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Billet de blog 21 avril 2016

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Présidentielle 2017 : François Hollande ou le déficit d'incarnation politique

Même en faisant la part de ce qui peut être considéré comme des maladresses de style, le rejet de François Hollande correspond, en profondeur, à un grand déficit d'incarnation.

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"Le temps [polititique] souffre d'un besoin d'incarnation." Octavio Paz

Depuis quelques semaines,, les cartes de la compétition présidentielle de 2017 se dessinent. On peut, certes, souligner l'entrée en scène quasi certaine de François  Hollande, ou la remontée d'Emmanuel Macron.

Mais le phénomène majeur reste l'essoufflement de la compromise candidature de Manuel Valls . Comment expliquer une inversion aussi rapide du paysage électoral ?

Parlons du cas de François Hollande : 

On voudrait ici présenter une hypothèse : la cause principale de l'effritement de la position du Premier Ministre ou du Président de la République réside dans ce qu'on pourrait appeler le déficit d'incarnation 

On peut considérer que trois éléments entrent en ligne de compte pour composer l'image d'un homme politique et déterminer sa crédibilité: la compétence, la puissance de sa vision et sa capacité d'incarnation.

La compétence est le facteur le plus facile à appréhender. Même si c'est de manière vague et approximative, la capacité gestionnaire d'un candidat peut s'évaluer. Fort de sa position de Président, il pourrait se flatter d'atteindre quelques résultats acceptables de son action. 

Si le passage de la position de Président en exercice à celle de candidat s'avère délicate et rejetée par une majorite de français, c'est que la fonction présidentielle renvoie à d'autres impératifs que ceux de la simple capacité gestionnaire surtout ayant échoué sur des engagements cruciaux (chômage, croissance, ..)

La force de vision d'un candidat à la présidentielle, s'apparente à quelque chose de très profond: la capacité de donner un sens fort à un moment précis de l'Histoire. 

En des termes très différents, de Gaulle, Pompidou, Giscard et Mitterrand avaient pris appui sur une force de cette nature :

De Gaulle, en restituant la puissance de l'Etat et en permettant l'avènement d'un nouvel ordre institutionnel. 

Pompidou, en définissant les traits de l'impératif industriel et en situant la place de la France dans un mouvement général de modernisation et d'ouverture des économies. 

Giscard, en dessinant la perspective d'une rénovation de la société civile dans l'après 1968.

Mitterrand, enfin, en sollicitant le désir d'alternance et en invoquant la nécessité d'une expérience nouvelle pour le pays.

On voit bien ce qui manque au Président Hollande pour apparaître comme le vecteur d'une vision forte. 

Il a en effet souligné en permanence que son originalité résidait au dans une forme de normalité de la fonction politique : le président normal

Le Président apparaît davantage comme le représentant d'une continuité et non comme l'accompagnant d'une rupture positive pour la société. 

Il y a là un trait historiquement caractéristique du conservatisme : toute rupture est implicitement définie comme négative. Une vision de «rupture positive» n'est pourtant nullement identique à une quelconque perspective révolutionnaire. 

Elle mentionne qu'il faut un message fort pour s'arracher à la routine et aux pesanteurs.

On peut même souligner à ce propos que le portrait maintes fois brossé de Hollande en Mitterrand  est loin d'être justifié historiquement.

On ne doit pas oublier que Mitterand est arrivé au pouvoir parce qu'il était apparu comme le symbole de la volonté de changement manifestée par le réveil d'une gauche post-soixante-huitarde et un Programme Commun prometteur.

La compétence forte ne suffit pas à compenser une vision faible sur ce point.

Pour saisir l'alchimie mystérieuse qui conduit à la constitution d'un "être présidentiel", il faut prendre en compte un autre élément fondamental : la puissance d'incarnation.

La puissance d'incarnation est l'élément à la fois le plus difficile à cerner et le plus important à posséder dans la conquête de la crédibilité politique en vue de l'exercice de la magistrature suprême. 

La puissance d'incarnation renvoie à  une capacité bien particulière : celle d'apparaître comme une force d'interprétation de la réalité, dans une société souvent opaque qui a du mal à se comprendre. Il s'agit de rendre la société plus lisible, de lui donner forme sensible et sens intelligible.

La puissance d'incarnation correspond en d'autres termes, à  la reconnaissance que quelqu'un peut être pris au sérieux quand il parle de «La France».

De façon à la fois évidente et impossible à décomposer, la télévision a contribué à rendre plus central ce phénomène d'incarnation, lui donnant une sorte de visibilité brute.

Force est de reconnaître les piètres performances du Président  sur cette scène de l'incarnation.

Même en faisant la part de ce qui peut être considéré comme des maladresses de style, le rejet de François Hollande correspond, en profondeur, à un tel déficit d'incarnation.

Quand on parle d'image des hommes politiques, ce sont en fait ces trois éléments de compétence, de vision et d'incarnation qui sont mêlés. Il est fondamental de remarquer qu'ils se trouvent articulés de façon fort différente selon les cas. 

Vu les récentes évolutions indiquées par les sondages, on peut estimer que c'est au-delà du jugement des compétences que s'organisent les préférences des électeurs, dès lors que la maîtrise d'une culture de gouvernement n'apparaît plus comme l'apanage d'un seul camp.

C'est sur le terrain de la capacité à exprimer une vision forte mais plus encore sur celui de la capacité d'incarnation que s'ordonnera sans doute l'évolution de la côte relative de son éventuelle candidature, indépendamment même de tous les facteurs qui tiennent aux caractéristiques de la conjoncture hautement volatiles des affaires.-

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