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Billet de blog 13 janvier 2016

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«Déchoir», Réponse à Jean-Claude Boulard

Avoir deux ou plusieurs nationalités n'a rien d'avantageux. C'est une ci séquence d'une histoire en grande partie coloniale.

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Dans une tribune intitulée : "Principe d'égalité et de déchéance de la nationalité", le Sénateur-Maire PS de la Sarthe, Jean-Claude Boulard expose sa vision du sujet de la déchéance de la nationalité du point de vue du droit.

Il s'agit dans de la  reprise simpliste de la déclaration du Conseil d'Etat (citant le Conseil Constitutionnel ) qui consiste à dire qu'avoir deux nationalités (la francaise et une autre) correspond à un avantage et qu'en matière de droit l'égalité justifierait que la déchéance de la nationalité ne viserait que les binationaux sans atteindre à l'égalité des citoyens devant le droit.

Le Conseil d'Etat, dans son avis du 11 décembre 2015, a considéré que la déchéance  de nationalité devrait être inscrite dans la Constitution "eu égard au risque d'inconstitutionnalité qui pèserait sur une loi ordinaire". Pourtant il a écarté l’argument d’une méconnaissance du principe d’égalité pour deux raisons : d’une part, selon lui, "les binationaux ne sont pas, au regard de cette mesure, dans la même situation que les personnes qui ne détiennent que la nationalité française, car déchoir ces dernières de leur nationalité aurait pour effet de les rendre apatrides."

Le Conseil Constitutionnel cité dans l'avis considère que les personnes nées françaises et celles ayant obtenu la qualité de Français par acquisition « sont dans la même situation au regard du droit de la nationalité ».

Ce qui fait penser au Défenseur des droits, dans son Communiqué du 23 décembre, que cette mesure n’est pas conforme à l’esprit de notre République « indivisible » (art. 1 Constitution). D’autant que le Conseil d’Etat précise aussi que cette mesure « pourrait se heurter à un éventuel principe fondamental reconnu par les lois de la République interdisant de priver les Français de naissance de leur nationalité ».

Il ne fait pas oublier que le droit français en la matière  s'aligne sur les conventions internationales ratifiées par la France en matière des Droits Humains (Déclaration Universelle des Droits Humains et principe de la garantie des droits proclamé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 (incorporée au bloc de constitutionnalité), la Convention Européenne des Droits de l'Homme ( qui pourrait juger que la déchéance de la nationalité française constitue une restriction excessive du droit au respect de la vie privée ou familiale, donc une violation de l’article 8 de la  Convention européenne des droits de l’homme ; le cas échéant elle pourrait aussi juger que l’expulsion de la personne ainsi sanctionnée vers un pays pratiquant la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants constitue une violation de l’article 3 (arrêt Daoudi c. France CEDH 3 décembre 2009). Dans les deux cas la France pourrait être condamnée.

Mireille Delmas-Marty professeure de droit au Collège de France rappelle : "la nationalité française représente en effet dès la naissance, un « élément constitutif de la personne » et « confère à son titulaire des droits fondamentaux dont la privation par le législateur ordinaire pourrait être regardée comme une atteinte excessive et disproportionnée à ces droits ». Dès lors, cette mesure pourrait être jugée contraire au principe de la garantie des droits proclamé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 (incorporée au bloc de constitutionnalité).

La lecture de l'avis du Conseil d'Etat ne suffit pas pour en avoir le coeur net.

Le sentiment créé par cette mesure auprès de populations qui souffrent de stigmatisations est néfaste pour la démocratie et pour la République. Un sentiment d'être des "faux" français.

S'ajoute à cela le risque de créer des apatrides, alors que selon la Déclaration universelle des droits de l’homme « toute personne a droit à une nationalité » (art.15 DUDH) et alors que le Pacte Onu sur les droits civils et politiques (ratifié par la France) considère comme un droit « indérogeable », même en cas de « danger public exceptionnel », le droit de toute personne « à la reconnaissance en tout lieu de sa personnalité juridique » (art. 4 et 16 PIDCP) .

L'égalité oui, surtout quand les inégalités touchent plus de binationaux que de mono-nationaux!

La déchéance qui renforce le traitement inégalitaire d'une partie des citoyens c'est non!

La déchéance qui rompt avec l'humanité de la République c'est non!

L'apatridie est contraire au droit donc c'est non!

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