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Billet de blog 20 décembre 2008

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Marivaux, De Gaulle, la langue et la politique

Voilà un des effets collatéraux de mon immersion dans la langue politique française !

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Voilà un des effets collatéraux de mon immersion dans la langue politique française !

Que je vous dise ...

Paris, ce samedi 20 décembre, je sors des Bouffes du Nord, toute transformée par la mise en scène infiniment intelligente qu'a faite Luc Bondy de La seconde surprise de l'amour. Rarement, j'avais aussi bien entendu le texte et la langue miroitante de Marivaux : tous les mots n'y étaient que des mots, mais vraiment des mots - des sons et du sens combinés - jouant les uns avec les autres, à la fois épais comme des mille-feuilles signifiants, et virevoltants. Bref, je reprends ma voiture, baignée dans un "sentiment" incroyable de la langue.

Et voilà que peu après, j'entends à la radio, dans une émission d'histoire, la rediffusion d'extraits de discours de De Gaulle, dont celui prononcé en 1961, lors de la tentative de coup d'état en Algérie ("Un quarteron de généraux en retraite ...") ; et là aussi la même impression d'entendre la langue, d'une façon radicale qui n'est pourtant pas liée au contenu politique de ce message mais qui rend pourtant ce contenu lourd de sens, qui lui donne son importance, une forme de saveur profonde, une vigueur.

Et soudain je me demande d'où procède cette "impression" deux fois éprouvée par le hasard des choses.

La précision, la précision de cette langue, voilà ce qui me donne le sentiment de l'entendre. Les mots sont à leur place, précis, comme tracés au stylet. Ils prennent corps par leur contour propre et par leurs combinaisons.

Où vais-je en venir ?

Jusqu'alors je pensais que l'impression de vacuité croissante que je ressentais chez les ténors de la politique, venait avant tout de l'absence de convictions et d'idées fortes, de leur soumission à l'air du temps (ce qui ne fait pas une politique). J'avais pourtant repéré que quelque chose se jouait aussi du côté de la langue elle même, du côté de sa rhétorique, ne serait-ce qu'en songeant au tour de passe-passe de certaines formules des deux candidats aux présidentielles ; j'avais bien remarqué que leurs mots jouaient davantage comme "images" que comme "sens" construit, argumenté - en ce que l'image a un pouvoir de fixation, donne à voir plus qu'à comprendre, cristallise, fait mirage - J'avais bien repéré aussi que la gouaille de l'un en rajoutait.

Mais en écoutant Marivaux et De Gaulle, j'ai compris que c'était aussi le manque radical de précison exigeante de ces langues politiques, leur fausse clarté, leur approximation faussement familière, qui me laissaient ce sentiment de vide et de vaine parlotte.

Alors ! Et si la révolution passait aussi par une réappropriation de la langue et de son trésor ?

Ni pédanterie, ni formules faciles, mais une langue aiguisée, mobile, traçant les chemins de la pensée entre nous tous.

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