En évoquant la possibilité d’envoyer des troupes au sol pour défendre l’Ukraine, Emmanuel Macron a lancé une manœuvre destinée à affaiblir le Rassemblement National en tête dans les sondages. Ce coup de politique intérieure, qui se veut écorner un parti mouillé avec Poutine - est un mauvais coup pour l’Europe. La question de l’envoi de troupes peut être légitime, dans des circonstances bien précises, mais elle n’a aucun sens sur le mode purement théorique du “pourquoi pas?”. Ce qui est grave, c’est que Macron, jouant solo une fois de plus, a mis tous ses partenaires européens dans l'embarras, les obligeant à se désolidariser. En lâchant sa bombe à fragmentation, notre président a créé une nouvelle désunion européenne au grand bénéfice de Poutine.
Macron a voulu s’expliquer à la télévision ce jeudi 14 mars. Après des semaines de polémiques, il a balayé d’une phrase les accusations de tactique politicienne. “Pas sérieux”. Ce qui est certain, c’est que sa soudaine rhétorique belliciste est en contradiction avec ses actes depuis le déclenchement de la guerre. En effet, la France n’est pas au tableau d’honneur concernant l’aide à son allié. Selon l’Institut Kiel, qui fait référence en la matière, notre nation n’est située qu’au quinzième rang européen pour son soutien militaire bilatéral. Le gouvernement conteste ce classement et met en avant 3, 8 milliards d’aide militaire - un chiffre difficile à vérifier. Quoi qu’il en soit, l’Allemagne fait beaucoup mieux, avec 17 milliards promis et 10 milliards alloués. Côté armes, le décalage est encore plus criant : Berlin a donné 48 chars de combat à l’Ukraine, Paris aucun. Les blindés de défense antiaérienne ? Berlin 52 - Paris 0. Ces chiffres devraient rendre notre chef des armées un peu plus humble… Ils confirment la position des écologistes : nous devons aider l’Ukraine en lui fournissant armes et financements pour lui permettre de vaincre et non pas en se payant de mots. Notons que, depuis des mois, Zelensky réclame des munitions pour faire face, pas des troupes au sol !
Autre point qui ne plaide pas en faveur de la “sincérité” du président Macron : celui du commerce bilatéral qui enrichit toujours Poutine. La France obtient la triste médaille d’or d’importation du gaz liquéfié russe en Europe grâce au concours du champion TotalEnergies. Critiquée pour ses importations, l’entreprise a annoncé qu’elle entendait honorer ses contrats tant que les Etats membres “ne prendraient pas de sanctions interdisant le gaz russe“ - tant que la Macron fermerait les yeux sur le business - en d’autres termes. Au total, 5 milliards d’euros auraient été payés par les entreprises françaises à la Russie en 2022. Entre février 2022 et septembre 2023, l’UE aurait dépensé 163 milliards d’euros pour acheter des énergies fossiles russes. Le Parlement européen a bien voté en faveur d’un embargo total sur les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) et de gaz de pétrole liquéfié (GPL) russe. Mais les Etats (et les lobbies) on dit “niet” !
Vous en voulez encore ? La Russie a exporté plus d'un milliard de dollars de biens et de matériaux liés à l'industrie nucléaire depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, y compris vers des pays de l’Union européenne et de l’OTAN, en lien avec EDF, Orano et Framatome selon un rapport de Greenpeace. La France aurait presque triplé ses importations d’uranium enrichi en provenance de Russie entre 2021 et 2022.
En matière de cohérence, on peut donc faire beaucoup mieux et notre commandant en chef devrait commencer par aligner les mots et les actes. A plus long terme, il est plus que temps de muscler l’industrie de défense européenne et d’éliminer les énergies fossiles russes. La transition écologique est une arme de guerre qui pourrait s’avérer efficace contre Poutine. Peut être plus efficace que “d’envoyer des mecs à Odessa” comme l’a élégamment exprimé le Président de la République en sirotant son whisky le soir du 21 février.