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Avant cette fermeture unilatérale et illégale de l'espace aérien vénézuélien, annoncée... sur X, Donald Trump avait déployé la flotte américaine dans la mer des Caraïbes et notamment le porte-avion USS Gerald R. Ford, le plus grand de toute la flotte américaine. Alors qu'il y a plus d'un mois, Donald Trump missionnait la CIA de mener des opérations clandestines au cœur du Venezuela, Donald Trump vient de lancer un ultimatum à Maduro, lui ordonnant de démissionner et de quitter le pays.
Des exécutions extrajudiciaires dépourvues de toute base légale
Depuis septembre dernier, les avions américains ont procédé à des frappes sur des navires civils, supposés transporter de la drogue. Elles ont déjà provoqué la mort de plus de 80 personnes. Il s’agit purement et simplement d’exécutions extrajudiciaires dépourvues de toute base légale. Le 2 septembre dernier, une de ces frappes avait donné lieu à un crime particulièrement sordide : après que le bateau visé a pris feu, deux survivants tombés à l’eau s’étaient accrochés à l’épave. Et les militaires américains avaient frappé le bateau une seconde fois pour les tuer. Cet incident a déclenché une polémique aux États-Unis parce que le secrétaire à la Défense de Donald Trump, Peter Hegseth a été accusé d’avoir personnellement donné cet ordre inhumain.
Dans l’affaire vénézuélienne, la lutte contre le trafic de drogue n’est, de toute évidence, qu’un prétexte. La preuve la plus éclatante en a été apportée par Donald Trump lui-même : le 2 décembre dernier, le Président américain a gracié Juan Orlando Hernandez, ancien président du Honduras, qui purgeait justement une peine de 45 ans de prison aux États-Unis pour trafic de drogue. Au Venezuela, l’objectif réel de Donald Trump est d’éliminer Nicolas Maduro, et de mettre la main sur les matières premières dont regorge le pays, en particulier les plus grandes réserves pétrolières au monde.
La politique impérialiste de Trump en Amérique latine
La politique agressive de Donald Trump vis-à-vis du Venezuela s’inscrit dans une politique impériale plus large de mainmise sur l’Amérique Latine. Donald Trump entend en effet réactiver la « doctrine Monroe » – du nom du président américain James Monroe – qui, dès 1823, avait déclaré que l’Amérique du Sud était dorénavant le pré carré des États-Unis.
Au-delà du Venezuela, le Président américain est parti en guerre au Brésil, contre le Président Lula pour défendre son ami Jair Bolsonaro, l’ancien président brésilien d’extrême droite, condamné pour une tentative de coup d’État. Il avait temporairement imposé des droits de douane de 50 % aux exportations brésiliennes vers les États-Unis en octobre dernier en représailles contre sa condamnation.
Il s’est aussi grossièrement ingéré dans les élections argentines qui se sont tenues le 26 octobre, accordant un prêt de 40 milliards de dollars alors que son ami Javier Milei avait conduit une fois de plus son pays au bord de la cessation de paiement. La condition ?Que les Argentins le réélisent à la tête du pays, ce qu’ils avaient fait sans surprise, soumis à ce chantage grossier.
Le Président américain avait aussi menacé d’envoyer des troupes au Mexique pour lutter contre les trafiquants de drogue. Il s’en est pris également au président de gauche colombien Gustavo Petro, placé sur la liste dite “Clinton" des personnalités accusées d’être liées au narcotrafic et soumises à ce titre à d’importantes sanctions américaines. En Amérique latine, Donald Trump joue le même jeu qu’en Europe, mais avec un accent plus belliqueux : son objectif est de construire une internationale réactionnaire alignée sur les intérêts et les volontés américaines, tout en donnant le pouvoir à ses pantins d’extrême droite.
Le sabotage du sommet EU-CELAC
Cette politique heurte directement les intérêts de l’Union Européenne qui avait engagé sous le mandat précédent un rapprochement avec l’Amérique latine. Dans le contexte géopolitique actuel, marqué par la double menace de Vladimir Poutine à l’Est et de Donald Trump à l’ouest, il est essentiel en effet que l’Europe trouve de nouveaux alliés dans les pays du Sud, tant sur le plan politique que sur celui des relations économiques.
L’impact négatif pour l’Union de ce néo-impérialisme américain a été clairement identifiable à l’occasion du sommet EU-CELAC, l’organisation qui rassemble 33 pays d’Amérique latine et des Caraïbes, en novembre dernier en Colombie. Sur les 60 pays concernés, seuls 12 chefs d’État et de gouvernement ont fait le déplacement. Donald Trump avait fait pression sur les autres, tant en Amérique Latine qu’en Europe, pour les dissuader de s’y rendre.
Malgré cela, ce sommet s’est tenu, et l’Union et la CELAC ont adopté une déclaration commune réaffirmant notamment leur « opposition à la menace ou à l’emploi de la force, ainsi qu’à toute action non conforme au droit international et à la Charte des Nations-Unies ». Cette déclaration insiste également sur la place prépondérante du respect du droit international, des droits humains et du multilatéralisme, notamment dans le règlement des différends entre les pays.
Mais malgré l’aggravation massive des actions grossièrement contraires au droit international menées par les États-Unis ces dernières semaines, les dirigeants de l’Union restent silencieux face aux exactions de l’administration Trump dans la région. Ce silence ne peut plus durer. Ce qui reste de crédibilité à l’Union Européenne auprès de ses partenaires du Sud, déjà bien entamée par son double langage sur Gaza, est en jeu. L’expérience des derniers mois a amplement montré que faire profil bas devant Trump n’apporte rien à l’Union. Il ne respecte que ceux qui lui tiennent tête.
Mounir Satouri