Valls, Macron de quelle gauche sont-ils l'incarnation ?
La constitutionnalisation de l'État d'urgence, de la déchéance de la nationalité et le projet de loi de réforme du Code du Travail ont dessiné la frontière entre deux gauches. Celle du gouvernement instaurant ce que Montesquieu appelait "la monarchie républicaine ", une forme de gouvernement au nom du peuple sans le peuple, usant une aspiration de modernité très contestée. L'autre se revendiquant du progrès et de la modernité fidèle à la tradition de la gauche française.
Ils nous disent qu'ils sont la gauche moderne! Qu'en est-il de cette modernité?
N'est-elle pas la lutte contre le dérèglement climatique et ses conséquences à très court terme dont on voit les prémices. Alors qui de la gauche ne s'y est pas consacré ?
N'est-elle pas la recherche de solutions humanistes aux problèmes des réfugiés climatiques ou de guerre ? Est-ce alors moderne quand Valls fait la leçon à Merkel sur la politique volontariste qu'elle mène en la critiquant sur ses engagements envers les réfugiés ?
N'est-elle pas le combat contre les inégalités entre les pays du Sud et du Nord ? quel serait donc le bilan de coopération ou de co-développement avec les pays du sud, souvent en guerre, à mettre à l'actif de ce quinquenat ?
N'est elle pas plus globalement celle qui fait tout pour la réduction des écarts entre riches et pauvres ? sachant que les inégalités ont fait un bond à partir de 2013?
N'est-elle pas la diminution des cortèges mortifères des fruits de la mondialisation, ceux qui subissent les délocalisations, le dumping social ou la dérégulation du marché du travail ?
N'avons-nous pas assisté à une foultitude de plans sociaux marqués par les effets de la mondialisation, ou à la crise agricole que traverse la France ?
La gauche moderne n'est-elle pas celle qui oeuvre avec les armes de la paix pour en finir avec la poudrière du Moyen-Orient dans laquelle les puissances occidentales portent une responsabilité majeure ? La France n'a-t-elle, contrairement aux démocraties nordiques et pas que, traîné dans la recherche de la paix entre Palestiniens et Israéliens comme le promettait François Hollande dans son discours du Bourget ?
La gauche moderne n'est-elle pas celle qui puise dans son ADN les ressources pour faire face aux conséquences directe d’un capitalisme carnassier en fin de course, ne serait-ce que parce que, de façon basique et presque naïve, nous n’avons qu’une seule Terre ? ne constatons-nous pas l'échec de ce volontarisme exprimé lors du même discours du bouget ?
En refusant de s’attaquer à ce modèle libéral qui irrigue le monde tel qu’il est, la gauche au pouvoir n'est plus la gauche. Elle transgresse la démocratie pour en faire un outil pour gouverner comme de vulgaires libéraux!
Elle en est d'abord la victime, par paresse idéologique, par économisme outrancier et par un manque de courage politique. Mais elle en est aussi complice, incapable d’impulser le changement, par manque de d’audace mais aussi parce que son calendrier qui est exclusivement électoral et donc court-termiste.
Aveugle, elle continue à faire comme si de rien n’était, même si elle est de plus en plus directement et violemment confrontée à des phénomènes de déstabilisation sociale et politique qui iront en s’accroissant avec des conséquences désastreuses sur les structures démocratiques de la société française.
Cette modernité n'est elle pas caractérisée par la crise migratoire et la crispation identitaire qu'elle génère chez une frange de nos concitoyens, et que l’on observe par ailleurs dans tout le reste de l’Europe.
Les projets de réformes sont des régressions qui abaissent le peuple.
La gauche au pouvoir qui se définit moderne vide le concept de peuple de tout se sens.
Ce dont Valls et Macron se réclament représente un mode de gouvernement où "le peuple en corps disposant de la souveraine puissance" est désarmé (1).
La gauche au pouvoir dite moderne gouverne "avec le principe du bon vouloir du chef à l'égard du peuple (annonçant l'usage d'un 49.3 avant même la présentation de la réforme aux représentants du peuple ), comme celui d'un père avec ses enfants (il y'a là une infantilisation manifeste des citoyens), c'est à dire un gouvernement paternel, dans lesquel les sujets sont contraints, comme des enfants mineurs qui ne peuvent pas distinguer ce qui est pour eux véritablement utile ou pernicieux, de se comporter de façon simplement passive, pour attendre uniquement du jugement du chef de l'État la façon dont ils doivent être heureux, et uniquement de la bonté que celui-ci veuille; un tel gouvernement constitué le plus grand despotisme concevable" (2)
Il ne faut surtout ne pas céder à cette modernité qui n'est autre chose qu'un symbole de faiblesse politique. C'est une lâcheté que d'applaudir à toutes les idioties que l'on nous montre sous prétexte de modernité.
Alors comme le souhaitent les français, et comme l'écrit Francis Picabia « Rien pour demain, rien pour hier, tout pour aujourd'hui. » (3)
(1) Norberto Bobbio, le futur de la démocratie - p. 254.
(2) E. Kant, Oeuvres philosophique (Sur le sens commun)
(3) Francis Picabia, https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Francis_Picabia