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Billet de blog 17 juillet 2014

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Le Droit de vote des étrangers et le récit national français : Le triangle des Bermudes de la démocratie

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le Droit de vote des étrangers et le récit national français

 Le triangle des Bermudes de la démocratie

Et si c’était une autre facette de la bataille contre la tentation au Djihadisme?

« Le droit de vote, ce n'est pas l'expression d'une humeur, c'est une décision à l'égard de son pays, à l'égard de ses enfants. » citation de Jacques Chirac, à extrapoler au Droit de vote des étrangers....

La question du Droit de Vote des Etrangers, est doublement d’actualité:

Presque 170 ans après le « suffrage universel », le 5 mars 1848… il est plus que légitime de poser les jalons d’une réforme des modes de scrutins qui permettront à tous les citoyens français, sans exception de disposer des mêmes droits électoraux.

Les dernières élections municipales, ont permit pour la 3ème fois, à des électeurs européens (ceux qui ont la nationalité d’un des 26 autres Etats membres de l’Union européenne) de pouvoir voter (et se présenter comme candidat) à ces élections. Ceci a été instauré par le Traité de Maastricht en 1992, mais la France a été très longue à le transposer dans son droit interne. Il a fallu attendre les élections municipales de 2001 pour la première fois.

Ainsi, des Allemands, des Danois, des Portugais, des Italiens ont voté. Ont voté également des Chypriotes, des Polonais, des Bulgares, des Roumains qui ont rejoint l’UE, et qui parfois, viennent juste d’arriver en France depuis quelques mois. Par contre, des étrangers qui vivent depuis très longtemps ici, et notamment, mais pas seulement, ceux qui parfois sont nés dans les colonies françaises ne pourront pas voter. Les Marocains, les Algériens, les Tunisiens, tous les non-européens, mais aussi les Suisses, les Norvégiens (car leur pays ne fait pas partie de l’UE) ne peuvent pas voter.

Ainsi, la question est importante, fondamentale même pour la démocratie.

D’où partons nous ? Quels sentiments dominent celles et ceux qui attendent ce droit ? Quid de la gauche et ses idéaux égalitaires ?

Cet article a pour objectif d’interpeller la gauche, celle au pouvoir et celle qui ne l’est pas, et la solliciter pour agir pour un droit des plus légitimes : le Droit de Vote des Etrangers.

Que la gauche se dote de cette dose de courage nécessaire pour renverser la table !

  • Des êtres « invisibilisés »

Du béton sur lequel est gravée la violence qui nous est faite, notre rage d’être sans cesse relégués au second plan, d’être « invisibilisés » dans les centres décisionnels de la ville ou dans une France que nous avons choisi comme patrie, de n’être utilisés qu’au moment des fêtes et des galas de danses hip-hop, finalement notre rage d’être encore et toujours considérés comme des sujets coloniaux, des êtres inférieurs.

C’est cette même rage qui avait amené les marcheurs pour l’Égalité de 1983 à manifester leur refus du racisme, des crimes policiers, la revendication d’être traités comme des citoyens lambda. Ce mouvement pour l’Égalité aurait pu donner naissance à un ou plusieurs partis ou mouvements autonomes, héritiers de l’Étoile Nord-Africaine et du Mouvement des Travailleurs Arabes (MTA) structurés sur une idéologie solide qui reprenne les fondamentaux de Fanon et de Malcolm X, une idéologie qui mette au centre notre dignité et notre libération. Mais non, à la place, la gauche s’en est servie pour créer SOS racisme, pour endiguer et désagréger ce mouvement de l’immigration, pour neutraliser son autonomie et son tranchant radical.

Désormais notre visage apparaît en filigrane dans la pâte même du système, comme l’obsession de notre échec et de notre humiliation.

Et bien entendu, ce n’est pas l’attitude de la gauche, attitude qui semble avant tout avoir été dictée par le dérisoire souci des dirigeants de ne pas perdre la face, qui aura permis de dissiper le malaise et obtenu que cesse de s’ulcérer et de saigner au plus vif de nos consciences une blessure.

Les faits sont là, massifs.

Je cite pêle-mêle : les crimes policiers ont continué, et les contrôles au faciès se sont multipliés, et le droit de vote des étrangers est devenu un songe de plus en plus improbable… Et il y a eu le 11 septembre, la loi contre le voile de 2004, l’invasion occidentale de l’Irak, les innombrables interventions françaises en Afrique, encore et toujours la colonisation de la Palestine, la négrophobie et l’islamophobie. Et la gauche toujours et encore plus à l’ouest, replié sur elle-même, toujours aussi fermé dans son champ de vision économiste de la société, incapable de faire un pas vers l’indigène, de comprendre que la lutte des classes dans son acception euro-centrée n’est pas notre priorité, que c’est la question de la dignité, el Karama, qui est essentielle car elle cristallise les siècles de piétinement colonial culturel et identitaire.

Le militant blanc de gauche, aussi sincère soit-il, aura beau avoir lu Fanon, il ne comprendra pas que ma mère ait pu être fière de voir Najat Belkacem (elle ne veut pas lui associer son nom marital car chrétien), à la télé au moment où elle fut nommée ministre des Droits de la Femme, il ne comprendra pas que ma mère n’en a rien à foutre qu’elle soit de droite ou de gauche, que c’est une question de dignité : voir une Arabe bien habillée, et qui parle bien, c’est un bout de dignité retrouvé! Le gauchiste « standard » me reprochera « d’essentialiser » ma mère et ma communauté, et donc une partie de moi-même au final, parce que moi aussi, instinctivement, je pense comme ma mère.

Parce que ma mère m’a transmis au plus profond de moi, dans mon inconscient le plus archaïque, l’idée que nous sommes écrasés, infériorisés, humiliés en tant qu’arabes, en tant qu’étrangers.

Et qu’être à la télé en tailleur, débattre de politique et manier la langue française comme les Français c’est la plus grande réussite possible, même si ses propos sont « objectivement » parfois discutables! Il est là le clivage racial que ne veut pas comprendre la gauche mais que la droite a parfois mieux traité!

On n’a pas pu ne pas être frappés par la répugnance d’une gauche de progrès à s’engager dans les voies de la reconnaissance qualitative des minorités « invisibilisées », sa mauvaise volonté à honorer les 110 propositions de Mitterrand et la 50ème proposition du candidat Hollande(1) et les méthodes qui ont conduit à stigmatiser en permanence ses français de couleurs d’ailleurs, son inaltérable satisfaction de soi , son refus de renoncer pour sa part et en ce qui le concerne aux méthodes antidémocratiques chères à un électorat qui se recroqueville, bref par tout cela qui nous autorise à parler d’une exception française dans la marginalisation de français d’origines d’ailleurs (même si nos enfants sont d’origine d’ici, n’en déplaise à tous..), pour qui la vie est devenue de plus dure que Mitterrand, De Gaulle et bien avant eux Jaurès aux Amériques, ont rejeté

  • Comment taire notre déception ?

Il est très vrai de dire qu’au lendemain du  discours du Bourget nous avons tressailli d’espérance.

On attendait la genèse d’une politique volontariste et probe faisant preuve d’une honnêteté rigoureuse, une désolidarisation avec des décennies de négation, pas un reniement, mais un nouveau et solennel départ, quelque chose comme la gauche fondée une seconde fois... Au lieu du glissement idéologique caractérisant "Les habitants des quartiers populaires qui s'inquiètent des flux migratoires clandestins ne sont pas des racistes", tel que le disait Ségolène Royal dans Le Monde du 25.04.2012, trois jours après que la candidate du FN a recueilli plus de 18 % des suffrages, ou ce que déclarait François Hollande qui estimait le 02.05.2012 sur BFM TV, qu'"il y a trop d'immigrés en situation irrégulière". Nous n’avons vu qu’entêtement dans l’erreur , persévérance dans le mensonge , absurde prétention de ne s’être jamais trompé , bref chez des pontifes plus que jamais pontifiant, une incapacité sénile à se transformer pour se hausser au niveau de l’événement et toutes les ruses puériles d’un orgueil sacerdotal aux abois.

Quoi ! Tous les socialistes et sociaux démocrates d’Europe bougent. Italie, Espagne, Portugal, Allemagne, Grande-Bretagne. Et les socialistes français, au milieu du tourbillon général, se contemple lui, même et se dit satisfait. Jamais je n’ai eu autant conscience d’un tel retard historique affligeant un grand peuple...

Mais, quelque grave que soit ce grief – et à lui seul très suffisant car faillite d’un idéal et illustration pathétique de l’échec de toute une génération – je veux ajouter un certain nombre de considérations se rapportant à ma qualité citoyen avant tout.

Disons d’un mot : qu’à la lumière des événements (et réflexion faite sur les pratiques honteuses de l’antisémitisme qui ont eu cours et continuent encore semble-t-il à avoir cours dans des pays qui se réclament des lumières), j’ai acquis la conviction que nos voies de minoritaires et celles de la gauche tel qu’il est mis en pratique, ne se confondent pas purement et simplement, qu’elles ne peuvent pas se confondre purement et simplement.

Un fait à mes yeux capital est celui-ci : que nous, issus des diversités, en ce moment précis de l’évolution historique, avons, dans notre conscience, pris possession de tout le champ de notre singularité et que nous sommes prêts à assumer sur tous les plans et dans tous les domaines les responsabilités qui découlent de cette prise de conscience :

Singularité de notre « situation dans le monde » qui ne se confond avec nulle autre.

Singularité de nos problèmes qui ne se ramènent à nul autre problème.

Singularité de notre histoire coupée de terribles avatars qui n’appartiennent qu’à elle.

Singularité de nos cultures que nous voulons vivre de manière de plus en plus réelle.

Qu’en résulte-t-il, sinon que nos voies vers l’avenir, je dis toutes nos voies, la voie politique comme la voie culturelle, ne sont pas toutes faites , qu’elles sont à découvrir, et que les soins de cette découverte ne regardent que nous ?

C’est assez dire que nous sommes convaincus que nos questions, ou si l’on veut la question des minorités invisibilisées, ne peut pas être traitée comme une partie d’un ensemble plus important, une partie sur laquelle d’autres pourront transiger ou passer tel compromis qu’il leur semblera juste de passer eu égard à une situation générale qu’ils auront seuls à apprécier.

Ici il est clair que je fais allusion à l’intérêt que porte la gauche aux origines de ces minorités, intérêt par lequel les gouvernements français, de gauche comme de droite, accordait aux gouvernements qui  croulent sous le poids de la corruption et de l’absence de démocratie.

En tout cas, il est constant que notre combat, le combat des minorités dans leur diversité contre le racisme est beaucoup plus complexe – que dis-je, d’une tout autre nature que la lutte de l’ouvrier français contre le capitalisme français et ne saurait en aucune manière, être considérée comme une partie, un fragment de cette lutte.

Je me suis souvent posé la question de savoir si dans des sociétés comme les nôtres, ou les classes moyennes ont une importance politique sans rapport avec leur importance numérique réelle, les conditions politiques et sociales permettaient dans le contexte actuel, une action efficace des socialistes agissant isolément et si, au lieu de rejeter à priori et au nom d’une idéologie exclusive, des hommes pourtant honnêtes et foncièrement acquis au modèle sociétal français, il n’y avait pas plutôt lieu de rechercher une forme d’organisation aussi large et souple que possible, une forme d’organisation susceptible de donner élan au plus grand nombre, plutôt qu’à caporaliser un petit nombre, fut-il « nationalisé ». Une forme d’organisation où la gauche serait non pas noyée, mais où elle jouerait son rôle de levain, d’inspirateur, d’orienteur et non celui qu’à présent elle joue objectivement, d’illusionniste vis à vis des composantes de la diversité.

L’impasse où nous sommes aujourd’hui concernant la diversité, malgré quelques symboles à succès me paraît trancher la question : j’opte pour le plus large contre le plus étroit , pour le mouvement qui nous met au coude à coude avec les autres et contre celui qui nous laisse entre nous , pour celui qui rassemble les énergies contre celui qui les divise en chapelles, en sectes, en mosquées, pour celui qui libère l’énergie créatrice des masses contre celui qui la canalise et finalement la stérilise.

« Les droits de l’Homme ne se valent que parce qu’ils sont universels »

Dans son texte sur l’empire colonial et l’immigration maghrébine et africaine, Jean-Noël Jeanneney (2) disait : « Le XVIIIème siècle s’est achevé sur la Déclaration des Droits de l’Homme en 1789, en proclamant l’égalité naturelle de tous les êtres humains (sans inclure, il est vrai, les êtres de genre féminin). Le siècle suivant s’est ouvert sur l’invention de la notion de races humaines dotées de caractères héréditaires et si différents qu’ils autorisent un classement hiérarchique. L’égalité des individus est niée par l’inégalité des groupes humains. La race blanche du continent européen devient supérieure à toutes les autres et se voit assigner la mission de civiliser les races inférieures. Les civilisations sont à leur tour hiérarchisées, les plus avancées devant prendre en charge les plus « arriérées ». 

En Europe, l’unification des actions et choix politiques des forces de gauche est à l’ordre du jour, les morceaux disjoints du mouvement progressiste tendent à se ressouder, et nul doute que ce mouvement d’unité deviendrait irrésistible il se décidait à jeter par dessus bord tout l’impedimenta des préjugés, des habitudes et des méthodes hérités des années de rejets.

Un jeune des quartiers sud me disait entre les deux tours des municipales : Si j’ignorais l’histoire de la République française et l’histoire de la gauche française, et que je me contentais uniquement de voter à partir des discours de la droite, sans hésiter j’aurais donné ma voix à l’UMP ou à l’UDI. Oui sans hésiter j’aurais donné ma voix à ceux qui reconnaissent les problèmes de ma ville, qui savent l’étouffement vécu ici, qui disent quelque chose de la souffrance et du racisme institutionnel. Mais je sais ce qu’est l’État français et ce qu’est la gauche!

Je sais que l’État français (de droite comme de gauche) a colonisé mes grands-parents en Afrique, je sais qu’il a mis en esclavage les miens, je sais qu’il a fait travailler mes parents comme des animaux dans les usines, je sais qu’il continue à piller mon pays en Afrique, je sais qu’il a organisé des ratonnades contre les miens, je sais qu’il est le fer de lance du vampire capitaliste, je sais qu’il est le néocolonialisme.

Et je sais que les partis de gauche ont eu des militants qui ont risqué leur vie pour soutenir la lutte des miens contre le colonialisme, je sais qu’ils sont mes alliés contre l’impérialisme, je sais que malgré tous leurs satanés défauts – avant tout leur paternalisme – je sais que beaucoup de ses militants luttent du côté des sans-papiers. Tout cela je ne l’oublie pas.

Et je leur en veux d’avoir sur joué l’intégration d’une diversité caricaturale, de ne pas avoir considéré sérieusement les listes indigènes autonomes en 2008, d’avoir tenté de les écraser parce qu’elles n’étaient pas à leur image.

Je leur en veux d’avoir pensé d’abord et en premier à leurs intérêts partisans et à leurs idéaux qu’ils pensent universels. Ils auraient pu composer avec les indigènes. Ils auraient pu mettre de côté leur laïcité à deux balles, leurs « valeurs de la république », ils auraient pu prendre en compte les aspirations des communautés de nos quartiers populaires, nous aurions pu être associé à la gestion des affaires de notre cité avec eux. Mais non !

Pour ma part, je crois que les minorités invisibilisées sont riches d’énergie, de passion qu’il ne leur manque ni vigueur, ni imagination mais que ces forces ne peuvent que s’étioler dans des organisations qui ne leur sont pas propres, faites pour eux, faites par eux et adaptées à des fins qu’eux seuls peuvent déterminer.

Ce n’est pas volonté de se battre seul et dédain de toute confiance. C’est volonté de ne pas confondre confiance et subordination intellectuelle pour ne pas parler d’immigrés de service.

Or c’est là très exactement de quoi nous menacent les ignorances idéologiques et politiques subies. Nous constatons chez certains militants de gauche : leur assimilationisme invétéré , leur chauvinisme inconscient , leur conviction passablement primaire – qu’ils partagent avec les droites européennes – de la supériorité omnilatérale de l’Occident , leur croyance que l’évolution telle qu’elle s’est opérée en Europe est la seule possible , la seule désirable , qu’elle est celle par laquelle le monde entier devra passer , pour tout dire, leur croyance rarement avouée, mais réelle, à la civilisation avec un grand C , au progrès avec un grand P (témoin leur hostilité à ce qu’ils appellent avec dédain le « relativisme culturel », tous défauts qui bien entendu culminent dans la gent littéraire qui à propos de tout et de rien dogmatise au nom de la gauche).

Il faut dire en passant que la gauche parlementaire française a été à bonne école.

De Karl Marx qui voyait, en l’immigration, « L’armée de réserve du capitalisme », ainsi que Georges Marchais qui y voyait l’ennemi du prolétariat jusqu’au tandem PS-Verts qui y voit un « bon électorat mais faut pas trop en réguler quand même », l’immigration n’a jamais été appréciée de la gauche institutionnelle à tel point qu’on se demande comment la droite a-t-elle pu perdre sa légitimité dans ce domaine?

Je ne sache pas que le paternalisme de gauche proclame une autre prétention.

Dans le cas de la gauche et de ses sectateurs, ce n’est peut-être pas de paternalisme qu’il s’agit. Mais c’est à coup sûr de quelque chose qui lui ressemble à s’y méprendre.

  • Aimé Césaire parlait de « fraternalisme ».

Car il s’agit bel et bien d’un frère, d’un grand frère qui, imbu de sa supériorité et sûr de son expérience, vous prend la main (d’une main hélas ! parfois rude) pour vous conduire sur la route où il sait se trouver la Raison et le Progrès.

Or c’est très exactement ce dont nous ne voulons pas. Ce dont nous ne voulons plus.

Nous voulons que nos sociétés s’élèvent à un degré supérieur d’égalité et d’intégration, mais d’elles-mêmes, par reconnaissance des damnées de la conscience collective, par nécessité d’honorer l’esprit des lumière et son universalité, par progrès de l’Homme, sans que rien d’extérieur vienne altérer ou compromettre.

Dans ces conditions on comprend que nous ne puissions donner à personne délégation pour penser pour nous, délégation pour chercher pour nous, que nous ne puissions désormais accepter que qui que ce soit, fusse-t-il le meilleur de nos amis, se porte fort pour nous. Si le but de toute politique progressiste est de rendre un jour leur liberté à ceux qui étaient là pour défendre la France bien avant la résidence, au moins faut-il que l’action quotidienne des partis progressistes n’entre pas en contradiction avec la fin recherchée et ne détruise pas tous les jours les bases mêmes, les bases organisationnelles comme les bases psychologiques de cette future liberté, lesquelles se ramènent à un seul postulat : le droit à la France comme les autres.

Je crois en avoir assez dit pour faire comprendre que ce n’est pas la gauche que je stigmatise, que c’est l’usage que certains ont fait du ses idéaux que je réprouve.

Que ce que je veux, c’est que la gauche, et qui plus est au pouvoir, tous les pouvoirs, sert aussi ceux qu’il ignore depuis longtemps, les minorités rebaptisées « diversité », et non la diversité au service d’une matière électorale.

Que la doctrine et le mouvement soient faits pour les hommes, non les hommes pour la doctrine ou pour le mouvement. Et bien entendu cela n’est pas valable pour la seule gauche. Et si j’étais chrétien ou musulman (je suis athée), je dirais la même chose.

Qu’aucune doctrine ne vaut que repensée par nous, que repensée pour nous, que convertie à nous.

Cela a l’air d’aller de soi. Et pourtant dans les faits cela ne va pas de soi.

Et c’est ici une véritable révolution copernicienne qu’il faut imposer, tant est enracinée en Europe, et dans tous les partis, et dans tous les domaines, de l’extrême droite à l’extrême gauche, l’habitude de faire pour nous, l’habitude de disposer pour nous, l’habitude de penser pour nous, bref l’habitude de nous contester ce droit à décider dont je parlais et qui est, en définitive, le droit à la personnalité.

  • C’est sans doute là l’essentiel de l’affaire.

Il existe une gauche italienne ou belge. Sans très bien les connaître (ou moins bien que les Françaises, si ce n’est à travers les écrits de Norberto Bobbio ou « Je hais l’indifférence » de Gramsci  (3)), j’ai à son égard un préjugé des plus favorables. Et j’attends d’elle qu’elle ne verse pas dans les erreurs qui ont défiguré les progressistes européens parfois.

Mais il m’intéresserait aussi et plus encore, de voir éclore et s’épanouir la variété africaine ou maghrébine au sein de la gauche à la Française. Il nous proposerait sans doute des variantes utiles, précieuses, originales et nos vieilles sagesses nuanceraient, j’en suis sûr, ou compléteraient bien des points de la doctrine.

Mais je dis qu’il n’y aura jamais de variante maghrébine, africaine, ou asiatique, parce que la gauche française trouve plus commode de nous imposer la sienne. Qu’il n’y aura jamais d’expression reconnue maghrébine, africaine, ou asiatique, parce que la gauche pense ses devoirs envers l’immigration en termes de magistère à exercer, et que l’antiracisme et le droit des immigrés même des socialistes français porte encore les stigmates de ces symptômes de rejet de l’immigré qu’il combat.

Pour revenir à mon propos, l’époque que nous vivons est sous le signe d’un double échec : l’un évident, depuis longtemps, celui du colonialisme. Mais aussi l’autre, celui, effroyable, de ce que pendant trop longtemps nous avons pris pour « la gauche » ce qui n’était que du reliquat de colonialisme. Le résultat est qu’à l’heure actuelle notre avenir est hypothéqué et nous nous trouvons dans l’impasse.

Cela ne peut signifier qu’une chose : non pas qu’il n’y a pas de route pour en sortir, mais que l’heure est venue d’abandonner toutes les vieilles routes. Celles qui ont mené à l’imposture, à l’oubli, au mépris.

C’est assez dire que pour ma part, nous ne voulons plus nous contenter d’assister à la politique des autres. Au piétinement des autres. Aux combinaisons des autres. Aux rafistolages de consciences ou a la casuistique des autres.

  • L’heure de nous donner la parole a sonné.

Et ce que je viens de dire des minorités invisibilisées n’est pas valable que pour elles.

Oui tout peut encore être sauvé, à condition que l’initiative soit rendue à ces citoyens minoritaires mais néanmoins concernées par le vivre-ensemble qui jusqu’ici n’ont fait que la subir, à condition que la démocratie s’ouvre à eux, descende et s’enracine dans leurs lieux de vie , et je ne cache pas que la fermentation qui se produit à l’heure actuelle au travers certains « printemps arabes », par exemple, me remplit de joie et d’espoir et me dit que s’ils ont pu renverser la table pourquoi pas nous dans des « démocraties avancées ».

Il y a deux manières de se perdre : par discrimination murée dans le particulier ou par dilution dans l’ « universel ».

Aimé Césaire disait dans sa lettre à Maurice Thorez : « Ma conception de l’universel est celle d’un universel riche de tout le particulier, riche de tous les particuliers, approfondissement et coexistence de tous les particuliers. Alors ? Alors il nous faudra avoir la patience de reprendre l’ouvrage, la force de refaire ce qui a été défait , la force d’inventer au lieu de suivre , la force « d’inventer » notre route et de la débarrasser des formes toutes faites, des formes pétrifiées qui l’obstruent .»

En bref, nous considérons désormais comme notre devoir de conjuguer nos efforts à ceux de tous les hommes épris de justice et de vérité pour pousser les des organisations susceptibles d’aider de manière probe et efficace les minorités invisibilisées dans leur combat pour aujourd’hui et pour demain : combat pour la justice sans hiérarchie, combat  pour la culture ouverte et émancipatrice , combat pour la dignité et la liberté , des organisations en mesure de les préparer dans tous les domaines à assumer de manière autonome les lourdes responsabilités que l’histoire en ce moment même fait peser si lourdement sur leurs épaules.

  • En guise de conclusion

Les « Etrangers » parmi nous écoutent et observent les hésitations et les atermoiements de la gauche quand au droit de vote.  Ils entendent « Vous n’êtes pas des nôtres ». A quoi certains répondent : «  Nous ne voulons pas être des vôtres ».

Or le ressentiment qu’ils éprouvent en France est conforté dans le pays d’Islam, dont sont issus la majorité, tant par le discours nationaliste que celui des islamistes. La rhétorique anti-impérialiste, antioccidentale et antisémite constamment ressassée dans les pays musulmans contamine les musulmans de France et d’Europe.

Poussée à l’extrême, elle peut enflammer les esprits, et conduire certains à épouser les projets les plus radicaux du fondamentalisme et du djihadisme, attisant ainsi, en un cercle vicieux, la phobie antimusulmane d’une partie de nos concitoyens, français ou européens.

Sous des formes qui se sont constamment renouvelées, l’aversion à l’égard de l’islam et des musulmans n’a jamais cessé.

Gardons toutefois à l’esprit qu’elle  ne fut jamais unanime.

Accorder le droit de vote aux étrangers ne serai-il pas un des socles de cette acceptation et de ce combat contre les radicalismes meurtriers tels que le djihadisme ?

Ayons le courage de ce combat !

(1) : 50ème proposition

J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans. Je conduirai une lutte implacable contre l’immigration illégale et les filières du travail clandestin. Je sécuriserai l’immigration légale. Les régularisations seront opérées au cas par cas sur la base de critères objectifs.

(2) Jean-Noël Jeanneney : l’actualité au regard de l’histoire

(3) Norberto Bobbio : l’avenir de la démocratie

(3) Gramsci : Je hais l’indifférence 

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