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Billet de blog 9 janvier 2014

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Dieudonné interdit : Interdire au nom de l'antisémitisme, vaut aussi pour les islamophobes

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«Avec cette interdiction, vous autorisez votre successeur de droite à m’interdire moi, humoriste de gauche, parce que je tiens des propos qui lui déplairaient » Guy Bedos

Dieudonné interdit : Interdire au nom de l'antisémitisme, vaut aussi pour les islamophobes

Manuel Valls, les risques politiques et les ambitions

Manuel Valls a ouvert cette journée à hauts risques pour la démocratie avec la déclaration suivante « Face à la mécanique de la haine, il faut de la fermeté et de la sérénité »

On ne peut être que d’accord, si ce n’est que la fermeté et la sérénité n’ont pas toujours été mises en œuvre face aux atteintes racistes, islamophobes, antisémites,  xénophobes.

  • Musulmans et Juifs : tous des Sémites

Sémite: le mot désigne une personne qui appartient à un groupe ethnique originaire d'Asie occidentale, dont les peuples parlent ou parlèrent des langues apparentées, dites sémitiques. - sémitisme - sémitisant, ante - antisémite: vient de l'emploi péjoratif et de sémite pour "juif" - antisémitisme - antisémitique

Les Sémites le plus en avant sont aujourd'hui des Arabes et des juifs. Beaucoup de similitudes dans les histoires de l'Islam et du judaïsme reflètent une histoire antique commune.

Donc dans tout ce qui suivra, l’antisémitisme est aussi une attaque contre les arabes de religion musulmane.

  • Faiblesse juridique

Même au sein du PS, des voix se sont manifestées pour mettre en garde contre la fragilité juridique de la démarche :

«Ce n'est pas au ministre de l'Intérieur de dire quand on peut ou ne pas rire».a déclaré Olivier Faure. Avec cette déclaration, il confirme ce qu’a déclaré Pierre Joxe (Elle n’est pas viable) ou Jack Lang («Je suis convaincu que cette circulaire n'est pas conforme au droit. La liberté [d'expression] est la règle dominante et pour lui porter atteinte il faut de vraies raisons et le Conseil d'État pose des restrictions très rigoureuses»), Ou encore celle de Pierre Cohen, Maire de Toulouse qui met en garde «Ce que je veux, c'est une efficacité, pas une posture politique»,

La seule issue qui n’est pas sans risques à postériori, tant elle sera porteuse d’une jurisprudence difficile à maintenir. Elle créera un précédent dans le traitement des limites entre l’humour et la politique. Elle devra passer par le Conseil d’Etat dans le cas d’annulation de l’application par le tribunal administratif.

Dans les institutions de la Cinquième République, son premier rôle est celui de conseiller le gouvernement. Son second rôle est celui de plus haute des juridictions de l'ordre administratif,

Pour certains, ce cumul de fonctions pose problème quant à l'exigence d'impartialité du juge, posée notamment par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Quelle que soit sa décision, Le Conseil d'État est néanmoins soumis aux décisions du tribunal des conflits (*) qui tranche les conflits de compétence et que Dieudonné et ses avocats pourraient saisir.

Sans oublier de se poser la question suivante : Ne sera-t-il pas tenté de confondre ses deux fonctions et parer au plus simple ?

  • Risque politique

« En ce qui me concerne, j’assume la part du risque », déclare Manuel Valls.

Assume-t-il cet amateurisme de combat frontal face à un « humoriste » qui brave les frontières de la parole autorisée et va continuer à le faire ?

La droite solidaire le restera-t-elle ou va-t-elle se désolidariser.

Elle commence par critiquer la méthode utilisée par Manuel Valls. Que dira cette droite face à l’invalidation du Conseil d’Etat ? C’est sur cette décision ne l’aidera pas dans son inconstance et de son incohérence !

Quand à la gauche, elle reste comme elle l’a toujours été : ambiguë et pas très claire. Elle n’a jamais pris la mesure du « deux poids deux mesures » entre la lutte contre l’antisémitisme et les autres causes racistes et particulièrement l’islamophobie ou le racisme anti arabes et noirs. 

  • Risques supplémentaires pour le Président de la République

Certes des soutiens du Président de la République et du Premier Ministre ont été apportés à Manuel Valls dans son initiative., mais la mobilisation dont parle Manuel Valls n’est pas très forte de

Saisir le Conseil d’État en urgence? Encore une précipitation de Manuel Valls. S’il obtient gain de cause, la victoire n’en sera pas une et, l’indépendance de la justice que François Hollande instaure depuis "le Cas Cahuzac" va prendre un sacré coup dans l’aile. Il faut mettre fin à l’antisémitisme de Dieudonné, c’est une obligation, peut être sans Manuel Valls, disait Edwy Plenel.

En faisant appel au Conseil d’Etat, Manuel Valls accentue le risque politique dont il ne subira pas seul les effets. Le Conseil d’Etat a invalidé la décision du tribunal administratif .Cela laisse un goût amer au citoyen lambda qui comprendra que la plus haute juridiction de notre pays, ne reconnaît pas une décision d’un tribunal faisant partie de son organisation, pour ne pas désavouer le Ministre, qui de fait se trouve à l’origine de l’attisement des troubles à l’ordre public.  C’est un retour à une forme de « République monarchique » ou le représentant de l’Etat, en l’occurrence le Ministre  qui au nom de la stabilité et de l'ordre social, fait que le pays de la Révolution de 1789, restaure la monarchie.

Il ne s’agit nullement que  d’affaire de procédure et de hiérarchie de normes. Il s’agit d’interprétation sur base de suspicion et de potentialité de troubles à l’ordre public qui ne peut être jugé qu’à postériori, que sur des faits et des actes réels et dont la responsabilité est bien identifiée !

  • Plus value Politique

Quand Manuel Valls parle de gain politique en parlant des Maires, des Préfets ou des associations antiracistes et contre l’antisémitisme. De qui se moque-il ?

En France l’antisémitisme est un délit et tout citoyen, toute institution, tout acteur de la vie politique, ou de la société civile devrait être sensibilisé dans la lutte contre ce mal.  Et cela ne date pas de l’affaire Dieudonné. Ce qui est en jeu c’est la vigilance de l’Etat publique 

Un Ministre de gauche, dans un gouvernement de gauche, avec le soutien d’un président de gauche qui participe à l’hystérisation de la France depuis 1 mois pour aboutir  à la violation d’un fondement du pacte républicain : la liberté d’expression

Le seul gain possible c’est de mettre fin à la libération de la parole raciste islamophobe et antisémite.

Celle des dirigeants du Front national dont Marine Le Pen qui a vu son immunité parlementaire levée pour Islamophobie sans qu’elle répande devant la juste de ses outrances,

Celle de Valeurs actuelles qui titre « Pourquoi l’islam fait peur aux Français ? », car les musulmans sont autant de cibles de l'antisémitisme que les juifs,

Celle d’Eric Zemmour pour ses propos relatifs aux « trafiquants, pour la plupart noirs et arabes »,

Celle des candidats du Front national, contre Christiane Taubira, contre Jean-François Copé,

Celle Charlie Hebdo caricaturant Mahomet,

Celles, banales d’hommes et de femmes politiques tels que Hortefeux, Guéant et d’autres.

Sans parler de celles des humoristes Desproges (on me dit qu’il y’a des juifs dans la salle), de Coluche (On ne peut pas faire de l’humour sur les juifs car ils sont intouchables) ou la dernière sortie de Gaspard Proust (En France on a des problèmes avec les nazis, quels qu’ils nous ont fait ?)

Et on peut citer d’autres.

  • Une interdiction qui ne règle rien

Elle est néfaste politiquement à la classe politique,

Elle sert une ambition politique qu’on le veuille ou non,

Elle victimise un humoriste dont le propos est certes nauséabond mais d’autres propos l’était au moins autant sans réaction du même ordre de la part de l’Etat Français.

Et pardessus tout, elle rompt avec un principe fondamentale du pacte républicain, celui de la liberté d’expression.

Dieudonné ne se revendique que de lui même et ne constitue pas une force politique, même avec ses opinions politiques. La république allait elle interdire à un humoriste de se positionner politiquement, comme l’ont fait tous les soutiens de François Hollande en 2012 , ceux qui ont soutenus Sarkozy en 2007 ou ceux qui ont pris fait et cause pour Mitterrand en 1981 ?

Non ils ont été salué et ont été choyé ! Alors pourquoi lui interdire de s’opposer à la politique d’Israël, même si ses mélanges juifs / sionistes sont des énormités.

 (*) Le Tribunal des conflits est une juridiction composée à parité, de membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation. Il a pour mission de résoudre les conflits de compétence entre les juridictions de l'ordre judiciaire et les juridictions de l'ordre administratif et de prévenir un déni de justice dans le cas de contrariété de décisions définitives rendues, dans le même litige, par une juridiction de chacun des deux ordres.

Il pourrait être saisi par les avocats de Dieudonné à des fins de confrontation des deux décisions, celle du Tribunal administratif de Nantes et celle du Conseuil d'Etat.

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