Le droit de vote des étrangers et les autres réformes que Hollande ne fera pas
La constitution du 24 juin 1793, qui n'a jamais été appliquée, déclarait :
« Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis, tout étranger de vingt et un ans, qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail, ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard, tout étranger enfin qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l'Humanité est admis à l'exercice des Droits de citoyen français. »
En juillet 2014, j'ai poster un billet sur mon blog Médiapart, intitulé "Le Droit de vote des étrangers et le récit national français, Le triangle des Bermudes de la démocratie" (1). Mon objectif était, en dernière tentative de poser la question: Est-ce pour une fois, la gauche pouvait honorer un engagement jamais tenu depuis 1981 et les 110 propositions de François Mitterrand. François Hollande l'a reprise dans son discours du Bourget .
Je rappelle l'article du JDD du 10 Mai 2013 (2) : Le droit de vote des étrangers : promesse non tenue
"HOLLANDE, UN AN APRÈS - Chaque jour, à l'occasion du premier anniversaire de la présidence de François Hollande, leJDD.fr revient sur l’une des 60 promesses de campagne du chef de l'Etat. Le président a-t-il tenu sa parole? Aujourd'hui, l'engagement n°50 sur le droit de vote des étrangers aux élections locales.
- Ce qu'il a promis
Depuis 1981 et la campagne présidentielle de François Mitterrand qui l'a mené à l'Elysée, le Parti socialiste promet le droit de vote des étrangers aux élections locales. En 2012, François Hollande a repris la proposition dans son engagement n°50 : "J'accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans."
Le socialiste assure aussi vouloir mener "une lutte implacable contre l'immigration illégale et les filières du travail clandestin, "sécuriser l'immigration légale" et "réguler" les situations mais "au cas par cas et sur la base de critères objectifs".
- Ce qu'il a fait
Dans un premier temps, l'exécutif voulait inclure le droit de vote des étrangers dans la révision constitutionnelle. La mesure était alors critiquée par l'opposition mais aussi par une partie de la majorité. Manuel Valls, pourtant ministre de l'Intérieur, a ainsi douté qu'il s'agisse d'une "revendication forte de la société", dans LeMonde daté du 17 septembre 2012. Au lendemain de cette interview, Cécile Duflot, ministre du Logement, a au contraire assuré que la mesure sera mise en place pour les élections municipales de 2014. François Hollande a finalement tranché le 13 novembre dernier, lors de sa première conférence de presse officielle à l'Elysée : le droit de vote des étrangers sera appliqué à condition de réunir une majorité des 3/5e des voix nécessaires au Congrès pour modifier la Constitution. Après une série de consultations faites par Jean-Marc Ayrault en janvier, la mesure est finalement écartée, au motif qu'à ce jour, les 3/5e n'ont pas été réunis.
Quant à sa lutte contre l'immigration légale, François Hollande a précisé pendant la campagne, le 15 mars 2012 sur France 2, qu'il comptait créer des brigades spécialisées de lutte contre les filières clandestines. C'est désormais chose faite : elles ont été créées dans le cadre du plan national contre le travail illégal présenté le 27 novembre dernier. Au lendemain de la publication de ce plan, le 28 novembre, Manuel Valls a précisé, dans une circulaire, les critères de régularisations, "objectifs" selon lui.
- Le calendrier
Aucun calendrier n'a été fixé au sujet de la lutte contre l'immigration illégale, le plan national pouvant être révisé chaque année. Concernant le droit de vote des étrangers aux élections locales, François Hollande n'a pas officiellement brisé sa promesse. Mais à ce jour, il ne dispose pas d'une majorité des 3/5e au Parlement, la condition sine qua none fixée. Seules les élections sénatoriales de 2014 pourraient changer la donne avant la présidentielle et les législatives de 2017."
- L'Appels de parlementaire n'y fera rien
Dans cet élan, 50 intellectuels et parlementaires interpellent le président de la République, François Hollande, sur le droit de vote des étrangers, via un Appel lancé par la sénatrice Esther Benbassa:
« Généreuse, la République se doit de donner de nouveaux moyens d’expression à ceux qui prennent part, au quotidien, à la vie de la Cité, qui contribuent à ses ressources, et qui respectent ses lois.
Terre d’accueil, la France se doit de tenir compte des racines créées, par-delà la nationalité, par ceux qui y vivent depuis des années, parfois depuis des décennies.
Pluriel, notre pays se doit de reconnaître un nouveau type de citoyenneté, qui ne soit pas uniquement le fruit de la nationalité.
L’extension du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non européens concernerait environ 2,3 millions d’étrangers, dont 1,8 million y résidant depuis plus de cinq ans. Son adoption permettrait enfin de mettre un terme à des asymétries choquantes entre les étrangers non européens, qui sont parfois résidents de longue date sur le sol français, et les étrangers communautaires, disposant eux, sans condition de durée de résidence, du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales.
Nous comptons sur vous, Monsieur le Président. »
- Alors ou en est-on?
Le Sénat passant à droite, le rêve des 3/5ème s'envole, alors qu'il était déjà compliqué à obtenir avec un Sénat à gauche. Ceta concerne plusieurs réformes.
Les réformes constitutionnelles que François Hollande aurait du engager mais il ne l'a pas fait:
- Le droit de vote des étrangers aux élections locales
- L’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives
- La réforme du Conseil supérieur de la magistrature
- Réforme du Conseil constitutionnel
- Suppression de la Cour de justice de la République
- Réforme du statut pénal du chef de l’Etat
Elles devaient être le dernier chantier du quinquennat de François Hollande. Après avoir renoncé en 2013 à convoquer le Congrès pour faire passer la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, le chef de l’Etat devrait avoir du mal à engager les réformes constitutionnelles annoncées dans son programme présidentiel, comme l’introduction d’une dose de proportionnelle ou le droit de vote des étrangers – un sujet sur lequel les élus PS ont plusieurs fois mis la pression sur l’exécutif (il faut croire que la pression n'a pas été assez forte)!!
Déjà, avec une majorité relative depuis 2011 au Sénat, la majorité présidentielle ne disposait pas de la majorité des 3/5e des parlementaires nécessaire pour adopter ces réformes. Avec le passage du Sénat à droite après une parenthèse à gauche de trois ans, la majorité socialiste se trouve encore plus dans l’obligation de négocier avec la droite et/ou le centre pour avancer sur les réformes constitutionnelles.
Avec une droite divisée mais qui ne regarde que la présidentielle de 2017, jouant le couplet de la préparation à l’alternance avec la chambre haute comme avant-poste de ce futur combat électoral. Difficile dans ces conditions d’imaginer l’UMP trouver un terrain d’entente avec François Hollande et le Parti socialiste.
Sur ces 6 réformes, une ne verra jamais le jour avec un Sénat de droite : le droit de vote des étrangers aux élections locales!!
Qu'est-ce qu'on peut raconter comme histoire sur la citoyenneté à ces millions d'étrangers qui ne sont pas naturalisés et qui réclament d'être reconnus comme des citoyens en 2017? Plus grand chose! 1981 et 2012 ont été des années des déceptions ?
(2) http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/Le-droit-de-vote-des-etrangers-promesse-non-tenue-606678