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Billet de blog 29 juin 2015

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Le Maroc vu de la France -Extraits Rapport mission Glavany Novembre 2013

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(Extrait du rapport d'information déposé à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 novembre 2013 par le député Jean Glavany) : Maroc : le choix de la réforme

Comme ses voisins libyens et tunisiens, le Maroc traverse une phase de mobilisation intense au début de l’année 2011.

La plateforme militante du «Mouvement du 20 février» lance ainsi, par le biais des médias sociaux, un appel à manifester qui ne réunit que 50000 personnes sur l’ensemble du territoire, mais qui est suivi dans de nombreuses villes.

Comme ailleurs, les participants sont essentiellement des jeunes, mais ils bénéficient rapidement d’un soutien apporté par des partis de gauche ou encore par l’Association marocaine des droits de l’homme.

Les manifestants réclament plus de démocratie, dénoncent la corruption et le clientélisme, sans appeler à la fin de la monarchie.

Le roi tire en effet une légitimité particulière de son titre de « Commandeur des croyants », qui fait de lui la première autorité religieuse du pays et tend à le placer au-dessus de la mêlée politique et institutionnelle (1).

Mais surtout, le Palais reprend très vite la main grâce à un discours solennel prononcé par le roi dès le 9 mars.

Trois semaines seulement après le déclenchement des manifestations, il annonce sa volonté de réviser la Constitution afin de rééquilibrer les pouvoirs en faveur du chef du Gouvernement, qui deviendrait alors le chef de l’exécutif. Bien que ce discours soit presque unanimement salué par la presse et par la classe politique, la mobilisation ne cesse pas immédiatement : 100 000 personnes se mobilisent ainsi le 20 mars pour « maintenir la pression ».

Le mouvement du 20 février, qui refuse de participer aux consultations politiques et qui organise des manifestations chaque dimanche, voit sa base s’éroder progressivement.

En revanche, les grèves et les manifestations catégorielles se multiplient dans différents secteurs, les troubles sociaux dégénérant parfois dans certaines villes de province, notamment à Khouribga, cité minière qui connaît des violences conduisant à la destruction de biens publics et faisant de nombreux blessés.

La nouvelle Constitution, élaborée par une commission consultative nommée par le roi et censée représenter la société marocaine, offre comme principal changement la désignation d’un chef du Gouvernement issu de la formation politique arrivée en tête lors des élections législatives.

Mais ce rééquilibrage institutionnel ne marque pas un véritable passage à la monarchie constitutionnelle : dans les faits, le roi demeure le maître du jeu dans les domaines régaliens et conserve un pouvoir d’arbitrage, exercé avec l’aide de ses propres conseillers.

Le nouveau chef du Gouvernement ira jusqu’à déclarer à la presse que le roi est son « chef ».

Mais la Constitution comporte aussi d’autres avancées : une liste détaillée de droits et libertés – dont la liberté de conscience est absente, les forces islamistes s’y étant opposées ; le principe d’égalité entre les hommes et les femmes ; la lutte contre les discriminations ; la reconnaissance du berbère comme seconde langue officielle. Le référendum organisé le 1er juillet, quatre mois seulement après les premières manifestations, tourne au plébiscite : la nouvelle Constitution est adoptée avec 98 % des voix et un taux de participation de 2/3 du corps électoral.

L’ouverture politique se poursuit ensuite avec la tenue d’élections législatives anticipées, le 25 novembre 2011.

Le parti islamiste Justice et Développement (PJD) étant arrivé en tête, avec 27 % des voix, son secrétaire général Abdelilah Benkirane est nommé au poste de chef du Gouvernement, à la tête d’une coalition ministérielle hétéroclite.

Le changement, conduit par le haut au Maroc, mais sous une pression populaire naissante, s’inscrit dans la continuité de la transition vers la démocratie qui avait été engagée par Hassan II à la fin des années 1990, lorsque la gauche marocaine avait accédé au pouvoir, à la faveur d’une alternance décidée par le Palais, tandis que le PJD était reconnu.

L’une des grandes forces de ce changement mené tambour battant est que le Palais peut se targuer de n’avoir fait qu’une « offre », certes nouvelle, mais consentie librement, puisqu’inscrite dans le droit fil de l’ouverture engagée par Hassan II puis par Mohammed VI au début de son règne, notamment lorsqu’il avait mis en place l’Instance Equité et Réconciliation pour lever le voile sur la répression des « années de plomb ».

Certains iront même jusqu’à évoquer une « révolution du roi et du peuple » au Maroc.

Dans le même temps, des mesures sont adoptées en urgence pour éviter l’incendie social qui couve : les autorités annoncent pêle-mêle l’embauche de 4 000 « chômeurs diplômés » dans la fonction publique, la généralisation du régime d’assistance médicale des démunis, une enveloppe complémentaire de 1,3 milliard d’euros pour la caisse de compensation qui subventionne les produits pétroliers, le gaz butane à usage domestique, la farine ou encore le sucre, ainsi que l’accélération du programme « Ville sans bidonville », destiné à lutter contre l’habitat insalubre et à créer des logements sociaux.

Objectivement, la situation est en effet délicate :

- Le Maroc a l’un des PIB les plus faibles de la région – 3 000 dollars par habitant ; - Les écarts de revenus se sont accrus ;

- Le taux de pauvreté a certes reculé de 15 à 9 % dans les années 2000, mais 25 % de la population sont considérés comme pauvres ou vulnérables ;

- Le taux de chômage officiel des jeunes s’élève à 18 % ;

- Enfin, seuls 30 % de la population bénéficient d’une protection sociale.

Les mesures adoptées au plan constitutionnel, politique et social semblent avoir donné à la majorité de l’opinion le sentiment que ses aspirations ont été effectivement entendues.

La contestation politique reste marginale et, malgré des difficultés persistantes, une reprise du mouvement de contestation sociale paraît peu probable à court terme.

Reste à savoir si le Maroc est réellement parvenu à ouvrir une troisième voie durable, celle de la « révolution tranquille », évitant aussi bien l’immobilisme que la violence.

(1) Bien qu’elle fasse désormais l’objet de critiques, la cérémonie d’allégeance au roi, annualisée en 1962 par Hassan II, se poursuit ainsi avec un simple allégement du protocole.

Lien vers rapport complet http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1566.asp

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