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Billet de blog 30 novembre 2014

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Ridley Scott ne veut pas de Mohamed : Racisme, maladresse ou tentation de « délaver » l'histoire africaine?

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Ce que dit Ridley Scott  à propos du casting de son film, Exodus : Gods and Kids

« Je ne peux pas faire un film avec un tel budget […] et dire que l’acteur campant le rôle principal est un Mohammed qui vient de tel ou tel endroit. Il ne sera pas financé. La question ne se pose même pas ».

S’il est assez simple de comprendre qu’un réalisateur puisse choisir des profils d’acteurs pour une de ses réalisations, y compris des profils bien spécifiques, le dire et peut-être le penser de cette façon prête à confusion.

Pour bien comprendre ce propos, il faut revenir sur le scénario du film et sur la personnalité du réalisateur.

Le scénario du « whitewashing » et le contexte historique

Exodus  Gods and Kinds est une fresque qui se déroule dans l’Egypte ancienne pour laquelle Ridley Scott a choisit des acteurs à majorité blancs. A titre d’exemple, Joel Edgerton, qui n’a pas franchement le type nord-africain a été sélectionné pour le rôle de Ramsès.

Il faut savoir que Ramsès était leucoderme (à peau blanche), de type méditerranéen proche de celui des Berbères africains. (1).

L’autre aspect de cette espèce de « whitewashing » nous vient du choix des acteurs. La quasi totalité des acteurs sont américains, européens ou australiens  alors que les esclaves sont noirs.

Coïncidence ou pas, des acteurs noirs ont été embauchés pour jouer des esclaves !

Ridley Scott est peut-être le genre de type à être très attaché à l'exactitude historique mais qui se donne pas la peine  de choisir un acteur de couleur pour jouer Moïse ou pour une reine africain, tout en remplissant le reste du film d'esclaves et de voleurs noirs. Les critiques ne viennent pas que des « Mohamed ».

Interrogé à ce sujet en août dernier, l'acteur jouant Ramsès dans le film, Joel Edgerton a affirmé au Guardian qu'il comprenait ces critiques.

Ridley Scott tente une explication historique pour le moins ambiguë : "L'Egypte était à cette époque, comme aujourd'hui d'ailleurs, un point de rencontre entre plusieurs cultures car c'était un carrefour géographique entre l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Europe. Nous avons embauché de grands acteurs d'origines ethniques différentes (iranienne, arabe, espagnole) afin de refléter la diversité de cette culture égyptienne". Avant d'ajouter : "Il y a de nombreuses théories différentes sur l'origine ethnique du peuple égyptien et on a eu des discussions sur la manière de montrer au mieux cette culture".

De l’histoire au dé-lavement de l’histoire, il n’y a qu’un pas : “Je n'obtiendrais pas les financements nécessaires"

Sur ce choix d'acteurs blancs pour les rôles principaux, Ridley Scott  justifie son choix par : "Je ne peux pas monter un film doté d'un tel budget, où je dois même profiter de subventions en Espagne, et dire que mon acteur principal est Mohammed Untel de tel ou tel endroit. Je n'obtiendrai simplement pas les financements nécessaires pour mon film. La question ne se pose donc même pas".

Contemplez ces deux photos : L’un plus que l’autre aurait pu jouer le rôle de Ramsès II. Il est n plus d’origine arabe !!

Le charmant Wentworth Miller, alias Michael Scofield dans la série à succès Prison Break (2005-2009), est né à Chipping Norton, Oxfordshire, en Angleterre de mère Syrienne d'origine Libanaise. Pas entendu, pas casté, pas contacté.....

Joel Edgerton, transformé en Ramsès II à coup de maquillage à la pelle!!

Il n’est pas le seul. Ils sont acteurs, mannequins, réalisateurs... sont célèbres, mais partagent également un autre point commun, leurs origines arabes.  Ridley Scott n’avait plus leurs numéros ?

N’y a–il aucun qui pouvais incarné un Ramsès plutôt de type égyptien et méditerranéen au risque de s’endetter pour payer la quantité de maquillage à appliquer à Joel Edgerton pour le faire ressembler de loin à Ramsès II ?

Sygourney Weaver, plutôt connue pour son teint d'albâtre, se retrouve dans la peau, originellement bien plus foncée, de Touya, reine d’Egypte.

Peu probable également que le pharaon Ramsès II ait eu une quelconque ressemblance avec Joel Edgerton, blond aux yeux bleus à qui la production a pris le soin de raser la tête et d'appliquer une bonne dose de fond de teint.

Sans parler des comédiens de couleur soient systématiquement cantonnés aux rôles de voleurs, ou pire, d'esclaves. Certains internautes ont  remarqué que le "profil très européen" du nez reconstitué du Sphinx de Gizeh.

Mais ces pratiques sont fréquentes dans le cinéma hollywoodien

Noé (Daren Aronofsky),  qui reprend un épisode de la bible,  a fait de même.

Chose que la production mondiale « Les dix commandements » a bien géré en engageant la star Omar Sheriff (2)

La ligne de défense de Ridley Scott est construite sur l’aspect budget. Il ne fait que justifier le fait qu’il n’a pas réaliser son film avec un budget plus mince et plus approprié à l’histoire.

 Ridley Scott est l’un des réalisateurs les plus influent du cinéma dans le monde. Il est bien placé pour faire bouger les choses, même si on est dans notre droit de condamner son propos au nom de tous les « Mohamed, Omar, Shehabb..... ».  Il l’a fait par le passé dans le scénario de Thelma et Louise, Alien ou le huitième passager.

Alors pourquoi ne pas faire la même chose avec des comédiens issus des minorités nationales !

Ou a-t-il subit des pressions ?

                                                                                    « Nous vivons dans la jungle où le fort mange le faible. Nous ne sommes pas meilleurs que les Arabes pour que nous les toisons ».

Ces paroles ne sont pas d’antiracistes de posture.

Ils sont de Ralf Fines (acteur britannique « blanc ») et de Will Smith (acteur américain « noir »).

(1)    Ramsès II - La véritable histoire, Christiane Desroches Noblecourt, éd. France Loisirs, 1992, p. 50

(2)    Omar Sheriff : D'origine syro-libanaise et de son vrai nom Michael Shalhoub, Omar Sharif est découvert par Youssef Chahine qui le fait débuter dans Ciel d'enfer en 1954. Dans son film suivant, Les Eaux noires, le cinéaste égyptien lui offre déjà un rôle plus consistant, en vedette avec l'actrice Faten Hamama que le comédien épouse par ailleurs.

Héros romantique dans Mayerling de Terence Young, où il donne la réplique à Catherine Deneuve, Omar Sharif tourne également en France, dans le "Le Casse" d' Henri Verneuil, où il affronte Jean-Paul Belmondo. Le comédien est également à l'affiche de Funny girl et de Funny Lady, où il a pour partenaire Barbra Streisand

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