A propos de la fascination qu’exerce Daech
Plusieurs articles de presse, depuis des mois, se sont penchés sur la fascination que semble exercer, sur une partie de la jeunesse occidentale, Daech. Il y eut d’abord Marianne, dans son inimitable style d’extrême centre, maniant des évidences comme autant de grossièretés, la bouche en cul de poule. Puis le Monde diplomatique, marquant les ressemblances formelles avec les Brigades internationales de la guerre d’Espagne pour mieux souligner les différences, mais avec un zeste d’incertitude. A. Perraud s’y est essayé aussi, sur Mediapart, de façon insatisfaisante à mes yeux.
Hier, chez Frédéric Taddéi, a eu lieu un débat sur la question : quels alliés contre Daech - faut-il s’entendre avec Assad. Diverses considérations tactiques furent évoquées, depuis le cynisme brutal para-poutinien d’un ami russe, jusqu’aux interrogations morales d’un R. Brauman. Mais le plus important, à mon avis, furent les interventions à la fois chargées d’émotion et lumineuses quant aux interprétations qu’elle proposait, de la politologue Myriam Benraad.
Celle-ci a commencé par rappeler deux bonnes vérités :
1/ Les interventions occidentales récentes dans la région, en particulier américaines, se sont accompagnées de leur lot d’atrocités, sur lesquelles nos media, passé le premier moment spectaculaire, ont fait retomber un voile pudique.
2/ Ceci ayant un rapport avec cela, les populations des régions concernées ne sont pas des animaux qu’on peut bousculer dans en sens puis dans l’autre, en leur retrouvant avec étonnement une figure humaine seulement lorsqu’ils débarquent sur nos côtes.
Ayant dit ceci M. Benraad s’est lancée, dans un deuxième temps, dans une description nouvelle de Daech et de la fascination qu’il peut exercer : celle de la révolte d’une partie des «laissés pour compte de la mondialisation», autrement dit d’une partie du prolétariat international, se saisissant du drapeau d’un certain islam-signifiant, l’étendard du nationalisme arabe étant depuis longtemps enfoui dans le sable, sans parler de celui du socialisme, ayant fait naufrage dans d’innombrables camps à l’Est et dans les têtes à l’Ouest.
Que cet étendard soit loin de représenter la totalité de l’islam existant ou virtuel, c’est évident. Qu’il ait des points d’accroche avec lui est aussi clair, le rôle ambigu de l’Arabie saoudite en témoignant. Mais, ici, c’est secondaire.
Que Daech soit une abomination, inutile d’insister.
Mais intéressant est l’aspect de révolte que met en lumière Myriam Benraad.
Cette révolte que nous attendons vainement en France comme en Europe, nous l’avons sous les yeux au Proche-Orient. Avec les aspects jouissifs que l’on retrouve dans d’autres épisodes historiques, je repense aux récents articles de Médiapart sur Roger Vailland. L’argent facile, le pouvoir, la violence, la peur qu'on inspire, les vierges tout de suite sans attendre le Paradis...
Voilà ce qui, au-delà de jeunes têtes déboussolées, nous fascine chez le monstre-Daech : ce n’est pas la seule fascination de l’horreur...