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Billet de blog 23 mars 2015

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Ni-Ni, le choix d'une droite éhontée face au Front National

«Nous croyons naïvement que le progrès du Bien, sa montée en puissance dans tous les domaines (sciences, techniques, démocratie, droits de l'homme), correspond à une défaite du Mal. Personne ne semble avoir compris que le Bien et le Mal montent en puissance en même temps, et selon le même mouvement. Le triomphe de l'un n'entraîne pas l'effacement de l'autre, bien au contraire.» L'esprit du terrorisme, Jean Baudrillard.

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«Nous croyons naïvement que le progrès du Bien, sa montée en puissance dans tous les domaines (sciences, techniques, démocratie, droits de l'homme), correspond à une défaite du Mal. Personne ne semble avoir compris que le Bien et le Mal montent en puissance en même temps, et selon le même mouvement. Le triomphe de l'un n'entraîne pas l'effacement de l'autre, bien au contraire.» L'esprit du terrorisme, Jean Baudrillard.

Face à la montée électorale du Front National, la droite buissonisée opte pour le «ni-ni» des lâches!!

Une barrière est en train de sauter entre la droite et l'extrême droite. «Nous sommes au début d'une nouvelle ère...comme à l'aube des grandes mutations qui ont boulversé la biodiversité de la planèt», rapporte le journaliste Renaud Dely.

La droite a souvent été tentée de passer des alliances mais Jacques Chirac et Alain Juppé ont toujours pu éviter le franchissement, ils avaient compris que la droite n'avait pas intérêt à se rapprocher l'extrême droite.

En revanche Nicolas Sarkozy qui a permis ce glissement. Le sarkozysme, cette forme d'amnésie politique par rapport à l'héritage de la droite qui conduit à un certains nombre d'hommes politiques à penser que tout devient possible.

Pour l’instant, la montée du Front national est un phénomène électoral, ce n’est pas un phénomène de mobilisation sociale.

Le fascisme, en Italie puis en Allemagne, était un phénomène social. C’était la mobilisation de dizaines, de centaines de milliers de personnes qui étaient prêtes à agir contre les travailleurs, qui étaient prêts à faire le coup de main dans la rue contre les socialistes et les communistes. Les fascistes défilaient, tabassaient ceux qui ne leur faisaient pas allégeance, ils exerçaient une pression sur toute la société du simple fait de leur présence.

Le Front national, n’organise pas, pas encore du moins, de groupes pour faire le coup de main contre les clandestins, ou pour faire la police dans certains quartiers.

Le FN n’organise pas des campagnes publiques pour se substituer aux aides sociales de l’État en distribuant des denrées de première nécessité, comme cela a pu se faire en Grèce.

On sait qu’il y aurait des individus partants pour faire ce genre de choses, ces groupes identitaires basés à Lyon par exemple. Mais il n’y a pas pour le moment de dizaines de milliers de personnes prêtes à se lancer dans de telles vocations.

À un autre niveau encore, regardez dans les quartiers. Il y a peut-être ici et là des associations aux mains du Front national, mais pour l’instant, cela reste très peu visible. On est loin d’un quadrillage systématique du pays. Alors tout ça mesure, en creux, la quasi-absence du FN de la vie sociale. C’est au moment des campagnes électorales qu’on le voit surgir et que l’on prend conscience de son influence. Cela explique d’ailleurs qu’à chacune des élections, les succès du Front national font l’effet d’un coup de tonnerre quasi inexplicable aux yeux de beaucoup.

Sur le plan organisationnel, c’est difficile de le mesurer de l’extérieur, mais, y compris sur ce plan-là, le Front national se heurte encore à des limites militantes (1). Parce que voter, voire payer une adhésion, c’est une chose, s’engager pour être militant et donner de son temps à un parti, c’en est une autre.

Pour le FN, tout cela est peut-être en train de changer mais la direction même du Front national ne cache pas ses difficultés à trouver des cadres, en tout cas des cadres qui tiennent la route, et sa présence aux municipales est un indicateur objectif.

En 2014, aux municipales, le FN a présenté des listes dans 585 villes. En 2008, il en avait présenté dans 75 villes. C’est un progrès spectaculaire. Mais on sait qu’il a essayé d’en faire d’autres dans certaines villes et qu’il a manqué de militants pour y arriver.

Pour les départementales 2015, le FN et ce malgré les dires de Le Pen elle-même, présenter des candidats dans tous les cantons lors des élections constituait un défi. Elle a fini par présenter pas moins de 4000 candidats, soit dans 97% de cantons!

Cela montre que le décalage entre les succès électoraux du Front national et son appareil militant persiste.

Aujourd’hui ce qui fait la grande force du FN, ce sont ses succès électoraux, parce que les succès électoraux en appellent d’autres. Plus le poids électoral du Front national grandit, plus cela le rend crédible aux yeux de ceux qui veulent contester.

Le vote FN est le « vote utile » de tous ceux qui veulent sanctionner les partis classiques qui se sont succédé au gouvernement.

Tout ça pour dire que l’expression « phénomène électoral » est le constat d’un processus en cours qui fait justement la force du FN.

Il y a une montée des idées réactionnaires, du racisme, de la misogynie, de l'homophobie, la montée des idées complotistes, l’image déformée de l’obscurantisme. Il y a encore la montée des idées religieuses et même de l’intégrisme. Le Front national chevauche cette vague réactionnaire, qui le dépasse dans une large mesure, et qu’il contribue lui-même à alimenter.

Cette montée réactionnaire s’incarne dans différents mouvements, dans les associations du style La Manif pour tous, ou encore SOS éducation qui se fait le censeur contre les prétendues dérives pornographiques de la société et qui a milité contre les ABCD de l’égalité. Dans ces associations, il y a peut-être des militants du FN, mais elles ne sont pas les produits du FN.

Aujourd’hui, ces idées sont portées par des jeunes des quartiers, par des jeunes qui croient exprimer par là un rejet de l’ordre établi mais qui sont fondamentalement sans principes, racistes et individualistes. Les liens avérés entre Dieudonné et la famille Le Pen ne les gênent pas parce que les idées de Soral ou de Dieudonné recouvrent la même logique xénophobe que celle du FN.

C’est peut-être un phénomène qui prend une forme nouvelle, mais c’est le même processus.

En l’absence de réponses économiques, sociales, politiques, en l'absence de réponses intellectuelles constructives, en l'absence de véritables réponses républicaines, ce sont les réflexes et les idées les pires qui ressortent. En l’absence de conscience citoyennes, ce sont les idées et les comportements du lumpenprolétariat qui l’emportent.

On n’a pas plus à dire sur tels ou tels. Tous contribuent à alimenter les idées réactionnaires. Et politiquement, c’est le FN qui tire les dividendes de cette mixture réactionnaire même si en additionnant les voix de toutes les gauches, on arrive à un total proche de celui de la droite.

La gauche reste tout de même moins pire que la droite. La gauche protège socialement, renforce les solidarites, assaini l'économie quand la droite s'attaque aux pauvres pour donner aux riches . Le FN ne fera pas différemment, c'est à dire appliquera son programme de droite en isolant la France et en s'attaquant aux plus précaires.

C. Fourest et F. VENNER concluent leur essai par cette interrogation : jusqu'où peut-elle aller? en parlant de Marine Le Pen. Elle terminent par « Les sondages la donnent sur une courbe ascendante. Ce qui n'a rien de surprenant dans un pays qui vieillit, se sent submergé par la mondialisation et si impuissant face à la crise financière. Mais rien n'est écris d'avance. Selon le contexte, l'attitude de la candidate et bien sûr les français décideront du résultat. En revanche, c'est certain, Marine Le Pen est dans nos vies pour quelques décennies. Au nom du père. Quant à son Front National, il n'a pas fini de poser ses pièges dans le débat public. Au nom du pire»!

(1) Marine Le Pen démasquée - Caroline FOUREST, Fiammetta VENNER

Lectures conseillés

- «En finir avec les idées fausses propagées »par l'extrême droite Pierre-Yves Bulteau

- «Xénophobie d'en haut. Le choix d'une droite éhontée», collectif Cette France-là

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