Les clichés sur l’assistanat ont la vie dure… Et d’ardents défenseurs ! Le Président de la République, Emmanuel Macron, en fait partie. Lors de son interview télévisée du 21 mars, il s’est livré à une communication particulièrement cynique consistant à détourner la colère des travailleuses et travailleurs opposés à sa réforme des retraites en direction d’une autre “colère”, celle ressentie à l’égard des “assistés”. Ainsi, Emmanuel Macron a interprété le «sentiment d’injustice» ressenti par certains en se faisant leur porte-parole : “c’est toujours nous qui bossons, à qui on demande des efforts” a dit le Président. “Beaucoup de travailleurs disent : ‘‘Vous nous demandez des efforts… Il y a des gens qui ne travaillent jamais et qui auront le minimum vieillesse’’”.
Si l’on caricature encore plus le propos outrancier de M. Macron, on dirait que ce qui rend fous les français, ce n’est pas de travailler plus longtemps dans des conditions difficiles, c’est de voir les bénéficiaires du RSA se la couler douce et profiter, après une vie d’oisiveté, du minimum vieillesse !
Pour rétablir cette injustice, le Président réformateur, qui a déjà conditionné cette aide sociale à de nombreuses contraintes, imposant formations ou activités obligatoires, a annoncé sa volonté d’aller plus loin en allant “chercher” les bénéficiaires du RSA pour les “responsabiliser” - notamment ceux qui ne travaillent plus “depuis des années ou des dizaines d’années”. La traque des plus vulnérables, boucs émissaires faciles, a de beaux jours devant elle !
Ne nous y trompons pas, le Président, qui devrait apaiser et rassembler les Français, cherche à cliver. Pour satisfaire sa tactique politicienne, il s’accommode, une fois de plus, de contre-vérités. Car les faits ont été largement documentés par les chercheurs. Ces derniers ont constaté, à travers des études scientifiques, que la quasi-totalité des allocataires des minima sociaux aspirent à retrouver une dignité et une participation à la vie sociale. Le RSA serait “désincitatif” et éloignerait de l’emploi ? Faux répondent les spécialistes ! La chercheuse Céline Marc a montré que moins de 1% des allocataires invoquaient la “non rentabilité du travail” comme une raison empêchant de retrouver un emploi. Quant à Esther Duflo, prix Nobel d’économie récompensée pour ses travaux sur la pauvreté, elle est on ne peut plus explicite : “toutes les études ont montré qu’il n’y avait aucun effet décourageant sur le travail de garantir à ceux qui n’ont pas d’emploi un revenu plus important…Des minima sociaux plus généreux encouragent et facilitent la reprise de l’activité."
La vérité, qui n’arrange pas Emmanuel Macron, c’est que l’immense majorité des personnes piégées par la pauvreté et cantonnées au RSA ne cherchent en rien à “profiter du système”. Elles ont du mal à retrouver ou à rechercher un travail pour des raisons de santé, de garde d’enfant, de transport, de discrimination, de formation ou de découragement, mais aussi parce que le marché de l’emploi n’est pas suffisamment dynamique. La vérité est que ce filet de sécurité est indispensable, parce qu'il permet à certain.e.s de survivre, de stabiliser une situation difficile, de se reconstruire personnellement. Sans protection garantie et inconditionnelle, il est souvent impossible de se former ou de libérer du temps pour chercher du travail.
Lorsqu’on met bout à bout toutes les “réformes” anti-sociales d’Emmanuel Macron - limitation des droits des chômeurs, contraintes sur les bénéficiaires du RSA, allongement des cotisations retraites, on constate la parfaite cohérence de sa démarche et de son idéologie. Il s’agit de faire moins de dépenses publiques, de réduire la pression fiscale sur les plus aisés et les entreprises, de limiter la protection des classes moyennes et plus précaires. Il s’agit également de “sortir”, par la contrainte et le tripatouillage comptable, un maximum de personnes des statistiques de Pôle Emploi afin de s’attribuer les lauriers d’une réduction du chômage. Cette logique est à l’opposé de la nôtre, celle des droits et de l’équité, celle d’un investissement dans une économie durable, ancrée sur les territoires, véritablement créatrice d’emplois.
En tant que député européen, mon rôle est de porter ce combat des droits et de la justice au niveau européen. Nous nous sommes battus pour qu’un revenu minimum - une sorte de “RSA” européen calé sur les seuils de pauvreté - s’impose aux Etats dans le cadre d’une directive contraignante. Nous avons obtenu une victoire, le 15 mars, puisqu’une majorité de députés a voté en faveur de ce principe. La réponse du Commissaire chargé de l’emploi et des droits sociaux, le socialiste Nicolas Schmit, ne s’est pas faite attendre : il a, tout de go, annoncé ne pas vouloir porter cette directive au sein de la Commission ! Un bras de fer est engagé. La bataille sera longue et difficile, mais nous sommes déterminés à la gagner.