Selon Le Canard Enchaîné, François Fillon a employé sa femme, Pénélope Fillon, comme assistante parlementaire entre 1998 et 2002, puis six mois en 2012. Le problème pour le candidat de la droite à l’élection présidentielle, c’est que des témoignages recueillis par le journal ne se souviennent pas de l’activité de Pénélope Fillon. Ce qui pourrait en faire un emploi fictif.
À trois mois de l’élection présidentielle, Le Canard affirme, s'appuyant sur des fiches de paie qu'il n'a pas publiées, que Pénélope Fillon a perçu 500.000 euros brut d’argent public, en tant qu’attachée parlementaire de son mari entre 1998 et 2002 –puis pour six mois en 2012– ainsi que pour le suppléant de ce dernier, Marc Joulaud, entre 2002 et août 2007.
Jusqu’ici rien d’illégal, les parlementaires peuvent rémunérer jusqu’à cinq collaborateurs à temps partiel avec une enveloppe spéciale (de 9.561 euros en 2016, précise le journal).
D'ailleurs, 20% des députés avaient embauché un membre de leur famille en 2014, indiquait alors le site Mediapart. Mais, de la même façon que tout travail mérite salaire, tout salaire mérite travail. Or, Le Canard Enchaîné affirme que «dans les couloirs du Palais Bourbon comme dans le fief de son mari, personne n’a jamais croisé d’attachée parlementaire du nom de Pénélope Fillon».
Une des assistantes de l'époque de Marc Joulaud, successeur de François Fillon à Sablé-sur-Sarthe, confie au Canard qu'elle n'a jamais travaillé avec elle. Les responsables politiques de la Sarthe expriment également à Europe 1 leur étonnement.
Fin 2016, Pénélope Fillon déclarait elle-même au Bien Public: «Jusqu’à présent, je ne m’étais jamais impliquée dans la vie politique de mon mari.» Une affirmation conforme avec la bio de Fillon rédigée en 2007 par l'ex-journaliste Christine Kelly.
Donc, Si les faits sont avérés, cette situation a un nom: un emploi fictif. «La première version du travail fictif, c’est que vous ne fournissez pas le travail pour lequel vous êtes payé, explique Me Eric Rocheblave, avocat spécialiste en droit du travail. Et la deuxième version, c’est que vous travaillez peut-être mais pas à la hauteur de ce que vous avez été payé. Et pour 7.000 euros, il en faut du travail!»
Selon le Canard, Pénélope Fillon a en effet été payée 3.900 euros brut par mois jusqu’en 2001, avant d’être rémunérée 4.600 euros en 2002. Et lorsque François Fillon devient ministre des Affaires Sociales et du Travail, Pénélope Fillon devient la collaboratrice de son suppléant. Pour un salaire de 6.900 puis 7.900 euros brut.
La probité est une valeur d’exercice dans la fonction qu’on assume et dont on doit répondre. Elle se vérifie en se faisant, elle s’éprouve en se prouvant dans les faits qu’elle provoque, les effets qu’elle engendre. Elle n’est pas (une) donnée en soi mais elle est une résultante, elle se produit ici et maintenant dans la contingence de l’action soumise à l’anxiété de l’incertain.
Elle est inséparable d’un système de relations hiérarchiques intérieur/extérieur et inférieur/supérieur qui dessinent les frontières de l’intégrité.
Une dynamique des regards scrupuleux la juge et la contrôle, la vérifie dans la continuité de son effectivité et la sanctionne dans la rigueur conséquente de ses choix.
Au-delà de l’aspect légal, la question de la probité en politique se pose. Et encore plus pour celui qui en a fait son cheval de bataille tout du long de son expérience politique.
La probité assure la séparation du privé et du publique, de l’intime et de l’extime* (qui fait quoi, qui est qui ?).
Dans notre système de la Vème République, la hantise de la corruption déshonorante ne paralyse plus la tentation suspecte des petits arrangements avec le diable. La honte n’est plus éprouvée comme un interdit pratique signifiant qu’il y a « des choses qui ne se font pas ». C’est alors que l’obscénité commence. Elle est toujours de mauvais augures. La baisse du niveau de la honte provoque la démoralisation généralisée du « nous » affecté. Après on se demande pourquoi les citoyens détestent les politiques ?
La Démocratie étant un bien commun fondamental, ne suppose-t-elle pas un respect rigoureux des règles électorales de la part des candidats aux élections et des élus ? La réponse semble évidente et pourtant, il n’en est rien.
L’une des spécificités de notre droit électoral, c’est un fait trop largement ignoré, est sa très grande tolérance à l’illégalité. Et si les preuves sont apportée, l’affaire Penelope Fillon mènera à la condamnation des époux car «dans un cas où la situation d’emploi fictif est avérée, la personne peut être mise en examen pour recel de détournement de fonds publics ou pour concussion», estime Me Isabelle Béguin, avocat en droit de la fonction publique.
Le recel de détournement de fonds publics signifie que l’on reproche à quelqu’un d’avoir touché de l’argent public dont la personne connaissait l’origine illégale ou illicite. Et, selon Me Béguin, la concussion est «le fait de recevoir une somme d’argent qu’on sait ne pas être due. Par exemple, un agent public qui reçoit une prime alors qu’il sait qu’elle n’est pas méritée»
Mais voilà, le contentieux électoral ignorera les fraudes s’il n’est pas démontré que celles-ci ont pu avoir une influence sur le scrutin à venir, le prononcé d’inéligibilités est de plus en plus rare car il exige une violation délibérée et grave des règles électorales, les sanctions pénales ont beaucoup perdu en efficacité.
Sans doute, le pragmatisme prend-il le pas sur la probité en droit électoral… en tout cas est-ce l’explication partagée. Cependant, la crise actuelle de la démocratie est peut-être liée à la faiblesse de la probité… mais le problème ne vient-il pas ici du fait qu’il est difficile d’imposer le respect scrupuleux des règles à ceux qui les font, c’est-à-dire les hommes politiques eux-mêmes ? …
Un mouvement comme #NuitDebout, a fondé sa vision sur l’appel au renouveau et à la probité en droit électoral, même s’il se confronte alors au choix des bonnes règles pour le système politique, question sans doute aussi fondamentale que celle de la probité au sein du système juridique du droit électoral.
Cela étant dit, est-ce un pur hasard ?
Dans la mythologie grecque « la toile de Pénélope », désignant un ouvrage auquel on travaille sans cesse et que l'on ne termine jamais. Mais aussi l'aphorisme "faire et défaire c’est toujours travailler" qui par la vertu du travail permet de mieux accepter la perte de temps et l'inutilité de la chose entreprise (puis défaite).
C'est peut être ça son vrai travail : faire et défaire.
En tout cas, pour une avocate, elle porte une bonne part de la responsabilité !
(*) Après Lacan, l’extimité, par opposition à l'intimité, est, tel qu'il a été défini par le psychiatre Serge Tisseron, le désir de rendre visibles certains aspects de soi jusque-là considérés comme relevant de l'intimité. Il est constitutif de la personne humaine et nécessaire à son développement psychique - notamment à une bonne image de soi. En cela, l'extimité doit être distinguée de l'exhibitionnisme qui est pathologique et répétitif, inscrit dans un rituel morbide.

Agrandissement : Illustration 1
