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Billet de blog 16 février 2024

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Moment de vérité pour la démocratie européenne

En juin 2024, les citoyennes et citoyens européens auront un choix crucial à faire. Face aux défis de la guerre en Ukraine, des populismes et du changement climatique, l'avenir de la démocratie européenne est en jeu. En nous mobilisant et en votant massivement, nous pouvons construire une Europe plus juste, plus durable et plus solidaire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les élections européennes qui auront lieu dans 4 mois - en juin 2024 - sont porteuses d’enjeux extraordinaires. Après des décennies de paix et de stabilité institutionnelle, l’Europe fait face à une double menace existentielle, à la fois militaire et politique. Toute la question est de savoir si les européens seront capables d’y apporter de véritables réponses.

En premier lieu, nous sommes confrontés à une guerre dont l’issue est de plus en plus inquiétante. L’Ukraine a échoué à mener une contre-offensive, et l’envahisseur prend l’ascendant dans la durée. Sur ce tableau déjà sombre, s’ajoutent les déclarations récentes de Donald Trump annonçant que s’il gagne la présidentielle américaine de 2024, les européens seront seuls face à Poutine. Simulant une conversation avec un chef d’Etat européen, Trump a ainsi déclaré : « non, je ne vous protégerais pas. En fait, j’encouragerais [les Russes] à faire ce que bon leur semble». Neuf petits mois nous séparent désormais de la bataille pour la Maison Blanche ! Considérons que la folie de Trump doit nous inciter à l’action : il s’agit de préparer l’Europe à se défendre sans dépendre de l’Amérique. La tâche est complexe, mais rien n’est impossible si nous le voulons vraiment.

En second lieu, l’enjeu de ces élections est de répondre à une menace intérieure qui pèse sur l’Union : celle de l’effondrement démocratique. Cela a souvent été dit, l’Europe est un géant économique et un nain politique. Privilégiant le commerce et la consommation sur toute autre valeur, l’Union manque fondamentalement de consistance. Soumise aux fluctuations des marchés ou à la volonté d’acteurs géopolitiques de premier plan, elle apparaît largement impuissante à imprimer sa marque sur le monde - la situation à Gaza nous le démontre chaque jour. Si les Etats membres ont volontairement amputé leurs capacités d’action depuis des décennies, trop peu d’outils de gouvernance commune ont été mis en place - le budget de l’UE, ridiculement petit, en atteste. Face à ce recul tragique de la puissance publique, une partie des populations - souvent déclassées - ont peur et réclament des protections : elles se tournent désormais vers une extrême droite nationaliste et anti-européenne. L’économiste et historien Karl Polanyi avait déjà étudié ce mécanisme à propos des années 30 : à l’époque, le libéralisme économique, incapable de construire un ordre social harmonieux, avait jeté nombre d’européens dans les bras des fascistes et des nazis. Cent ans plus tard, les partis libéraux de droite comme de gauche - qui se sont partagés le pouvoir depuis des décennies - portent également une responsabilité majeure. 

L’affaiblissement démocratique n’est certes pas un processus européen : il est universel et largement corrélé au projet de dérégulation économique qui a structuré ces dernières décennies. Selon l’institut suédois V-DEM, le nombre de démocraties - qui avait doublé entre les années 1970 et 2008 - a chuté de façon continue à partir de cette date. Désormais, 13% de la population mondiale vit en démocratie, 59% vit dans un régime illibéral mixte et 28% dans une autocratie. De nombreux chercheurs ont montré l’impact de la mondialisation et des politiques d’austérité dans le creusement des inégalités, l’affaiblissement des classes moyennes et la montée des populismes. En Europe, la croissance des partis d'extrême-droite est constante depuis les années 90, avec une nette poussée après la crise de 2008. Désormais, l’extrême droite gouverne en Italie et en Hongrie, elle est associée à des gouvernements en Suède, en Finlande, en Lettonie et en Slovaquie. En France, Marine Le Pen est favorite pour 2027 et l’AFD allemande est en seconde position dans les sondages. 

EN 2024, outre les élections européennes, plus de 70 pays organisent des rendez-vous électoraux et près de la moitié de la population mondiale se rendra aux urnes. Assisterons-nous à un recul majeur des démocraties et à une percée électorale sans précédent des partis populistes et illibéraux ? Ma conviction profonde est qu’il n’est pas trop tard pour déjouer les pronostics les plus sombres. Face à l’extrême droite, inspirons-nous  du sursaut allemand : plus d’un million de manifestants se sont rassemblés dans les rues pour dire non à l’AFD. Face aux agressions à nos frontières ou au défi du changement climatique, ne doutons pas de notre force et de notre capacité à agir. Rappelons la puissante mobilisation - financière ou opérationnelle - des Etats au moment de l’épidémie de Covid. 

Pour engager un sursaut, il revient aux partis progressistes de convaincre qu’une alternative au libéralisme et au repli nationaliste est possible. Osons porter un projet européen ambitieux et riche de sens. Celui d’une Europe qui assume la mission fondamentale de protéger ses citoyennes et ses citoyens, d’une Union au service de la démocratie. Demain, l’Europe doit être capable de défendre son territoire et ses valeurs face aux dictatures. Elle doit privilégier l’intérêt général sur les intérêts particuliers - notamment ceux des grands acteurs et lobbies économiques. Elle doit enfin préserver notre environnement et adapter nos modes de production et de consommation à cet objectif ultime - notre survie en dépend. Ce sont ces enjeux fondamentaux que nous devons porter et trancher dans les mois qui viennent. Un moment de vérité est devant nous.

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