sont apparents dans les ghettos. Dans l’éducation, certaines orientations « éthniques » prolongent la dure réalité de certains de trouver des stages pratiques gratuits dans le cadre de leur formation, parce que trop basanés.

La « bonne » configuration politique

En politique, rien n'est jamais terminé. François Hollande le sait mieux que quiconque, lui qui était à 3 % dans les sondages un an avant la primaire PS.

Outre le contexte, elle dépend de l'offre politique. La guerre ouverte à droite et le retour d'un Nicolas Sarkozy qui fait figure d'épouvantail pour la gauche redonnent de l'espoir au président.

La gauche n'est plus seule à s'agiter sur la scène. La droite est là, désormais, et c'est projet contre projet.

François Hollande a à agir face à l’arrogance parfois du Parti Socialiste, face à son indifférence dogmatique.

Pour cela, rappeler qu’il croit à l’économie du marché, à la concurrence, à l’esprit d’entreprise, et qu’un bon nombre de programmes gouvernementaux ne fonctionnent pas comme il est proclamé.

François Hollande devrait sortir des hésitations  sur  certaines réformes structurelles. Le pays a peut être besoin de plus d’ingénieurs que d’avocats.

Il devrait rappeler qu’il rejette la politique reposant uniquement sur la discrimination selon les origines, le genre et la victimisation en général.

François Hollande devrait montrer sa fermeté sur les situations affligeantes dans les quartiers défavorisés, ce qui participe à l’effondrement social et culturel et que l’argent ne guérira pas fut-il celui des qataris dans les banlieues.

Sa chance serait d'être au second tour face à Marine Le Pen. Mais encore faut-il, pour cela, se qualifier.

Ce qui ne va pas de soi, tant le chef de l'Etat s'est mis la gauche à dos.

Non, décidément, Sisyphe n'est pas qu'un mythe…

(*) Les lazzi, de l’italien lazzo : lien, sont, dans le théâtre all’improviso, la commedia dell'arte, toutes sortes de plaisanteries burlesques, soit en paroles, soit en actions, des jeux de mots, des grimaces, des gestes grotesques et jusqu’à des détails de farces sur tréteaux.

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